La menace que représentaient les missiles sol-air à guidage radar Hawk de l'OTAN était prise très au sérieux par les soviétiques. A tel point que des tactiques (comme les frappes nucléaires tactiques ciblées) ou des équipements (tels les Mi-8SMV) avaient été développés en vue de leur neutralisation. D'autre part, les champs de tir air-sol soviétiques comprenaient de nombreuses maquettes de Hawk. Laurent Schmitz était l'officier de contrôle d'une batterie Hawk belge déployée en première ligne près de la frontière est-allemande. Il nous dévoile ici au travers d'anécdotes et de récits techniques la réalité opérationnelle de ces armes redoutées.
9 Novembre 1989, un peu avant minuit. La nuit est froide et paisible sur le site de missiles Hawk de Flechtdorf.
Dans le "Ready Building", l’équipe d’intervention regarde la cassette vidéo du dernier James Bond. Malgré les grillages
aux fenêtres, une vague d’interférences déforme l’image toutes les trois secondes, témoin du bon fonctionnement du radar
de recherche. Soudain, la sentinelle lance un appel au BCO, l’officier de contrôle de tir. Technique et organisationFin des années 80 les bataillons d’artillerie antiaérienne belges sont organisés en quatre entités, en plus des services logistiques : un centre de commandement, le BOC (Batallion Operations Center) et trois batteries de tir. Chaque batterie est déployée sur un site aménagé spécialement pour accueillir tout son matériel de combat. En cas de tension ou d’alerte, les batteries se déplacent sur des positions de guerre repérées à l’avance ou improvisées. Le déplacement d’une batterie dure quelques heures et se fait normalement chaque nuit pour éviter une attaque préemptive. Le déploiement des batteries se fait selon le principe de l’appui-feu en profondeur. Chaque batterie est intégrée dans un système de défense incluant la chasse et d’autres moyens antiaériens, comme les missiles à longue portée Nike Hercules, les canons automoteurs Gepard et les missiles à courte portée. Une véritable barrière de défense couvre la frontière Est de l’OTAN, de la Turquie à la Norvège. En temps de paix, les trois batteries d’un bataillon reçoivent chacune un stade d’alerte défini par le temps nécessaire pour être prêtes à tirer. En "20 minutes", le personnel est de garde sur le site pendant 24 heures. Le matériel fonctionne et est prêt à tirer dans les plus brefs délais. En "6 heures", le personnel ne peut quitter l’unité, mais travaille en horaire normal. Le matériel peut être débranché. C’est l’occasion de procéder à la maintenance des radars et des lanceurs. Les grosses réparations se font dans la batterie en "12 heures". Par ailleurs, une partie du personnel peut alors prendre des congés et même retourner en Belgique. Après une semaine, la batterie en "20 minutes" passe en "12 heures". Elle est remplacée par celle qui était en "6 heures", elle-même remplacée par la troisième batterie. Cette tournante n’est pas immuable et il est courant que la batterie en "20 minutes" se trouve incapable d’assurer son alerte, suite à une panne de radar par exemple. C’est alors le branle-bas de combat dans les autres unités pour reprendre au plus vite le flambeau. De cette façon, dans le pire des cas une attaque surprise dans le secteur belge se heurterait à au moins une batterie 100% opérationnelle.
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