Des biches de combatC'est à Stendal que les premiers hélicoptères de combat et d'assaut (1) Mil Mi-24 "Hind" (ou Biche, en anglais) déployés hors des frontières de l'URSS, furent observés initialement le 26 septembre 1973 en compagnie de quelques Mi-8T "Hip-C". Il s'agissait de la première version opérationnelle Mi-24A "Hind-A", affectée au nouveau 178.OBVP - Régiment autonome d'hélicoptères de combat (2) - vraisemblablement créé pour mettre en oeuvre le nouvel hélicoptère en RDA. D'autres machines furent également identifiées à Parchim où le nouveau 172.OBVP avait établi ses quartiers quelques mois auparavant. L'arrivée de ces premiers "Hind" annonçait le début d'un renforcement considérable de la puissance de feu du Groupe des Forces Soviétiques en Allemagne (GFSA). Un entraînement intensif commença rapidement au 178.OBVP à partir du mois de septembre. Il n'existait pas encore de cursus de formation au combat pour le Mi-24 et c'est celui adapté au Mi-8 qui était utilisé initialement pour l'entraînement. Le train rentrant du Mi-24 était une grande nouveauté pour les pilotes d'hélicoptère, ce qui eut pour conséquence quelques atterrissages sur le ventre. Aussi, un observateur présent dans la tour de contrôle était chargé de surveiller les manoeuvres d'atterrissage à la jumelle afin de prévenir d'autres incidents. En 1974, deux sessions de vol étaient organisées trois à quatre jours par semaine. De très nombreuses missions avaient pour objectif le champ de tir de Retzow et le champ de manoeuvre de Letzlinger Heide. Les vols d'entraînement comprenaient aussi le survol de l'infanterie afin d'habituer les nouveaux appelés peu aguerris au passage au-dessus de leurs têtes et à très basse altitude des Mi-24 et ce, afin d'éviter qu'ils ne s'enfuient terrorisés comme cela arrivait parfois ! Il s'agissait également de maîtriser les missiles antichars 9M17M Falanga-M (AT-2 "Swatter"). Le Mi-24A pouvait en effet emporter quatre de ces missiles montés sur des rails situés en bout de plans. L'opérateur assis en place avant guidait manuellement ces derniers via des ordres donnés par radio (l'antenne de guidage du système d'armes Radouga-F ou Arc-en-ciel, se trouvait dans un carénage sous le nez). Il utilisait à cette fin un viseur de char : le Falanga (Phalange) avait en effet été développé à l'origine pour équiper les blindés légers BDRM-1 et 2. Cette arme subsonique (540 km/h) était capable de pénétrer des blindages de 28 cm à une distance allant de 1000 et 4000 mètres. Toutefois, avec un taux de coups au but estimé à seulement 30%, l'efficacité de ces missiles restait limitée. Le développement du Mi-24 fut plus rapide que celui du système d'armes spécifique qui lui était destiné. Aussi, la version A devait-elle se contenter des mêmes types de missiles que ceux utilisés auparavant sur les Mi-4AV (3) ainsi que du système d'armes K-4V de ce dernier. Ce complexe équipait aussi les Mi-8TV "Hip-E" (1974) qui emportaient également quatre Falanga. C'est ainsi que le GFSA disposa pendant quelques années et en même temps de Mi-8 et de Mi-24 ayant des capacités antichars. D'autre part, une mitrailleuse pivotante Afanasyev A-12,7 d'un calibre de 12,7 mm était montée sous le nez, tandis que quatre pylones situés sous voilure permettaient l'emport d'amements divers tels que quatre conteneurs lance-roquettes UB-32A pouvant tirer chacun 32 roquettes S-5 de 57 mm ou encore quatre bombes de 50 à 250 kg. Il était également possible d'emporter deux bombes de 500 kg ou deux conteneurs de napalm ZB-500. Plus de 240 Mi-24A furent produits par l'usine n°116 d'Arsenyev entre 1970 (entrée en service au sein des VVS en 1972) et le début de 1975. Si les pilotes furent agréablement surpris par l'agilité d'un hélicoptère aussi massif, la réponse du rotor anticouple placé à droite de la dérive était insuffisante. Son déplacement ultérieur du côté gauche - le rotor devenant "tracteur" au lieu de "pousseur" - résolut le problème. D'autre part, la durée de vie des turbines Izotov TV3-117 était initialement limitée à 50 heures, mais le potentiel avant révision fut porté à 300 heures pour les moteurs de série 2 en 1973 et à 500 heures en 1975, encore augmenté à 750 heures avec les moteurs de série 3 en 1977. Une version d'entraînement Mi-24U "Hind-C" fut construite à quelques exemplaires. Cette dernière ne disposait pas de mitrailleuse, pas plus que du Radouga-F (certaines machines conservèrent cependant ce système d'armes, les rendant capables de tirer des missiles antichars). L'instructeur assis en place avant avait toute l'instrumentation ainsi qu'une double commande à sa disposition. Au moins une machine de ce type était stationnée à Parchim. Nous ignorons si le Mi-24DU "Hind-D", version d'écolage du modéle opérationnel suivant, le Mi-24D, fut déployé en RDA.
Crocodiles (surnom du Mi-24)La production du Mi-24D "Hind-D" fut lancée dès 1973 à l'usine n°168 de Rostov. 625 Mi-24D/DU avaient été fabriqués lorsque cette dernière cessa fin 1983. Les missiles Chtourm dont aurait dû être équipé le Mi-24A n'étant toujours pas disponibles, le Mi-24D était un modèle intérimaire visant à compenser les déficiences du "Hind-A". La "véranda" - comme l'appelaient les Soviétiques - du poste de pilotage n'offrait pas un champ de vision idéal, loin s'en faut. Lors des sorties nocturnes à basse altitude, les lumières du sol se reflétaient sur les vitrages, ce qui provoquait parfois la désorientation spatiale du pilote. Par ailleurs, le cockpit commun diminuait les chances de survie en cas de coup au but dans cette zone, le pilote et l'opérateur du système d'armes risquant d'être blessés ou tués en même temps. C'est ainsi qu'apparut le double cockpit en tandem doté de vitres blindées à l'avant, si caractéristique du Mi-24. Cette version bénéficiait par ailleurs de diverses améliorations testées auparavant sur le Mi-24B qui n'entra pas en service. La mitrailleuse nasale était remplacée par une tourelle USPU-24 avec une mitrailleuse de type Gatling Yakouchev/Borzov YakB-12,7 de 12,7 mm - désignée aussi 9-A-624 (4) - approvisionnée à 1470 coups dont la cadence de tir atteignait 4000 à 5000 coups par minute. Cette dernière était asservie par le système de visée stabilisé KPS-53AV qui comprenait un calculateur balistique VSB-24 relié à des capteurs enregistrant les paramètres du vol offrant ainsi la possibilité de corriger la visée automatiquement (5). Le complexe incluait le viseur KS-53 qui permettait à l'opérateur assis en place avant non seulement de tirer avec la mitrailleuse, mais également de larguer des bombes (le pilote ne pouvait les larguer qu'en urgence). Le pilote quant à lui disposait d'un collimateur PKV utilisé pour tirer les roquettes non guidées. Le missile 9M17M fut remplacé par le modèle 9M17P Falanga-PV, associé au Radouga-PF. Ce dernier avait une probabilité de coups au but de l'ordre de 80%. Le complexe Radouga comprenait un nouveau système de visée et d'acquisition de la cible. Il s'agissait au départ d'un périscope de sous-marin datant des années 30 monté tête en bas ! La base de ce dernier se trouvait à l'avant-droit du cockpit de l'opérateur du système d'armes, alors que l'autre extrémité du périscope aboutissait dans un nouveau carénage situé sous le côté droit du nez. Mais bien entendu, cet appareillage de toute évidence satisfaisant avait subi des modifications afin de lui permettre de remplir sa nouvelle tâche. Ainsi, son miroir était-il gyro-stabilisé. D'autre part, il était possible de choisir un champ de vision large ou étroit. Un capteur thermique intégré permettait de suivre automatiquement la position du missile grâce aux radiations émises par deux traceurs situés à l'arrière de ce dernier. La trajectoire du missile était ainsi corrigée par radio, l'opérateur du système d'armes se contentant quant à lui de garder le réticule du viseur sur l'objectif jusqu'à l'impact. Deux petites portes métalliques protégaient les vitres disposées devant les optiques lorsqu'elles n'étaient pas utilisées.
L'antenne de guidage des missiles était désormais logée dans un petit carénage orientable attaché sous la partie gauche du nez. Contrairement à son prédécesseur,
le Mi-24D pouvait emporter des résevoirs externes PTB-450 sous voilure. Quatre lance-leurres infrarouges démontables ASO-2V-02 contenant 32 leurres thermiques chacun
pouvaient être attachés sous la partie arrière de la poutre caudale. Un localisateur/détecteur de radars SPO-10 Sirena-3M assurait également la protection de l'hélicoptère.
La production du Mi-24V "Hind-E" commença en 1976. Dix ans plus tard, environ 1500 machines avaient été construites à Arsenyev et Rostov. La lettre V de la désignation signifiait Visotniy ou "altitude" en Français. Cette version était en effet motorisée par des turbines Izotov TV3-117V plus puissantes pouvant délivrer jusqu'à 2225 cv - d'où sa capacité à opérer plus aisément en altitude - tandis que les Mi-24A et D utilisaient des turbines TV3-117 de 2200 cv. De plus, les TV3-117V fournissaient encore 1700 cv à mille mètres sous 40°C, tandis que les TV3-117 ne donnaient plus que 1420 cv dans les mêmes conditions. Le Mi-24V était enfin armé de missiles antichars 9M114 Chtourm-V (AT-6 "Spiral"). Le nouveau missile supersonique pouvait percer un blindage de 56 cm à une distance allant de 800 à 5000 mètres en volant à 1260-1440 km/h. La probabilité de coup au but était désormais supérieure à 92%. D'un aspect plus compact, ses empennages repliables permettaient de le loger dans un conteneur cylindrique.
Ce Mi-24V photographié à Parchim le 3 février 1984 emportait sous les pylones externes des adaptateurs permettant d'y fixer quatre missiles antichars. Un "Hind-E" équipé
de la sorte pouvait par conséquent emporter jusqu'à 16 missiles si deux adaptateurs doubles étaient montés en bout de plans. Celui-ci ne transportait que deux Chtourm
et deux conteneurs UB-32A. © USMLM. L'antenne de guidage des missiles du Radouga-Ch (Ch pour "Chtourm") était devenue un peu plus volumineuse. Cette antenne mobile était logée dans un carénage fixe en forme de goutte d'eau avec un panneau diélectrique noir à l'avant, attaché à gauche de la tourelle nasale. Ce carénage permettait de distinguer à coup sûr un Mi-24V d'un Mi-24D. Le pilote utilisait un nouveau viseur automatique de type ASP-17V qui lui permettait de tirer avec la mitrailleuse nasale en position fixe, de tirer des roquettes et de larguer des bombes (6). Les premiers modèles du "Hind-E" étaient dépourvus de filtres d'entrée d'air PZU devant les turbines. Ces filtres qui équipèrent les Mi-24V suivants furent souvent montés en rattrapage sur les machines de début de série ainsi que sur les Mi-24D. Les Mi-24V du GFSA ne jouissaient pas du détecteur d'alerte radar SPO-15 Beryoza qui se reconnaissait aux carénages proéminents positionnés derrière le cockpit et sur la poutre de queue, mais conservaient le modèle plus ancien SPO-10. A l'instar des Mi-24D, ils pouvaient emporter quatre lance-leurres infrarouges ASO-2V-02 contenant chacun 32 leurres, sous la poutre caudale. Ces derniers furent ensuite remplacés par six dispositifs identiques montés sur les flancs arrières du fuselage (3 de chaque côté). Ils étaient fixés sous un angle d'environ 15° vers l'avant et bénéficiaient parfois d'un carénage aérodynamique. La cadence de tir des leurres pouvait varier de 4 à 16 exemplaires avec des intervalles de 2 à 6 secondes entre chaque salve. Un support pour un brouilleur IR SOEP-V1A Lampa Infrakrasnych Pomiekh (lampe de brouillage IR) plus généralement désigné Lipa - "Hot Brick" pour l'OTAN (7) - se trouvait en retrait derrière le rotor principal, là ou prenait naissance la poutre de queue. Le Lipa était composé d'une lampe au xénon et d'un déflecteur rotatif logés dans un boîtier en forme de dé à coudre. Ce système produisait des signaux infrarouges erratiques qui perturbaient le guidage des missiles IR. Les premiers Mi-24V de série ne disposaient pas de cet équipement, tandis que quelques Mi-24D de fin de série en furent équipés. Ce type de matériel fut toutefois monté en rattrapage sur bon nombre des "Hind-D" et "-E" les plus anciens. Il était possible de poser des dilueurs de jet EVU sur les échappements des turbines afin de réduire leur signature IR. Cela ne concernait toutefois que les machines produites après 1984 dont les tuyères d'échappement étaient coupées verticalement (au lieu d'être biseautées) et jusqu'à preuve du contraire, les seules machines du GFSA susceptibles de recevoir cet équipement de protection étaient les Mi-24K et R (8).
notes
(1) Le Mi-24 n'était pas seulement un hélicoptère de combat : il pouvait emporter jusqu'à huit fantassins armés en soute. Les fenêtres
de celle-ci
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