L'Ouest ne disposait pas d'informations détaillées concernant l'armement nucléaire tactique de l'aviation en
RDA jusqu'à ce qu'un transfuge soviétique déserte le 27 mai 1973. Cette évasion par ailleurs spectaculaire était
le fait de l'officier technique du 497.IBAP de Grossenhain, à bord d'un Su-7BM "Fitter-A". Le Lieutenant Yevgeni
Lvoitch, alors âgé de 22 ans, n'avait encore que peu d'expérience lorsqu'il mit le cap vers l'Allemagene de l'Ouest
le dernier dimanche du mois de mai 1973. A l'issue d'un court vol de 15 minutes, il s'éjecta près de Braunschweig,
alors que son avion alla s'écraser dans une zone récréative populaire près de Klein Schöppenstedt. A peine avait-il
été secouru, que ce dernier réclamait l'asile politique. Le lendemain, le journal local Braunschweiger Zeitung
imprimait : "La Bundeswehr couve l'étranger comme si il était la personne la plus importante à détenir des
informations secrètes". Aussi spectaculaire que cette évasion puisse paraître, les informations que le Lt. Lvoitch
livra aux services de renseignement occidentaux lors des semaines suivantes firent l'effet d'une bombe. Avant cet
évènement, les agences de renseignement ne pouvaient que deviner où se trouvaient exactement stockées les armes
nucléaires de l'Aviation Frontale. Comme le résuma l'un des interrogateurs du défecteur soviétique : "Ce rapport
était la première preuve solide que des armes nucléaires étaient bien stockées par l'Aviation Frontale de l'Union Soviétique!"
(visiter le lien "Le Soukhoï tombé du ciel" dans la seconde partie du chapitre "3.3 Aviation d'assaut & Chasseurs-bombardiers").
"Il y a cependant de bonnes preuves que seulement environ 300 des pilotes, les plus expérimentés de ces unités, sont
qualifiés - selon les standards soviétiques - pour lâcher des bombes nucléaires. Nous pensons que le nombre d'appareils
tactiques soviétiques en Europe de l'Est ayant une capacité nucléaire continuera d'augmenter alors que l'entraînement se
poursuit avec des avions capables de missions nucléaires comme le MiG-23 "Flogger" et le Su-17 "Fitter"." Même si les
emplacements spécifiques - avec la distinction entre les installations temporaires et permanentes - ne sont pas mentionnés,
l'Ouest avait néanmoins radicalement amélioté sa connaissance quant au stockage des armes nucléaires en 1979, comme le montre
l'extrait suivant : "Il y a 23 sites des stockage soviétiques en Europe de l'Est dont au moins une partie contient certainement
des armes atomiques. Onze d'entre eux sont situés sur des aérodromes tactiques soviétiques et douze sont des installations
isolées pour le stockage des têtes nucléaires pour les missiles tactiques et les roquettes [des forces terrestres]."
"On estime que les Soviétiques ont une capacité de stockage pour seulement 200 à 505 bombes nucléaires en Allemagne de l'Est,
70 à 185 en Pologne et 30 à 95 en Tchécoslovaquie [pour l'Aviation Frontale]. Ils comptent probablement déplacer des
bombes et des têtes supplémentaires vers la zone avancée [le front] depuis les nombreux sites de stockage pour armes
nucléaires tactiques situés à l'est de l'URSS avant, ou durant les hostilités. Nous avons identifié des bunkers sur 12
aérodromes tactiques soviétiques [installations de stockage temporaires pour armes nucléaires] en Europe de l'Est qui
pourraient être utilisés pour l'entreposage de bombes nucléaires lors d'une crise ou en temps de guerre. Bien que
ces installations ne semblent pas être actives en temps de paix, elles pourraient probablement être activées en quelques
heures afin de recevoir des bombes nucléaires transférées d'URSS." Les installations de stockage situées en Hongrie
n'étaient pas mentionnées, mais on peut estimer que leur capacité se situait entre 70 et 185
bombes atomiques. Elles se partageaient entre deux bases aériennes, Kiskunlachaza (1/3) et Kunmadaras (2/3), alors que
trois centres de stockage temporaires se trouvaient à Tököl, Sarmellek et Debrecen. Dans la dernière moitié des années 70,
on pensait que, selon les degrés de qualification, un pilote sur trois était qualifié pour mener des attaques avec des
bombes nucléaires.
On estime que durant la première moitié des années soixante-dix, environ un tiers de toutes les unités de chasseurs-bombardiers
utilisaient le MiG-21, tandis que deux tiers volaient sur Su-7. Le commun des mortels ne pouvait dès lors pas distinguer si
tel MiG-21SMT provenait d'une unité de chasse ou d'attaque au sol. Dans les deux cas, la capacité nucléaire existait
néanmoins et cet aspect ne passa pas inaperçu à la USMLM. Son rapport annuel pour 1973 conclut : "Les régiments d'attaque au sol
ont continué à faire un usage intensif des polygones de tir air-sol durant 1973. Leurs activités comprenaient le bombardement
conventionnel et le mitraillage au sol, ainsi que le larguage simulé de charges nucléaires. Les unités de chasse-interception
poursuivirent un entraînement intensif avec leurs "Fishbed" afin d'améliorer leur compétence dans l'exercice de leur double
rôle d'attaque au sol et de défense aérienne. Les "Fishbed" furent observés lors de maneouvres de type LABS au-dessus de
leurs base d'attache lors de sessions de qualification des pilotes et ils utilisèrent les polygone de tir air-sol pour
effectuer des bombardements conventionnels et du mitraillage au sol." Les MiG-21SMT restèrent en service jusqu'au début des
années 80 quand il furent en partie remplacés par des appareils plus modernes comme le MiG-23MLD "Flogger-K" dans les unités de
chasse et le MiG-27M "Flogger-J" dans les unités de chasseurs-bombardiers.
Mission sans retour?
Le rayon d'action des différentes versions du MiG-21 qui précédèrent le modèle SMT à l'autonomie accrue, pouvait
s'avérer critique pour les unités stationnées un peu trop loin de la ligne de front. Le 515.IAP de Tököl en Hongrie
volait sur MiG-21bis au cours des années quatre-vingt. Le premier escadron possédait une capacité de frappe nucléaire tactique
et chaque pilote s'était vu assigner un objectif différent en Allemagne, en Italie et même en Autriche! Certains
objectifs étaient trop éloignés, même pour des appareils équipés de réservoirs supplémentaires. Dans ce cas, les pilotes
auraient eu à larguer leur bombe nucléaire à l'horizontale avant de s'éloigner et d'être obligé de s'éjecter sans doute
au-dessus du territoire ennemi, faute de carburant suffisant pour retourner à la base.
D'après Andrey Timokhin, 515.IAP.
This chapter is an adaptation of the article entitled 'Nuclear Power' by Stefan Büttner, published in the March 2009
issue of Aircraft Illustrated (Ian Allan Publishing).