La variété des armements que pouvait transporter le Mi-24V était plus étendue. Outre les classiques conteneurs lance-roquettes UB-32A ainsi que les nouveaux B-8V20A (20 roquettes S-8 de 80 mm) (1), les missiles 9M114 et diverses bombes, le "Hind-E" pouvait utiliser des conteneurs GUV (conteneur universel pour hélicoptères - 9-A-669) configurables en deux versions. Le GUV-8700 était prévu pour une mitrailleuse quadritube YaKB-12,7 (9-A-624) de 12,7 mm et deux mitrailleuses GChG-7,62 (9-A-622) de 7,62 mm, tandis que le GUV-1 était configuré avec un lance-grenades automatique de 30 mm AGS-17 Plamya (Flamme). La panoplie d'armement comprenait également des pods UPK-23-250 avec canons bitubes GCh-23L de 23 mm approvisionnés à 250 coups ainsi que des conteneurs à sous-munitions KMGU-2 pour le largage de mines antichar ou anti-personnel. Il était enfin possible de tirer des roquettes non guidées S-13 de 122 mm (conteneurs B-13L pour cinq roquettes) ou des roquettes S-24B de 240 mm. En configuration de convoyage à longue distance, quatre réservoirs PTB-450 prenaient place sous les pylônes de voilure.
Ces photos ont été prises par la caméra de tir S-13 d'un Mi-24 du premier escadron du 178.OBVP de Stendal lors d'un combat aérien en septembre 1988. © V.Paevskiy. Il y avait également les avions de tourisme et les planeurs ouest-allemands qui traversaient assez souvent la frontière, on l'imagine, par erreur. N'étant pas des appareils de combat, il n'était pas question de les abattre et un chasseur n'aurait pas pu forcer un appareil aussi lent à atterrir en raison de sa trop grande vitesse propre. L'utilisation d'hélicoptères permettait d'économiser le potentiel des avions de chasse et de réduire la charge de travail pesant sur leurs équipages, tout en fournissant aux pilotes d'hélicoptères l'occasion de s'entraîner au combat aérien - le but était de forcer l'intrus à se poser en RDA. Enfin, il y avait les hélicoptères de l'OTAN qui patrouillaient le long ou trop près de la frontière à moins de cinq kilomètres. L'OTAN testait régulièrement l'efficacité des équipages en alerte de cette manière. Un pilote de Mi-24 témoigne : "J'ai eu l'occasion d'être posté en alerte à Mahlwinkel, Köthen et sur le site radar de Quedlinburg plus d'une fois. Les Allemands de l'Ouest [l'OTAN] connaissaient nos indicatifs et notre degré de qualification et ils vérifiaient régulièrement les capacités de la section d'alerte. Disons simplement que vers 1984-1985, un 9 mai, alors que notre indicatif venait d'être changé comme il l'était régulièrement, notre équipage en alerte décolla à la rencontre d'un objectif à trois reprises et j'ai volé environ 7 heures en ce jour sacré (4)."
Le système de détection et d'interception des objectifs lents incluait les troupes des gardes frontières est-allemandes, les sites radar du GFSA et de la NVA, ainsi que
les Mi-24 des forces d'aviation soviétiques et est-allemandes (5).
Des aires de stationnement pour les hélicoptères et des locaux pour leurs équipages avaient été aménagés auprès des sites radar
de la PVO situés en première ligne disposant de la possibilité de guider les appareils vers les cibles potentielles. Les équipages des Mi-24 n'étaient qu'à 10 ou 20 mètres de leur machine
et le temps nécessaire avant de pouvoir décoller était nettement inférieur à celui
d'un chasseur. De plus, ces postes avancés n'étaient éloignés que de 6 à 15 kilomètres de la frontière interallemande, ce qui réduisait encore le temps de réaction.
Le 3 août 1984, le Socata MS893A Commodore 180 D-EDKK fut intercepté à l'intérieur de l'espace aérien est-allemand par le Mi-24 du Capitiane Jabov
et contraint de se poser en RDA. L'équipage affecté à une unité stationnée à Nohra, fut récompensé avec des montres commémoratives. © Archives A.Sviridenko. Les escadrons auraient pris leur rôle d'alerte en 1980, un an après le transfert du 336.OBVP de Berdyansk vers Nohra. Outre une permanence à Nohra, un escadron postait régulièrement un Mi-24 sur les sites radar de Geba et Wachstedt. Précisons au passage que les Mi-24 étaient également susceptibles de décoller sur alerte contre des objectifs au sol. Ainsi, quatre équipages étaient en standby pour ce type de mission à Nohra. Leurs appareils étaient armés de conteneurs lance-roquettes chargés (le rôle d'alerte contre des objectifs terrestres pris fin le premier décembre 1989). D'autre part, un équipage supplémentaire fut mis en alerte à partir de juin 1988 contre les ballons sondes vraisemblablement considérés comme des ballons espions potentiels. Selon le témoignage d'un ancien pilote du GFSA, les soviétiques testaient eux aussi l'état de préparation de l'OTAN en envoyant parfois une paire de Mi-24 jusqu'à la frontière. Après une approche à pleine puissance, les hélicoptères effectuaient une ressource au-dessus de la ligne de démarcation et volaient encore environ deux kilomètres du mauvais côté de celle-ci avant de dégager. Mais le 16 juin 1983, la rencontre entre le Mi-24D numéro 07 (lequel aurait été affecté au 345.OVE OP également basé à Nohra) en détachement sur le site radar de Wachstedt et un Bell AH-1G Huey Cobra dans la région de Witzenhausen / Neu Eichenberg, devait se terminer tragiquement. Le pilote du Mi-24 se serait comporté de manière agressive vis-à-vis d'un helicoptère des Gardes frontières allemands (Bundesgrenzschutz) qui patrouillait le long de la frontière. Ce dernier ayant signalé l'incident, un Huey Cobra du 4ème escadron du 11ème Régiment blindé de cavalerie (4/11 ACR) basé à Sickels (Fulda Army Airfield) fut envoyé à la rescousse. S'ensuivirent une série de manoeuvres audacieuses de part et d'autre qui aboutirent finalement au crash du Mi-24 : le rotor principal de ce dernier avait fini par toucher et sectionner la poutre de queue (6) avec les conséquences définitives que l'on peut imaginer. Le Mi-24 s'écrasa à une centaine de mètres de la frontière près du village de Hohengandern et fut entièrement détruit par le feu, ne laissant aucune chance aux trois membres d'équipage. Le commandant de régiment, le Colonel I.V. Vladimirovitch se serait rendu sur les lieux de la tragédie peu après à bord d'un Mi-8. Le lendemain, les corps de l'équipage composé du Capitaine You.D. Karpov, pilote, de l'opérateur du système d'armes A.N. Satchkov et du mécanicien naviguant L.N. Semakhine furent retirés de l'épave, tandis que cette dernière était évacuée par des militaires de la NVA (voir également ce > Lien) (7). Comble de malchance, la base de Nohra perdit encore accidentellement lors d'une patrouille frontalière un Mi-8TV et son équipage le 29 avril 1989, lorsque celui-ci entra en collision avec un arbre poussant en haut d'une colline, dans la région d'Ehrenburg.
En résumé, l'emploi du temps mensuel d'un pilote de Mi-24 au cours des années 80 aurait été souvent répartit comme suit : La prise d'alerte sur la base d'attache se déroulait comme suit (témoignage d'un pilote affecté au 337.OBVP de Mahlwinkel en 1984 - aérodrome situé à 42 km de la frontière, soit 13 minutes de vol) : un équipage était prêt à décoller dans un délai de dix minutes, tandis qu'un second équipage était disponible sous trente minutes. Lorsque le premier équipage décollait, le second passait à un niveau d'alerte supérieur, prêt à son tour à décoller dans les dix minutes. Il y avait deux à trois décollages sur alerte par semaine. Pour être complet, il faut également mentionner que les Mi-24 étaient susceptibles de donner la chasse aux Missions militaires de liaison occidentales lorsque l'opportunité se présentait. Le Group Captain Richard Bates, commandant en second de BRIXMIS en 1981, témoigne : "Les équipages des hélicoptères soviétiques étaient habiles pour localiser les véhicules des Missions et souvent, ils étaient prêts à les prendre en chasse, descendant parfois si bas qu'ils menaçaient d'entrer en collision avec ces derniers."
Le Bort nomer 23 était un Mi-24V qui fut photographié en août 1982 alors qu'il couvrait un exercice de franchissement de cours d'eau près de Sandau.
Il était équipé d'un crochet DG-64 pour le transport de charges sous élingues. Celui-ci était situé au centre du cadre en forme de V que l'on peut distinguer sous le fuselage.
© USMLM. L'avènement du Mi-24V alla de pair avec l'arrivée d'un nouveau régiment en 1979 au sein du GSFA : le 337.OBVP à Mahlwinkel. D'autres unités abandonnèrent leurs "Hind-D" au profit du "Hind-E" : le 225.OBVP à Brandis (en partie seulement, 1980), le 172.OBVP à Parchim (1980), le 336.OBVP à Nohra et le 178.OBVP à Stendal. D'autre part, de nouvelles unités furent créées en RDA au cours des années 1980 : le 439.OVP BU à Parchim (Mi-24V - 1987), le 440.OVP BU à Stendal (Mi-24D/V - 1987), le 485.OVP BU à Brandis (Mi-24V - 1989), le 486.OVP BU à Altes Lager (Mi-24D/V - 1989) et le 487.OVP BU à Gross Dölln (Mi-24V - 1989 / unité en formation composée de seulement deux escadrons transférée à Werneuchen en 1991). Nous ignorons si à l'époque de leur arrivée, les 486 et 440.OVP BU alignaient uniquement des versions D ou un panaché de modèles D et V. La question reste ouverte également pour le 225.OBVP. Il faut noter que les unités de type OVP BU furent créées sur place par l'amalgamation des nombreuses unités de type OVE OP qui mettaient en oeuvre des Mi-24 aux côtés de Mi-2 et de Mi-8 (lire > L'Armeyskaya Aviatsiya en Allemagne). Ainsi, le 440.OVP BU fut mis sur pied à partir du premier mars 1987 en incorporant des hélicoptères provenant d'escadrons basés à Köthen, Mahlwinkel et Neuruppin. Le processus se termina le 25 mars, lorsque le régiment reçut sa bannière de combat. Pouchka
Le mécanicien navigant d'un Mi-24P se détend avant de faire ses adieux à Mahlwinkel le 16 mai 1994. © JL Debroux.
Les premiers Mi-24P du GFSA semblent avoir été observés au
178.OBVP à Stendal en 1982. Cette unité avait une dotation égale de 20 Mi-24V et 20 Mi-24P en 1991. Deux autres unités reçurent des "Hind-F" en 1984 : le 172.OBVP à Parchim
(dotation mixte de Mi-24V et -P) et le 337.OBVP à Mahlwinkel (dotation mixte). Cette dernière unité récupéra une partie des Mi-24P du 178.OBVP au cours de l'été 1992 pour une raison inconnue
- sans doute remplaçaient-ils des Mi-24V ou P au potentiel restant insuffisant pour voler pendant encore près de deux ans en Allemagne.
notes
(1) Les roquettes étaient tirées par salves de 4, 8 ou 16.
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