La chaleur sur le site est insupportable et la seule ombre à des centaines de mètres
à la ronde est sous le lanceur de missiles, or nous devons attendre des heures que tous les systèmes soient prêts. Après avoir
consulté les documents de sécurité, j'autorise l'équipe à se reposer sous le lanceur et nous disparaissons dans l'obscurité et
la relative fraicheur. C'est alors qu'arrive un major américain. L'évaluateur est un géant de près de deux mètres à l'air peu
commode. Je m'attends à une sérieuse réprimande et effectivement, il nous ordonne de sortir de là immédiatement. Mes hommes
émergent de l'ombre avec un air repenti bien approprié, histoire d'amadouer l'évaluateur. Mais à la surprise générale, celui-ci
exhibe un bocal en verre et se glisse à son tour sous le lanceur. Il en ressort un instant plus tard en riant. Dans le bocal,
un scorpion énorme nous lance des regards pleins de haine...
Le major, qui s'avère être originaire de Louisiane, insiste pour parler français. Mais son accent est tellement atroce que nous
ne comprenons rien. Par politesse, je dis "oui" de temps en temps, espérant que ça tombe bien dans la conversation. Après
quelques minutes, il sort deux parasols de sa jeep, me tape sur l'épaule et nous quitte en souriant. Nous lui adressons de
grands signes d'au-revoir.
Le soir nous découvrons que l'équipe de tir a reçu une note exceptionnelle : "Excellent - 100%".
Tous n'ont pas eu cette chance. Un réparateur radar a perdu des points car il mordait son crayon : "Misuse - lead pencils are
not edible" (les crayons ne sont pas comestibles)! Un autre est tellement stressé qu'il tambourine des doigts le bord d'une console : "Misuse - a radar display is not
a drum" (l'écran radar n'est pas un tambour)... Le troisième jour, les dieux du Hawk sont avec nous. Après une préparation rapide, le missile s'élance sur sa cible,
un appareil sans pilote survolant la Méditerranée. La télémétrie indique un Kill. Le missile, dont l'explosif était désactivé,
est passé à six pieds (deux mètres) du drone. C'est un résultat rarement atteint. Le Hawk n'est pas conçu pour impacter sa cible.
Sa charge militaire est tellement efficace qu'on considère que l'objectif est détruit si le missile s'en approche à moins de 300
mètres!
Le résultat final de l'unité est de 95,25%. Un score permettant à la batterie Alpha de confirmer sa réputation de meilleure
batterie Hawk belge. Comme le tir s'est fait dans des délais très courts et que le C-130 ne revient qu'en fin de semaine, il ne
reste à l'équipe qu'à fêter ses bons points. La traditionnelle "Missile Away Party" organisée dans un restaurant local est
elle aussi une réussite totale : il paraît que les tables étaient jonchées de bouteilles d'Ouzo. Je ne peux pas confirmer, je ne
me souviens de rien... Les jours suivants se déroulent la journée sur la plage et la nuit dans les nombreux bars locaux. Nous y
découvrons que la ville touristique de Chania est envahie à cette époque d'étudiantes anglaises en quête de soleil et
d'aventures...
TacEval OTAN
Le TacEval (Tactical Evaluation), c'est la guerre! Enfin, presque. Pendant une semaine, le bataillon tout entier accueille un
détachement d'évaluateurs étrangers. Ceux-ci provoquent des "incidents" simulés selon un scénario secret. Dans tous les cas,
à la fin du premier jour l'ennemi "Red Land" menace de passer à l'attaque et les batteries Hawk doivent quitter leurs sites
pour éviter une frappe préemptive. Le déplacement se fait bien sûr de nuit et dans les conditions de temps de guerre. Tout est
permis, pourvu que la sécurité des hommes soit préservée. A l'issue des combats (après la fin du monde par frappe nucléaire),
le bataillon reçoit une note plus ou moins bonne en fonction de sa capacité à abattre les avions ennemis, quoi qu'il arrive.
Le TacEval se prépare pendant de nombreux mois. Le Chef de Corps du bataillon exige la perfection! Comme la batterie Alpha est
de toute façon la meilleure, notre commandant adopte une autre philosophie : "L'important n'est pas d'être les meilleurs.
L'important est qu'ils croient que nous sommes les meilleurs...". Cela sous-entend une certaine arrogance qui nous convient
parfaitement.