THIS PAGE IN ENGLISH HERE Alexander Waning, citoyen Hollandais, est passionné d'aviation et a des liens familiaux dans ce qui fut la République Démocratique Allemande. Une association d'éléments qui conduisit à des résultats déplaisants ! Au cours des années soixante-dix, j'étais officier contrôleur aérien de la Koninklijke Luchtmacht (Force aérienne royale néerlandaise) à Ypenburg et je me suis marié avec une femme dont la famille vivait en RDA. Le Service de renseignement de l'armée (Militaire Inlichtingen Dienst) voyait cela d'un mauvais oeuil et il lui fut signifié qu'elle n'aurait plus le droit de visiter sa famille après le mariage. Je trouvais cela très déplaisant, aussi ai-je soumis une requête afin qu'elle puisse continuer de se rendre en RDA pour rendre visite à ses proches. Cela fut finalement autorisé, pourvu que je mentionne ma profession lorsque je demandais un visa afin d'éviter toute suspicion. La famille vivait à Mersebourg. Je savais qu'il y avait là-bas un aérodrome, mais j'ignorais sa fonction. Je le découvris rapidement quand des MiG-21 et des MiG-23 passèrent au-dessus de ma tête (1). De fait, la famille vivait près de l'aérodrome. Il était tout simplement impossible de ne pas voir les avions. Les conversations du trafic aérien bloquaient mon autoradio et les radars interféraient avec la réception TV. L'éclairage public était éteint lors des séances de vol de nuit. Et bien sûr, il était interdit de photographier... Quel désastre ! Les visites se déroulèrent bien pendant quelques années, jusqu'au dernier voyage, quand nous furent arrêtés et conduits à Berlin pour être interrogés. Ils pensaient tout simplement que nous étions des espions. Les soupçons commencèrent plus tôt en 1976 et des mesures de surveillance furent prises lors des voyages suivants. Des équipements d'écoute avaient été installés en secret dans l'appartement de la famille et j'étais surveillé 24 heures sur 24. Ils avaient fouillé ma voiture, m'avaient suivi, établis des postes d'observation un peu partout - certains jours, jusqu'à 30 personnes étaient actives pour me surveiller. J'ai appris tous ces faits lorsque j'ai eu accès à mon dossier de la Stasi, soit une pile de papier faisant environ 50 centimètres d'épaisseur... Sans compter les bandes magnétiques, les photos et les négatifs qui sont perdus. Nous avions reçu des noms de code : nous étions "Fuchs" et "Elster", la famille "Wolf" et "Adler", les enfants "Katz" et "Maus". Je pense que personne n'a de compte-rendu aussi détaillé des ses vacances ! Tout ce que nous disions, du lever au coucher, était écris. Dans un rapport (Tagesbericht), on peut lire que je me plaignais parce que quand j'approchais Mersebourg, je devais souvent m'arrêter pour laisser passer des convois militaires avec des chars, des canons ou des troupes. C'est que la périodicité des activités militaires avait été accrue afin de susciter mon intérêt car ils tentaient de déterminer quels étaient mes objectifs. Cela semble irréel, mais c'est pourtant écrit noir sur blanc dans un rapport officiel se rapportant à l'une des réunions datant de fin 1977 intitulé "Plan d'action pour le traitement opérationnel de l'OPK (2) "Tulip", où les actions à prendre lors de ma visite suivante prévue pour Pâques 1978 étaient détaillées. Comme j'étais aussi intéressé par les trains, je me rendais parfois à la gare pour regarder les locomotives à vapeur. Ils pensaient que j'étais intéressé par les trains se rendant à l'aérodrome et les casernements, aussi, l'une des mesures prises à mon encontre consistait à également augmenter leurs activités. D'autres unités soviétiques étaient casernées près de la base aérienne et de mon appartement. Ce dernier était en effet coincé entre l'aérodrome et une zone où étaient stationnés un Régiment de franchissement (le 65.POMP - Pontonno-Mostovoy Polk / > photo lors de la journée portes ouvertes de Mersebourg en 1991), une sous-unité d'une Brigade d'artillerie (sans doute la 7è Batterie du 390.GvAB - Gvardeyskaya Artilleriyskaya Brigada) et un Bataillon autonome d'une brigade de missiles anti-aériens (OZRDN - Otdel'nie Zenitnie Raketnie Divisioni du 163.ZRBR - Zenitno-Raketnaya Brigada). Le rapport de la Stasi mentionné plus haut précisait : "Augmentation de l'activité sur la zone d'entraînement du Rotthügel [au sud de l'aérodrome], au niveau des sorties pour les véhicules chenillés et d'artillerie. Déploiement d'artillerie et de véhicules chenillés. Stationnement d'artillerie sur le Rotthügel afin qu'elle soit visible depuis la zone du tas de cendres." Egalement précisées dans le même rapport, les mesures à prendre incluaient : "Activités simulées près de la propriété en ruines en installant des radars fonctionnels, des véhicules chenillés et des camions en exerçant une surveillance constante. Les activités doivent se dérouler dans la partie arrière des ruines de manière à ne pas être totalement visibles depuis la route." Bien sûr, j'observais aussi l'aérodrome, mais depuis un véhicule est-allemand. Je pensais ne pas me faire remarquer. La Stasi avait établi de nombreux postes d'observation. De faux objectifs militaires étaient utilisés pour m'appâter et m'observer. L'un d'entre eux était un faux poste de garde (KPP) construit spécialement au nord de la base, près de la "propriété en ruines" - citée ci-dessus - depuis lequel ils me photographiaient passant en voiture... Un document mentionne que nous aurions dû être arrêtés lors de notre avant-dernier voyage, mais une erreur administrative nous avait provisoirement sauvés. "Il reviendra de toute façon" avaient-ils dit. Vint le dernier voyage en 1979. Je remarquai que souvent, un ou deux hélicoptères volaient très bas au-dessus de notre appartement situé rue Otto Lilienthal et le long de la rue pour ensuite atterrir dans un champ visible depuis notre balcon. J'appris plus tard que les Russes avaient reçu de la Stasi une demande afin de me confronter avec les hélicoptères autant que possible. Et bien, quand un Mi-8 ou un Mi-2 passe près de vous à moins de 30 mètres, essayez, en tant que spotter, de vous retenir et de ne pas prendre de photos. Et qu'y a-t-il dans les documents ? Une photo de ma personne photographiant un Mi-8 prise depuis celui-ci, ainsi qu'un rapport du pilote. Ce dernier y mentionnait des équipements spéciaux embarqués, laissant à penser que le "Hip" était peut-être de la version TARK. Lire > Des "Hip" particuliers.
Ils ont essayé par tous les moyens possibles de trouver des preuves pour m'arrêter, comme me confronter à un agenda militaire russe comprenant des photos et des cartes déposé à l'entrée de mon bloc d'appartements dans l'espoir que je le ramasse. Lors de mon dernier voyage, j'ai endommagé la suspension de ma voiture à cause d'un nid-de-poule sur la route, ce qui m'a empêché de rentrer aux Pays-Bas en voiture. Après consultation avec l'ANWB (3), décision fut prise de laisser la voiture en RDA. Elle serait récupérée par eux - réparer une Opel en RDA était impossible - et nous pourrions prendre le train pour rentrer chez nous. A Oebisfelde, lors du contrôle précédent le passage de la frontière, nous furent sortis du train et emprisonnés à la gare. Nous fûmes séparés et au bout de plusieurs heures, un officier de la Stasi est arrivé et m'a dis de le suivre. Il y avait une Mercedes avec des plaques est-allemandes attendant devant la gare. Je pris place sur la banquette arrière entre deux agents. Une voiture avec ma femme à bord et deux autres véhicules nous suivirent à grande vitesse jusqu'à Berlin. Nous furent interrogés pendant une semaine dans une grande villa de la Stasi au 8 Weiselpfad et ensuite transférés dans une prison de la Stasi (sans doute à Bautzen). Etant donné que rien ne pouvait être prouvé et grâce aux bonnes relations qu'entretenait les Pays-Bas avec la RDA, nous furent pris en charge par la Mission militaire hollandaise et échangés contre quelqu'un sur un pont entre Berlin-Est et Berlin-Ouest. Lorsque les frontières s'ouvrirent, nous sommes naturellement directement retournés en ce qui était encore pour quelque temps la RDA. Et bien sûr, je suis allé discrètement jusqu'à l'aérodrome. Malheureusement, les gens étaient encore suspicieux et c'est seulement quand la RDA ne fut plus que de l'histoire que je pu me rendre auprès des aérodromes soviétiques avec confiance. La photographie clandestine était encore difficile à Mersebourg et j'ai rapidement eu des problèmes avec la police. J'avais réussi à prendre quelques photos, mais apparemment, le pilote en place arrière d'un MiG-29UB m'avait vu et la police militaire de la route russe (VAI - Voyennaya Avtomobilnaya Inspektsiya) s'est rapidement présentée sans poser de réel problème; ils m'ont simplement conseillé de partir. Cependant, quand la police allemande est arrivée, ils voulurent prendre mon appareil photo. Mais après une longue discussion, ils sont finalement repartis. Heureusement, il n'y eu pas de problèmes sur beaucoup d'autres aérodromes où nous furent souvent accueillis à bras ouverts. De belles photos furent ainsi réalisées, ainsi que des enregistrements vidéo dont je pu faire un beau DVD (voir > Multimedia) que des enthousiastes du monde entier m'ont acheté. Alexander Waning > La télévision néerlandaise a diffusé une série d'émissions consacrées à la guerre froide. Alex Waning y a relaté son histoire dans le troisième documentaire émis le 10 décembre 2021. Vous pouvez y visionner son témoignage à partir de 23'32" > Lien. notes
(1)
Mersebourg abritait la 6.GvIAD et le 85.GvIAP.
Les MiG-21SMT du régiment ont commencé à être remplacés par des MiG-23M à partir de 1976.
|
||||||