La Stasi aussi...Le Ministerium für Staatssicherheit (MfS - Ministère pour la Sécurité de l'Etat, mieux connu sous l'acronyme de Stasi) et plus précisément son Département principal n°3 (Hauptabteilung III) responsable du renseignement électronique (SIGINT), était dépendant de l'aviation militaire est-allemande pour mener à bien ses missions de renseignement électronique depuis les airs. Les appareils nécessaires (An-2, An-26, Mi-8) ou leurs équipages n'étant pas toujours disponibles, décision fut prise de faire appel aux Soviétiques pour exécuter certaines missions à partir de 1983 (voir aussi > Reconnaissance et Guerre Electronique, partie 7). Une poignée d'hélicoptères du 239.OGVP d'Oranienburg, une unité directement subordonnée au commandement de l'état-major de la 16.VA, fut mise à disposition des services allemands dans le cadre d'une opération portant le nom de code RELAIS II entre 1983 et 1989. Ces appareils, d'abord un Mi-8T puis des Mi-8MT (1), étaient équipés de divers appareillages d'écoute radio multi-bandes dont les antennes étaient situées sur le flanc avant droit des machines concernées, à la place des hublots.
Les consoles des opérateurs est-allemands à bord d'un Mi-8 du 239.OGVP lors d'une mission "RELAIS" le long des frontières de
Berlin-Ouest. © V.Liebscher. Il s'agissait d'un analyseur de spectre Ailtech 757 pouvant travailler dans une large gamme de fréquences allant jusqu'à 22 GHz. Une caméra qui enregistrait l'affichage de l'écran d'analyse pouvait y être fixée. L'enregistrement permettait de documenter les résultats de la reconnaissance, qui étaient ensuite évalués en concordance avec le diagramme route-temps du vol. Outre le renseignement électronique, ces vols offraient également l'opportunité de photographier par le hublot arrière droit les installations sensibles, telles que les casernements ou encore les sites d'écoute ou de communication. Une caméra vidéo montée sur une plateforme stabilisée était parfois utilisée. Le visionnage du film obtenu permettait de resituer les différentes photos prises pendant le vol, ainsi que le positionnement des antennes observées. L'usage expérimental d'imagerie thermique fut aussi testé, mais sans grand succès. La photographie était aussi utilisée à des fins plus terre à terre comme le relevé des postes frontières afin d'en améliorer la sécurité. Un vol typique durait environ 100 minutes à une altitude moyenne de 100 mètres et à une vitesse de 110 km/h. Lorsque des objectifs à photographier l'exigeaient, l'hélicoptère montait jusque 200 à 300 mètres d'altitude et volait à vitesse réduite. Néanmoins, le schéma de vol n'était pas figé et certaines mesures pouvaient exiger de monter jusqu'à 1600 mètres. Les informations recueillies par les agents allemands étaient bien entendu partagées avec les services de renseignement soviétiques, c'est-à-dire le KGB. Les Mi-8 faisaient parfois l'objet d'une escorte en bonne et due forme par certains appareils alliés basés à Berlin-Ouest, en particulier les Français et les Britanniques. Ces derniers semblaient apprécier ces rencontres puisqu'ils photographiaient à tour de rôle l'une de leurs Gazelle AH.1 avec le Mi-8 indiscret. Bien que située dans la Zone de Contrôle de Berlin, Berlin-Ouest ayant le même statut souverain que la RFA, la ville ne pouvait être survolée en-dessous de 3000 mètres par les appareils militaires soviétiques, raison pour laquelle les Mi-8 de renseignement opéraient le long de la frontière. Une traversée accidentelle de celle-ci se produisit une fois dans la zone Treptow/Neukölln sans poser d'incident diplomatique. Une autre fois, en novembre 1983, c'est un journal berlinois qui fit état - à tort - du survol de Spandau. La question relative aux conséquences qu'auraient pu avoir une incursion du mauvais côté de la frontière préoccupa Erich Mielke, chef du MfS, surtout du point de vue de la sécurité. C'est ainsi que l'autorisation finale avant la première mission ne fut accordée que cinq jours plus tôt par le ministre, après celles du KGB à Karlshorst et du GFSA à Wünsdorf. Afin d'éviter tout incident diplomatique en cas d'atterrissage forcé à l'ouest, les agents allemands n'emportaient aucun document officiel et avaient pour consigne de rester à bord du Mi-8. Pour un temps, certains documents comme les notes prises en vol, étaient consignés sur du papier soluble dans l'eau, d'où la présence d'un récipient ad hoc en soute ! Toutefois, les plans de vol - non solubles... - ou les équipements d'écoute transportés n'auraient trompés personne. Les opérations furent plutôt un succès, tant et si bien qu'en 1984, le Major-Général Männchen, patron du HA III, prépara un plan qui prévoyait le survol du territoire de Berlin-Ouest ! Ce dernier resta néanmoins à l'état de projet, n'ayant sans doute pas reçu l'aval des autorités. Cette section est basée sur le livre de Volker Liebscher intitulé "Relais" (voir > Multimedia) ainsi que sur son article intitulé "Many's Spies" publié dans le numéro de juin 2017 d'Aeroplane. Adapté avec la permission de l'auteur et de l'éditeur. Téléchargez le fichier Google Earth avec la route suivie par les Mi-8 et leurs objectifs potentiels > Ici. Fichier créé par Manfred Bischoff. notes
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