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Comel

Gabriel Tegel La mission principale des Gabriel consistait à intercepter et analyser en vol les ondes radio des forces d'aviation du pacte de Varsovie en RDA, en Tchécoslovaquie et dans une moindre mesure, en Pologne. Les objectifs étaient les radars, les balises radio, les communications radio air-sol et air-air, les premiers transferts par data link etc. Les fréquences utilisées, les indicatifs radio de chaque unité et même des pilotes, les procédures opérationnelles etc. étaient enregistrés et répertoriés. Les radars, qu'ils soient sur un aérodrome, un site SAM ou un site de détection de la défense anti-aérienne, devaient être localisés et leur fonction déterminée (veille, recherche ou poursuite et tir). Les radars embarqués par les avions devaient également être identifiés, ainsi que les missiles air-air qui leurs étaient associés. Globalement, il s'agissait d'établir un Ordre de Base des Transmissions (OBT) de l'adversaire potentiel et de le maintenir à jour. Tous les quatre mois, lorsque la rotation des troupes de conscrits prenait place, les fréquences et les indicatifs changeaient. Il devenait donc nécessaire de mettre à jour les informations collectées précédemment afin de rétablir un ordre de bataille des transmissions valide le plus rapidement possible (cela fut réalisé une fois dans un temps record de près de 48 heures) afin de rester en mesure de détecter les indices d'alerte (1) éventuels. Lors de cette période agitée où tout le personnel était mobilisé, les Gabriel réalisaient une à deux missions par jour et une machine était en alerte à une heure - quand toutefois l'état de la mécanique le permettait.

Gabriel Gabriel Ensuite, il fallait revérifier les données encore et encore pour rester à jour et déjouer de faux échos radar ou de fausses communications radio délibérément émises pour tromper, selon l'art de la maskirovka ou comment tromper l'ennemi, dans ce cas-ci en diffusant de fausses informations ou en créant des objectifs potentiels fictifs. Les nouveaux équipements devaient de même être identifiés et leurs performances estimées. Parfois, les moyens aériens et terrestres se concentraient sur un matériel spécifique comme un type d'avion précis, afin de déterminer ses capacités et pouvoir développer des contre-mesures ciblées. Cela pouvait aussi bien être un régiment particulier dont on voulait établir la capacité opérationnelle. Ainsi, la MMFL pouvait contribuer à ce ciblage. L'ensemble des écoutes permettait d'appréhender la composition des forces aériennes adverses, de connaître leurs tactiques et d'estimer le niveau d'entraînement des pilotes et des contrôleurs aériens. Les stations d'écoute au sol fixes et mobiles (avec fonction de brouillage électronique pour certaines), subordonnées au commandement du Groupe Electronique, étaient pour la plupart positionnées le long des frontières interallemande et tchécoslovaque ainsi qu'en France. Elles avaient les mêmes missions que les Gabriel, mais ces derniers avaient le loisir de couvrir les zones que les stations sol ne pouvaient écouter. Les principales stations sol étaient situées à Achern, Goslar, Bad Lauterberg, Furth im Wald et Berlin-Tegel (2). Outre la détection des indices d'alerte, la surveillance et l'analyse des moyens de l'adversaire devait permettre de développer des contre-mesures offensives ou défensives afin de faciliter la pénétration des chasseurs-bombardiers de la FATac chargés des frappes nucléaires tactiques, ainsi que celle des Mirage IVA, puis IVP, des Forces Aériennes Stratégiques (FAS), porteurs de vecteurs nucléaires à vocation stratégique. N'oublions pas en effet que la France était et est restée une puissance nucléaire indépendante qui s'était retirée de la structure du commandement intégré de l'OTAN en 1966 (réintégrée en 2009). Ainsi, le maintien et le développement de nouveaux moyens de reconnaissance électronique se justifiait d'autant plus que la coopération avec les alliés était quasiment inexistante dans ce domaine.

Gabriel Gabriel Alors que la guerre froide arrivait tout doucement à son terme à la fin des années quatre-vingt, les N2501 Gabriel approchaient de la fin de leur carrière. En 1987, l'escadrille ne disposait plus que de quatre appareils (les n°28, 41, 42 et 66). C'est qu'un remplaçant pointait le bout de son nez : deux nouveaux C160 Transall NG "Gabriel" furent livrés à l'unité le 3 janvier 1989. Entre-temps, le n°42 avait été retiré du service en janvier 1988 pour être livré aux pompiers de la base un an plus tard (un sort identique avait été réservé au n°25 à Tegel en 1983), tandis que le n°28 quittait le service actif en janvier 1989, bientôt suivi par le n°41 réformé le 30 juin. C'est donc finalement le n°66 qui réalisa le dernier vol d'un Gabriel au sein de l'EE 1/54, le 26 octobre 1989. Il s'agissait également ni plus ni moins que du tout dernier vol d'un N2501 de l'Armée de l'air...

Gabriel

Gabriel VI

Gabriel Vers le milieu des années soixante-dix, les équipements des N2501 Gabriel devenaient progressivement obsolètes, tandis que les cellules vieillissaient. Il fallait penser à un successeur et c'est le C160 Transall Nouvelle Génération, appareil ravitaillable en vol, qui fut préféré aux Bréguet Atlantic et Mystère 20 pour devenir la nouvelle plateforme d'écoute. Seulement deux machines (3) sont entrées en service, mais elles bénéficièrent bien évidemment d'équipements à la fois plus performants et plus évolutifs que ceux de leurs prédécesseurs. La chaîne de détection et d'analyse aéroportée à bord des nouveaux Transall "Gabriel VI" portait la désignation ASTAC pour Analyseur Superhétérodyne TACtique (4). Le système comprenait une station d'exploitation au sol mobile OSIRIS (Organisation Système d'Intégration du Renseignement et des Informations SIGINT) qui complétait les moyens de traitement embarqués. Ces derniers permettaient une première appréciation, alors que la station au sol, qui recevait par data link les informations provenant des capteurs du Gabriel, offrait une image globale de la situation. A Metz, un système informatique baptisé IRIS (Intégration du Renseignement et des Informations SIGINT) permettait de restituer et de visualiser la situation aérienne adverse. L'équipage de conduite du C160 Gabriel comprenait deux pilotes, un radio-navigateur et un mécanicien navigant. La soute était occupée par neuf opérateurs composant l'équipe SIGINT, c'est-à-dire trois opérateurs ELINT, un mécanicien système, un chef d'équipe qui était également le dirigeur SIGINT, un opérateur HF et trois opérateurs COMINT dont un dirigeur-analyste.

Gabriel D'autre part, le nouveau Gabriel comblait une lacune de son prédécesseur puisqu'il était équipé d'origine pour la photographie. Deux carénages en forme de goutte d'eau étaient situés sur les flancs arrières du fuselage, juste après les portes latérales postérieures. Une trappe située au centre de ces protubérances s'ouvrait de bas en haut en suivant la courbe du carénage afin de permettre les prises de vue avec des caméras panoramiques Omera-51. Les portes de la soute cargo devenues inutiles sur cette version du Transall étaient soudées.
L'utilisation des Gabriel VI dans les couloirs de Berlin fut, par la force des choses, de courte durée : la première mission se déroula le 21 mars 1989, tandis que le Mur de Berlin tombait sept mois plus tard le 9 novembre, mettant ainsi rapidement un terme aux missions dans les couloirs, désormais sans objet.
Les C160 Gabriel devenus gris de l'Escadron Electronique Aéroporté 00.054 (depuis septembre 2009) ont déménagé vers la base aérienne 105 d'Evreux au cours de l'été 2011.

Sarigue

Furet III Sarigue Après avoir traité les Gabriel et abordé brièvement les autres moyens de renseignement qui visaient la RDA, ne pas parler du DC-8 Sarigue qui, bien que n'ayant pas survolé l'Allemagne de l'Est durant la guerre froide, n'en a pas moins cotoyé les frontières, serait un oubli. Si les Gabriel étaient des avions de renseignement tactique, le Système Aéroporté de Recueil des Informations de Guerre Electronique (Sarigue - c'est également le nom des opossum) menait à bien des missions de renseignement à portée stratégique. Un des DC-8-33 (F-RAFE 45570/134) déjà en service dans l'Armée de l'air, fut transformé en appareil de reconnaissance électronique au cours des années 1970 et il sera officiellement pris en compte le 15 juillet 1976.

Furet Une unité fut spécialement créée pour l'exploitation de cette machine, l'Escadron Electronique 00.051, déclaré opérationnel le premier juin 1977 à Brétigny. L'escadron baptisé "Aubrac" s'installa définitivement à Evreux le 12 décembre 1977. Cette machine qui avait conservé la livrée des autres DC-8 de transport de l'Armée de l'air, lui donnant ainsi un faux air d'avion de ligne, passait néanmoins difficilement pour un avion civil aux yeux d'une personne avertie. En 1980, le DC-8 fut mis aux standards DC-8-53 par UTA Industries lorsque ses vieux réacteurs Pratt & Whtiney JT-4A furent changés pour des JT-3D à double flux. Le Sarigue était une plateforme SIGINT également équipée pour les prises de vue. L'ensemble COMINT comprenait des radios V/UHF opérant de 20 à 500 MHz. Les équipements ELINT pouvaient recevoir les émissions radar entre 30 et 125 MHz, ainsi que recevoir et localiser les radars utilisant une fréquence située entre 125 et 18000 MHz. Des ballonnets fixés au bout des ailes cachaient les antennes de réception et d'interferométrie pouvant capter les ondes entre 125 et 1000 MHz, tandis que les antennes logées sous un radôme ventral travaillaient au-dessus de 1 GHz.

Sarigue Sarigue Trois caméras Omera 36 (une verticale et deux obliques) permettaient une couverture d'horizon à horizon. Elles étaient utilisées à haute altitude, au niveau 300 (10200 mètres). L'équipage de conduite comprenait deux pilotes, un ou deux radio-navigateurs et un mécanicien navigant. L'équipe SIGINT variait suivant les types de missions. Ainsi, 13 opérateurs ELINT et 10 opérateurs COMINT embarquaient sur le théâtre européen. Le photographe était assis à l'arrière-gauche. Les membres d'équipage disposaient d'un parachute et des équipements de survie nécessaires. Des tests menés à bien avec des mannequins et une parachutiste d'essai avaient en effet permis de valider l'évacuation en vol du DC-8, qui était susceptible d'être abattu lors de missions sensibles. Afin d'éviter les fuites, les missions n'étaient connues que quelques heures avant le décollage, parfois seulement après grâce à une enveloppe contenant les ordres de mission qui n'était décachetée qu'une fois en vol. Le Sarigue opérait sur plusieurs théâtre d'opérations : Europe, Afrique, Moyen-Orient et Océan Indien. Les premières missions eurent lieu expressément en terrain connu : notamment la frontière interallemande (seconde mission) et la Mer Baltique. L'après guerre froide verra également la participation du Sarigue à la première guerre du Golfe en 1991 et au conflit des Balkans (1992-97). Le DC-8 Sarigue a finalement rejoint en vol les collections du Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget le 25 juillet 2001. Son successeur, le DC-8-72(CF) Sarigue NG (Nouvelle Génération) F-RAFD (46043/443) entré en service le 12 avril 2001 a été victime de coupes budgétaires après seulement trois ans de service. La nouvelle plateforme SIGINT a en effet rejoint la base entrepôt de Châteaudun le 17 septembre 2004, où elle fut finalement démantelée en 2006. L'EE 51 avait été dissous le 15 septembre 2004. Ainsi, les Gabriel VI sont désormais les derniers avions SIGINT de l'Armée de l'air. Ils prendront néanmoins leur retraite en 2025 pour être remplacés par trois Falcon 8X spécialement équipés.

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L'ouvrage intitulé "Les avions de Renseignement Electronique" (voir > Multimedia) a servi de base à la rédaction de cet article. Une mention particulière également pour Xavier Capy et son ouvrage sur le Noratlas aux Editions Escale.
Je tiens à remercier Pierre-Alain Antoine, Patrick Pallot et tous les anciens de l'EE 54 qui ont bien voulu répondre à mes nombreuses questions, ainsi que Patrick Bigel, Bernard Chenel, Jacques Mutin, Philippe Ricco, Alain Gréa, Alexandre Gannier, Jean-Louis Gaynecoetche, Pierre Cornu, le musée de l'Air et de l'Espace de Paris-Le Bourget, ainsi que tous ceux qui m'ont fourni les documents et les informations ayant permis de détailler davantage cet article. HM.

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notes

(1) Les indices d'alerte correspondaient à toutes activités susceptibles de rentrer dans le cadre de la préparation d'une attaque. Ainsi, à la veille de
     l'invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, une période de silence radio total avait précédé une période de brouillage intense.
(2) Il faut ajouter à ces moyens un unique hélicoptère Puma HET (Hélicoptère ELINT Technique) - n°1595 - stationné à Goslar, modifié pour mener à bien
     des missions de type ELINT le long de la frontière.
(3) F221 GS
     F216 GT
(4) Les Mirage F1CR pouvaient emporter un système ASTAC conditionné en nacelle. Il était destiné à ramener des informations sur les systèmes de
     défense sol-air du champ de bataille. La détection se faisait dans le secteur avant, ce qui réduisait la vulnérabilité de l'avion.

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Air Fan Air Fan

Une adaptation de cet article a été publiée dans les numéros 423 et 424 (février et mars 2014) du magazine Air Fan.


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