Un début explosif
Le véhicule de chargement/déchargement des lanceurs Hawk. © U.S.Army. MIM-23B "Improved Hawk". © Collection M.Wyffels. Après cette nuit mémorable, les premières semaines sont consacrées à compléter ma formation. Je m'aperçois avec effroi que j'ai encore beaucoup à apprendre. Ma chambre est jonchée de manuels techniques et je passe mes soirées dans un local blindé à apprendre les procédures secrètes de 2.ATAF (2nd Allied Tactical Air Force). Un mois plus tard, je suis "lâché" pour ma première permanence sur le site de missiles de Flechtdorf. La journée vient à peine de commencer qu'un sous-officier me demande de diriger un déchargement de missiles en tant qu'officier de sécurité (OS). Je n'ai aucune idée de ce qu'il faut faire. Heureusement, le rôle de l'OS se borne normalement à être présent. Mes hommes sont des experts et ça se passe toujours très bien, il faut juste un officier "car c'est le règlement". Le chargement/déchargement se fait à l'aide d'une chenillette munie de trois bras permettant de déplacer les missiles des palettes de transport vers les lanceurs et vice-versa. Je regarde attentivement comment l'étrange engin s'accroche au lanceur. Je fais de mon mieux pour ne pas gêner et surtout pour ne pas me faire écraser... Le chauffeur étend les bras articulés par-dessus les missiles. Deux soldats déverrouillent les missiles du lanceur sous l'œil averti d'un sous-officier technicien. L'opérateur actionne alors un joystick pour reculer les bras et déplacer les missiles. Soudain, le chauffeur pousse un cri, saute du véhicule et s'enfuit à toutes jambes, précédé de peu par le reste de l'équipe. Avec un bel ensemble, ils plongent dans une tranchée vingt mètre plus loin. Je reste planté seul à côté des missiles. C'est alors que je remarque un curieux sifflement qui semble provenir d'une des armes. N'écoutant que mon courage, je rejoins précipitamment mes hommes au fond du trou... Après quelques secondes, il semble bien que rien n'a explosé et que nous sommes toujours vivants. Le sous-officier m'explique que le missile numéro un s'est décroché et est brutalement retombé sur le lanceur. Moi, je n'avais rien remarqué... Le problème c'est que le système de mise à feu est conçu pour s'activer lors de l'accélération du départ... ou d'un choc similaire. La question est maintenant de savoir si le choc a été assez violent pour armer le missile. Si c'est le cas, il peut exploser à tout moment, me dit-on. Pour le savoir, il n'y a qu'une solution. Une personne doit aller seule connecter un boîtier de contrôle sur la prise de lancement (appelée un "ombilical"). Il s'agit du connecteur auquel on ne touche qu'en temps de guerre et qui est normalement couvert d'une "Shorting Plug" destinée à éviter un lancement intempestif. Selon la procédure technique, vous l'aurez deviné, cette personne est l'officier de sécurité (moi, donc)... Après avoir réuni toute l'équipe de l'autre côté de la butte de tir (on n'est jamais trop prudent), je m'approche du lanceur en déroulant derrière moi le câble d'un téléphone de campagne. En effet, même l'émission d'un walkie-talkie pourrait causer une explosion, paraît-il. Suivant les indications du responsable technique installé en sécurité dans l'abri blindé, je retire le couvercle sur lequel il est écrit en rouge "Danger - Do NOT Remove". Ensuite, je branche une boîte-diagnostic munie de quelques loupiotes et d'un bouton sous lequel un américain a jugé utile d'imprimer la mention "Press Here". Une seconde plus tard, une lampe verte s'allume, c'est probablement bon signe. Le chef réparateur arrive alors avec tout un attirail pour "vérifier les tensions". Bientôt, il confirme l'absence de danger et nous examinons les dégâts de plus près. En fait, le sifflement que j'ai entendu provenait du gaz inerte dont les missiles sont remplis. Celui-ci s'est échappé d'une longue fissure dans le radome. Le missile est foutu, on me dit qu'il coûte des centaines de milliers de dollars. Pas mal pour un premier jour de travail! La commission d'enquête arrivée sur les lieux découvre rapidement la cause de l'accident. Le "Rotating Sector" (support rotatif) sur lequel le missile reposait a basculé, causant le décrochement du missile. Normalement, cette pièce ne bouge que lors du tir mais son verrou était défectueux. Suite à cette découverte, les lanceurs de tous les sites Hawk sont contrôlés. Seules quelques pièces s'avèrent défectueuses. Il a fallu que ça tombe sur moi... Operational Readiness Evaluation
Les radars devaient tourner de concert avec une grande précision. Ici, un PAR et un ROR. © L.Schmitz.
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