Des biches vraiment spécialesLa diffusion, en avril 1986, d'un reportage sur les conséquences de l'explosion du réacteur n°4 de la tristement célèbre centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl, permis aux occidentaux d'observer et d'identifier pour la première fois une nouvelle version du Mi-24 qu'ils baptisèrent "Hind-G1". La variante de reconnaissance nucléaire, bactériologique et chimique (NBC) du Mi-24 fut étudiée et développée en vue de remplacer les Mi-8VD qui remplissaient une mission de reconnaissance radiologique depuis le milieu des années soixante-dix, ainsi que les vieux Mi-2RKhR de reconnaissance radiologique et chimique dont la présence éventuelle en RDA n'est pas confirmée. Le prototype du Mi-24R (R pour Razvedtchik - reconnaissance), également appelé parfois RKhR (Radiatsionno-Khimitcheskaya Razvedka - reconnaissance radiologique et chimique) (1) fut aménagé fin 1978 à partir d'une cellule de Mi-24V, mais il semblerait que les exemplaires de série étaient basés sur la cellule du Mi-24D. Le nombre de machines produites entre 1983 et 1989 varie de 110 à 160 selon les sources... Le Mi-24R se distinguait de ses congénères par de nombreuses caractéristiques externes. Le système d'armes Radouga étant absent de cette version, le nez était dépourvu de l'antenne de guidage pour les missiles antichars à gauche ainsi que des systèmes d'acquisition et de visée à droite. Le "Hind-G1" conservait néanmoins une certaine capacité offensive grâce à sa tourelle nasale USPU-24 ainsi qu'à ses pylônes d'armement sous lesquels des conteneurs lance-roquettes étaient souvent accrochés de manière routinière. La caméra de tir S-13 habituellement montée en bout de plan gauche était cependant délaissée sur les Mi-24R. Les deux hublots de la double porte de soute droite avaient cédé la place à un long hublot bombé rectangulaire qui améliorait l'éclairage du poste de travail qui se trouvait à cet emplacement, tout en permettant de mieux observer l'extérieur. L'étanchéité du Mi-24R était améliorée et l'air entrant dans la cabine était prélevé et filtré par un dispositif dédié. Ce dernier se présentait extérieurement sous la forme d'une protubérance cylindrique qui dépassait sous l'avant gauche du nez, derrière le logement du train antérieur. Ce carénage entourait la prise d'air du ventilateur qui aspirait l'air dans le dispositif d'épuration avant de l'insuffler dans la cabine. L'orifice rectangulaire d'évacuation de l'air vicié était visible juste au-dessus, sur le flanc gauche du fuselage. L'équipage était de plus protégé par des feuilles de plomb ajoutées au revêtement de l'hélicoptère. Un lance-marqueurs destiné à baliser avec dix cartouches de couleur les zones contaminées était attaché à la béquille de protection de la poutre de queue. Mais la caractéristique du Mi-24R qui marqua les esprits se situait au bout de la voilure : les rails lance-missiles des modèles de combat avaient cédé la place à un ingénieux dispositif démontable de prélèvement d'échantillons de terrain - lequel était identifié à l'époque par les services de renseignement occidentaux, comme étant un équipement électronique... Ce système était composé d'un groupe de trois petites sondes mobiles placées au bout d'un bras mécanique articulé qui pouvait être abaissé jusqu'au sol une fois l'hélicoptère posé. Il était ainsi possible de prélever six échantillons de sol pour analyses ultérieures. Deux postes de travail étaient installès dans la soute arrière. Un opérateur était assis à l'avant-droit devant une console FO-1, près du hublot rectangulaire. Celle-ci permettait de traiter les données résultant des analyses et d'envoyer des messages encodés. Le second opérateur et chef de mission était responsable de la transmission des informations recueillies vers les postes de commandement et les troupes au sol.
Il gérait également les différents équipements de prélèvement et d'analyse installés en soute dont : Les Mi-24R emportaient régulièrement un mystérieux container sous le pylône BD3-57KrV externe gauche de voilure. Faute d'information, la fonction de ce dernier a fait l'objet de nombreuses interprétations présomptueuses durant le guerre froide et même après. Il s'agissait en fait d'un banal conteneur de transport équipé de deux portes latérales. Si le contenant n'avait rien d'extraordinaire, le contenu, lui, sortait de l'ordinaire :
- une valise de reconnaissance chimique militaire VPKhR pour prélèvements
L'emport des équipements suivants fut également envisagé mais par retenu :
Tout ce matériel permettait de faire des prélèvements et de marquer des zones contaminées au sol, à l'extérieur de l'hélicoptère, lorsque cela était impossible en restant à bord de ce dernier. Il était par ailleurs préférable, ne fut-ce que psychologiquement, de loger ces objets potentiellement contaminés après usage dans un conteneur hors de l'hélicoptère plutôt que dans la soute... Les équipements de survie embarqués comprenaient deux réservoirs d'oxygène transportables, deux autres bouteilles équipées de leur système respiratoire KKO-LS, des masques à gaz Yasen-A ainsi que des combinaisons de protection Kompakt-A. Bien que ne remplissant pas le même type de mission, on aurait pu dire que le Mi-24K n'allait pas sans le Mi-24R et inversement ! On trouvait en effet généralement le même nombre de chaque version au sein d'une unité. Il est d'ailleurs curieux de constater dans le rapport de la USMLM pour 1986 que les six premiers "Hind-G1" et "-G2" observés la même année à Neuruppin volaient souvent de pair. Le Mi-24K "Hind-G2" (K pour Korrektirovschik - réglage) était pourtant un appareil spécialisé destiné à l'observation du champ de bataille, la reconnaissance, la photographie et le réglage d'artillerie (détermination des coordonnées de l'objectif, correction des tirs et observation de l'impact des missiles lorsque cela n'était pas possible depuis le sol). Le Mi-24K, dont le nombre d'exemplaires produits entre 1983 et 1989 est pour le moins incertain (92 ou 170...), était basé sur la cellule du Mi-24V. Il devait remplacer le Mi-8TARK qui exécutait les mêmes tâches. Tout comme le Mi-24R, le "Hind-G2" avait perdu ses capacités antichar mais conservé ses pylônes d'armement. Une nouvelle excroissance occupait néanmoins l'emplacement du système d'acquisition de cibles et de visée habituellement monté sur les versions D, V et P. Il s'agissait d'une tourelle qui contenait un capteur optique grand angle Iris protégé au repos par un gros couvercle s'ouvrant vers le haut. Un jeu de miroirs mobiles permettait d'accroître le champ de vision du système qui était de +/- 110° dans le plan horizontal et de -20° / +15° dans le plan vertical. Le membre d'équipage assis en place avant - il n'y avait pas de personnel en soute à bord du Mi-24K - pouvait voir au travers du capteur optique les objectifs visés grâce à un système de périscope rappelant celui du Radouga. Outre l'observation du champ de bataille, cet opérateur avait la possibilité de pointer un curseur sur une cible afin de corriger automatiquement des erreurs de coordonnées éventuelles. Les informations étaient envoyées aux troupes au sol via une radio VHF R-828. L'Iris faisait partie du complexe Routa qui comprenait notamment un ordinateur digital Orbita-20-9K pour gérer l'ensemble. La présence d'une table pliante pour les cartes et les organes de commande de l'Iris et du Routa dans le poste avant, n'avaient pas permis d'y conserver les commandes de vol habituellement à disposition de l'aviateur-opérateur, comme était désigné en Russe le membre d'équipage occupant le poste avant.
La suite de reconnaissance Routa qui incluait un complexe de présentation des données occupait la soute avec
une énorme caméra orientée à droite légèrement vers le bas, installée à l'avant. La présence de cet appareil photo qui pouvait être soit un A-87PV d'une focale de 1300 mm
ou un AFA-110-280, avait nécessité la suppression des portes de
soute droites. Une fenêtre rectangulaire optiquement plate, au travers de laquelle l'appareil embarqué tirait ses prises de vue, était par contre placée au bas de l'ancien emplacement
de ces portes. La caméra A-87PV plus souvent rencontrée était approvisionnée par une énorme cartouche contenant 60 mètres de pellicule de taille 300x300mm.
Par ailleurs, un posemètre SU-5 fixé derrière le premier hublot à droite à côté de la caméra, assurait une exposition correcte des images.
Les films étaient développés dans un laboratoire transportable APF-U. Un désignateur laser était parfois embarqué en lieu et place de la caméra.
notes(1) Parfois désignés erronément Mi-24RKh, KhR ou RKR.
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