La version de reconnaissance du biréacteur Il-28 vola pour la première fois le 19 avril 1950. Peu de différences externes le distinguaient
de ses congénères bombardiers; le canon situé du côté droit du nez était absent (et l'approvisionnement en munitions du canon restant réduit),
mais la principale caractéristique permettant d'identifier
un Il-28R était l'adjonction de deux réservoirs de 950 litres en bouts d'ailes (3).
De plus, un réservoir de 750 litres pouvait également être installé dans la partie arrière de la soute à bombe - pour faire place aux appareils photo, le réservoir standard n°3 qui se trouvait dans la
partie supérieure avant de la soute n'était pas présent sur la version de reconnaissance du "Beagle," mais l'adjonction des réservoirs précités permettait finalement
d'augmenter l'autonomie, soit un peu plus de 3000 km au lieu de 2580 km à 10.000 mètres à la vitesse de croisière de 670 km/h (vitesse maximale de 876 km/h).
Les Il-28 étaient propulsés par deux réacteurs Klimov VK-1 de 2700 kgp du même type que ceux utilisés par le MiG-15bis.
Les équipements photographiques, répartis entre la soute à bombe - qui devait être ouverte en vol afin de pouvoir utiliser les appareils qui y étaient logés - et la queue, étaient
réchauffés par de l'air chaud prélevé sur le système de chauffage et de pressurisation du cockpit. Ils étaient agencés selon deux configurations différentes, l'une destinée à la reconnaissance diurne,
l'autre à la reconnaissance nocturne.
La configuration diurne comprenait quatre boîtiers photographiques :
- deux modèles AFA-33 d'une focale de 500, 750 ou 1000 mm (4)
montés sur des châssis AKAFU-33 pouvant pivoter de quelques degrés
à gauche ou à droite, étaient installés verticalement à l'avant de la soute à bombe.
- un boîtier plus petit AFA-33 de 200 mm était monté derrière les deux premiers appareils photo afin de réaliser de larges prises de vues
pour reconnaître l'itinéraire suivi
ou encore des clichés topographiques.
- la partie arrière de la soute à bombe pouvait être occupée par un réservoir supplémentaire de 750 litres.
- un quatrième boîtier AFA-33 d'une focale de 50 ou 75 mm était logé dans la queue, pointé vers la gauche. Il pouvait pivoter jusqu'à 45°
vers le bas. La trappe fermant l'orifice se trouvait au bas du flanc gauche du fuselage, au niveau de l'emplanture de la dérive verticale.
La configuration nocturne comprenait un ou deux boîtiers photographiques :
- l'avant de la soute à bombes était occupé par soit un boîtier NAFA-3s d'une focale de 500 mm,
ou soit un boîtier NAFA-MK d'une focale de 500 ou de 750 mm, ces deux appareils pouvant pivoter latéralement.
- le reste de la soute recevait les bombes éclairantes nécessaires aux prises de vues nocturnes. Il s'agissait de bombes éclairantes FOTAB-50 ou encore SAB-100 à raison de douze
exemplaires ou seulement six quand un réservoir supplémentaire de 750 litres était embarqué.
- lors de l'emport d'un NAFA-3s dans la soute à bombes, un second boîtier identitque était monté dans la queue en position verticale.
Soulignons au passage qu'un Il-28 de bombardement était toujours susceptible d'emporter à l'avant un boîtier AFA-33 en plus des bombes, tant que ces dernières ou leur agencement
dans la soute le permettaient.
D'autre part, il est certain que d'autres versions spécialisées de l'Il-28 furent mises en oeuvre aux côtés des Il-28R (et Il-28U "Mascot" d'entraînement) du 11.ORAP.
Ces appareils, également livrés à certains "pays frères," auraient pu être des Il-28RTR de reconnaissance électronique (ELINT) avec des réservoirs convertis en conteneurs électroniques
présentant un dôme diélectrique à l'avant et à l'arrière (> Lien). D'autre part, des témoignages font état de la présence à Welzow
d'un zveno autonome (OAZ) armé d'Il-28PP de guerre électronique dépourvus de réservoirs en bouts d'ailes et disposant d'un second radôme ventral au niveau de la soute à bombes condamnée.
Ces appareils ont rejoint le 65.OBAE à Oranienburg durant l'été 1973 après la dissolution de cette escadrille (voir > Les remorqueurs de cibles).
On notera également que certains avions illustrés sur cette page étaient pourvus d'étranges panneaux noirs non identifiés sur les réservoirs en bouts d'ailes.
En 1966, soit deux ans avant le retrait des Il-28, le troisième escadron du 11.ORAP a reçu en dotation des Yak-27R "Mangrove."
Les performances supérieures du nouvel appareil autorisaient désormais les prises de vues à régime de vol supersonique.
Il était possible de prendre des clichés jusqu'à 16.000 mètres d'altitude à vitesse subsonique et entre 12.000 et 14.500 mètres à vitesse supersonique.
Toutefois, le Yak-27R souffrait d'un important handicap puisque les missions ne pouvaient s'effectuer que de jour et par visibilité suffisante.
Le Yak-27R disposait de quatre compartiments photos répartis sur toute la longueur du fuselage. Le navigateur utilisait un viseur
optique PV-2R abrité derrière un petit dôme situé sous le nez en guise de viseur pour les appareils photo au-dessus de 1000 mètres. Un premier boîtier fixé en
position oblique était logé juste devant l'orifice de la buse de l'unique canon latéral NR-23 de 23 mm monté sur le Yak-27R, à droite.
Le logement de ce boîtier, de même que ceux des autres appareils, était protégé par une trappe rétractable; par ailleurs, il n'était
pas possible d'actionner le canon quand la trappe photo avant était ouverte. On trouvait ensuite peu après le bord de fuite des ailes une nouvelle soute photo ventrale
qui contenait un appareil destiné aux prises de vue topographiques. Plus en arrière, il y avait encore deux trappes
derrière lesquelles se trouvaient des appareils en position verticale. Les types d'appareils emportés comprenaient des modèles
AFA-42 de différentes focales
(variant en fonction des numéros de construction - pairs ou impairs - des avions). Un plus petit boîtier
AFA-41/10 vertical était utilisé
pour prendre des photographies à petite échelle de bandes de terrain depuis l'altitude de 300-400 mètres, ou pour obtenir une vue générale des objectifs
depuis une altitude supérieure.
La carrière du Yak-27R au sein du 11.ORAP devait être de courte durée, puisque dès 1970, le troisième escadron voyait ses "Mangrove" remplacés
par des Yak-28PP "Brewer-E" de brouillage électronique.
Les premier et second escadrons perdaient quant à eux leurs Il-28R dès 1968 au profit de Yak-28R "Brewer-D".
Le Yak-28R, dont la production démarra à Irkoutsk en 1966, fut développé sur la base du bombardier tactique Yak-28I "Brewer-C". Cette nouvelle déclinaison
de la grande famille Yak-25/26/27/28 allait mettre un terme à la carrière des derniers Il-28R et Yak-27R au sein des VVS. Bien que dérivé d'un bombardier,
ce modèle n'avait plus de soute à bombes à proprement parler. Son ancien emplacement était occupé par trois compartiments recevant les équipements de reconnaissance,
répartis sous le centre du fuselage.
Le radar de cartographie et de bombardement Initsiativa-2 du Yak-28I fut retenu, mais dans une variante modifiée -2R, remplacée plus tard par un
Initsiativa-3 spécialement développé pour le Yak-28R. Le canon bitube GCh-23Ya du "Brewer-C" ne fut par contre pas retenu.
Il existait cinq suites de reconnaissance différentes pour le Yak-28R :
- deux appareils AFA-54 de 750 ou 1000 mm montés sur bâtis pivotants et un boîtier
fixe AFA-42/20 pour la photographie à basse altitude;
- suite comprenant un appareil AChtchAFA-8 (5);
pour la photographie continue et un appareil AFA-42/20;
- suite comprenant un appareil AFA-41/10 avec un système de stabilisation gyroscopique TAOu-M pour la photographie topographique à moyenne et haute altitude;
- suite comprenant un appareil NAFA-Ya7 et un flash SOU-2 pour la photograhie nocturne;
- suite comprenant un système ELINT Romb-4A (Losange) pouvant capter les signaux radar à 365 km de distance depuis une altitude de
dix kilomètres (250 km depuis 4000 mètres), dans un rayon de 50 degrés (les panneaux diélectriques semblaient situés de part et
d'autre du cône arrière du fuselage).
Quelques "Brewer-D" furent équipés d'un complexe de reconnaissance par télévision TARK-1 (Televizionniy Aviatsionniy Razvedyvatel'niy Komplex)
composé de caméras TV et d'une liaison data link pour transmettre vers une station au sol les images en temps réel. L'antenne de transmission était logée sous le carénage
du radar Initsiativa qui n'était pas monté sur cette variante. Un appareil photo d'une focale de 190 mm était également emporté. Cette variante portait
la désignation de Yak-28RL. Il n'est pas exclu que d'autres versions dérivées du Yak-28R aient également servi avec le 11.ORAP.
Une version de la famille Yak-27/-28 désignée Yak-28RR (Radiatsionnaya Razvedka) emportait à la place des réservoirs externes des conteneurs
destinés à mesurer le taux de radioactivité de l'air. Ces derniers, désignés RR8311-100 ou Fouka (> Photo),
ressemblaient à des pods lance-roquettes. La désignation Yak-28RR était cependant trompeuse, car il ne s'agissait pas d'une version du Yak-28R, mais bien du
bombardier tactique Yak-28L "Brewer-B". Une dizaine de Yak-28L auraient été convertis pour cette tâche au milieu des années soixante.
Cette variante a été positivement identifiée au sein du 931.OGRAP à Werneuchen (voir cette > Photo).
Le conteneur RR8311-100 fut développé initialement pour le Yak-28, mais il sera par la suite adapté à nombre d'appareils aussi variés que
des An-12, des Tu-16 ou encore des Su-27.
Bien entendu, le 11.ORAP comptait également dans ses rangs quelques biplaces de transition Yak-28U "Maestro."
Parmi les différentes versions du "Brewer", ce sont les variantes Yak-28R et Yak-28PP qui restèrent le plus longtemps en service au sein des VVS, y compris en RDA.
Outre l'importance de ce type de machine dans l'arsenal militaire soviétique, il semblerait que leur fiabilité ne fut pas étrangère à cet état de fait, ce qui va à
l'encontre des ragots habituels colportés à l'ouest.
Les Yak-28PP furent transférés à Werneuchen en juin 1986, où ils formèrent pendant encore quelques mois le second escadron du 931.OGRAP.
Toujours en juin 1986, les derniers Yak-28R du 931.OGRAP rejoignirent quant à eux Welzow, où ils prirent la place laissée vacante par le départ des "Brewer-E".
Le 11.ORAP avait ainsi perdu son escadron de guerre électronique. Une perte temporaire, puisque les remplaçants des Yak-28PP, à savoir des Su-24MP "Fencer-F", atterrirent à Welzow en 1989.
Tous les Yak-28R encore présents en RDA avaient donc été regroupés au sein du 11.ORAP en vue de leurs départ imminent d'Allemagne.
C'est que leurs successeurs, de nouveaux Su-24MR "Fencer-E" étaient arrivés à Welzow d'où ils avaient effectué leurs première sorties opérationnelles en février 1986.
Les quatorze derniers Yak-28R du 11.ORAP quittèrent définitivement la RDA le 2 juillet de la même année.
(1)
Mikhaïl Iliarionovitch Golenichtchev-Koutouzov (Saint-Pétersbourg 1745 - Bunzlau, Silésie, 1813). Fils d’un général du tsar Pierre le Grand et
maréchal des armées impériales, Koutouzov fut nommé prince puis commandant suprême de l’armée tsariste en 1812, avant de devenir le
commandant des armées de la coalition russo-prussienne en 1813. Il est généralement reconnu comme l’artisan principal de la défaite des
armées napoléoniennes lors de la campagne de Russie (juin à décembre 1812). (2)
Egalement connu sous le nom de Neu-Welzow et parfois de Spremberg. (3)
Attention toutefois aux Il-28T torpilleurs de la marine, eux aussi équipés de résevoirs en bouts d'ailes.
D'autre part, certains Il-28R furent convertis en remorqueurs de cibles (voir >
Les remorqueurs de cibles). (4)
Les focales sont exprimées en centimètres dans la nomenclature technique soviétique. Ainsi, un appareil AFA-33/50 a une focale de 50 cm. (5)
Ce type d'appareil photo initialement développé en URSS à partir de 1936 était utilisée afin de photographier de manière continue le sol défilant
sous l'avion au travers d'un orifice rectangulaire (schéma de principe ici).
La planche contact obtenue se présentait sous la forme d'une image
continue en mosaïque. Le boîtier était en principe composé de deux objectifs différents, ce qui permettait d'obtenir en même temps la même
image sous deux échelles distinctes.