FagotsSi les chasseurs MiG-15 "Fagot" étaient initialement équipés en série d'un appareil photo AFA-IM (> Lien), il n'en restait pas moins un véritable chasseur, révélé lors de la guerre de Corée. Cependant, faisant suite à une directive du Conseil des Ministres, l'OKB-155 de Mikoyan reçu pour instruction en avril 1950 de développer une variante de reconnaissance du MiG-15 emportant un appareil AFA-BA/40 (> Lien 1 / > Lien 2). L'appareil choisi pour être ainsi modifié était un MiG-15bis qui reçu la désignation SR (Samolet Razvedtchik - Avion de Reconnaissance). La caméra était montée entre les canons sur le châssis d'accès à ces derniers, entre les couples 8a et 9, soit au même emplacement que l'AFA-IM sur le MiG-15. Les MiG-15 et MiG-15bis "Fagot-B" disposaient d'un armement similaire composé d'un canon N-37 de 37mm sur le côté droit du nez et de deux canons NR-23 de 23mm à gauche. Mais l'appareil AFA-BA/40 d'une focale de 400mm étant plus volumineux que l'AFA-IM, le canon NR-23 intérieur n'était pas monté sur le SR afin de libérer l'espace pour la caméra. Un carénage nouveau prolongeait celui d'origine du NR-23 externe, constituant ainsi le seul moyen d'identifier un MiG-15bis de reconnaissance sans rechercher la trappe ventrale cachant les optiques. L'avion fut également soumis à d'autres modifications visant à éliminer des défauts constatés sur le MiG-15 comme la buée ou le givre; un filtre chimique fut installé afin de traiter l'air vicié du cockpit ou encore le système de pressurisation fut amélioré. Mais les essais conduits entre août et septembre révélèrent de nombreuses insuffisances telles qu'une couverture photographique insuffisante, l'absence de pivots sur la caméra (bien que pas demandé), ou un mauvais fonctionnement du système d'air conditionné. L'avion conservait néanmoins ses performances et ses capacités de combat et permettait d'exécuter des vols de reconnaissance tactique. Afin d'accroître l'autonomie, les nouveaux points d'attache alaires D4-50 permettaient d'y fixer des réservoirs plaqués sous les ailes d'une capacité accrue de 600 litres.
Alexei Leonov de retour à Altenburg en 1965 après son vol historique du 18 mars 1965 dans l'espace, descend du MiG-15Rbis "14" bleu. © L.Borisova.
FishbedsC'est donc le MiG-21R "Fishbed-H" qui succéda au MiG-15Rbis au sein du 294.ORAP, ce qui représentait un grand bouleversement, aussi bien en ce qui concernait l'avion lui-même que les moyens de reconnaissance qu'il était susceptible d'emporter. Le prototype du MiG-21R, construit comme le MiG-15Rbis à l'usine n°21 de Gorki, était basé sur la conversion d'une cellule d'intercepteur MiG-21PF "Fishbed-D". Le réacteur R-11F2-300 de 3950 kgp à sec (6120 avec PC) fut remplacé par un modèle R-11F2S-300 assurant le soufflage de la couche limite au-dessus de volets afin d'accroître davantage la portance lorsque ces derniers étaient sortis. Extérieurement, le prototype ressemblait à un MiG-21PFS avec sa dérive à petite corde et le parachute de freinage relocalisé à la base de la dérive. Cependant, de petits carénages en forme de cigare abritant les antennes d'un détecteur d'alerte radar SPO-3 "Sirena" furent montés en guise de saumons d'ailes. Il était prévu que différents conteneurs de reconnaissance puissent être montés alternativement en point d'emport ventral. Afin de compenser l'indisponibilité de ce dernier qui était le seul où un réservoir supplémentaire pouvait être accroché, deux points d'attache pouvant recevoir des réservoirs additionnels PTB-490 de 490 litres furent ajoutés à l'extérieur des deux pylônes alaires déjà existants. Le tube pitot PVD-7 monté en position centrale au-dessus de l'entrée d'air du réacteur gênant la vue du pilote vers le bas fut décalè à droite. Le premier vol du Ye-7R tel qu'il fut désigné eut lieu en 1964.
Détail du carénage d'antennes du système SPO-3 sur un MiG-21R polonais. Cet avion était apparemment armé avec des missiles RS-2US accrochés sous les pylônes internes. © DR.
- Modèle "D" (Dnevnaya fotorazvedka - reconnaissance photo de jour). Ce conteneur présentait un décrochage marqué sous son nez afin de permettre la photographie vers l'avant. Il emportait sept caméras dont six appareils A-39 (> Lien). Une paire de ces derniers était logée derrière le décrochage antérieur afin de couvrir le secteur situé sous l'axe de vol de l'avion. Les quatre autres A-39 se trouvaient à l'arrière de la nacelle, également disposées par paires, l'une couvrant le secteur gauche et l'autre le secteur droit. La septième caméra de type AChtchAFA-5M (> Lien) destinée à couvrir des bandes de terrain (voir les deux orifices rectangulaires sur la photo ci-dessus) prenait place juste derrière les deux caméras A-39 pointées vers l'avant. La superficie couverte par les caméras verticales correspondait à 0,7 fois l'altitude de vol et deux fois pour les caméras obliques. On trouvait dans la pointe arrière le complexe SPO-3 dont les antennes étaient logées dans les carénages situés aux saumons d'ailes, un enregistreur à bandes magnétiques Lira et un système de lance-leurres ASO-2I composé de deux cassettes KDS-19 pouvant tirer chacune 32 cartouches de leurres thermiques ou contenant des bandelettes métalliques. - Modèle "N" (Nochnaya fotorazvedka - reconnaissance photo de nuit). Cette version dédiée à la reconnaissance nocturne contenait une caméra UA-47 (> Lien) composée de deux objectifs inclinés à 160° vers la gauche et la droite. La photographie de nuit était rendue possible grâce à quatre cassettes KDF-38 contenant au total 152 fusées éclairantes FP-100, qui occupaient près d'un tiers du conteneur. Un système de lance-leurres ASO-2I prenait place dans la pointe arrière. La nacelle "N" comprenait également l'enregistreur Lira et le complexe SPO-3. - Modèle "R" (Radiotekhnicheskaya razvedka - reconnaissance électronique). Ce conteneur se reconnaissait aisément grâce aux grands panneaux diélectriques des systèmes SIGINT SRS-6 Romb-4A et SRS-7 Romb-4B (Losange) qui ornaient ses flancs. Les signaux électromagnétiques captés par cette suite de détection/classification/localisation des radars, étaient enregistrés sur fil magnétique. Une caméra A-39 était conservée à l'avant, tandis qu'un système de lance-leurres ASO-2I et le complexe SPO-3 occupaient la pointe arrière.
Des pilotes du 294.ORAP discutent le coup devant un MiG-21R camouflé porteur d'une nacelle de reconnaissance. © DR.
Le pilote avait à sa disposition un boîtier de contrôle fixé sous l'arceau
supérieur du parebrise (cliquer sur le dessin à droite), lui permettant d'agir notamment sur les divers systèmes de reconnaissance, les lance-leurres ou le détecteur d'alerte radar.
Il existait au moins trois modèles de boîtiers différents pour les conteneurs D, N et R. Ainsi, une bonne partie des avions volaient toujours avec le même type de conteneur,
en adéquation avec le boîtier de contrôle monté sur les avions. Fitters
En 1978, le 294.ORAP devint la première des douze unités des VVS à prendre en compte la version de reconnaissance du Strij (Hirondelle) comme étaient surnommés les Su-17 (voir la section "3.3 Aviation d'assaut et
Chasseurs-Bombardiers" pour davantage d'informations à propos des différentes versions du Su-17 > Lien).
Il s'agissait en l'occurence de Su-17M3 "Fitter-H" qui cohabitèrent un temps avec les MiG-21R au sein de deux escadrons distincts, le régiment perdant de fait son troisième escadron. En août 1981, le second escadron était à son tour entièrement rééquipé de Su-17M3 neufs issus de la 64è série. Un total de 30 machines dotèrent le régiment, soit, au milieu des années quatre-vingt, 24
monoplaces Su-17M3 et 6 biplaces Su-17UM3.
Visite officielle à Allstedt au cours des années 80. On distingue au mur des photos d'équipements de l'OTAN ainsi que des dessins d'avions dont un Lightning et un
Fiat G.91 ainsi que quelques cocardes occidentales. © Collection A.Gordienko.
- Le modèle KKR-1 était équipé en première position d'une caméra A-39 (celle-ci était calée en position verticale ou oblique jusqu'à 55° avant le vol). Elle était utilisée à basse ou moyenne altitude jusqu'à 5000 mètres. Venait ensuite une caméra panoramique PA-1 munie de prismes rotatifs permettant de photographier des bandes de terrain à gauche et à droite de l'avion. La longueur de la bande photographiée correspondait à dix fois l'altitude de vol. Enfin, un appareil UA-47 (> Lien) composé de deux objectifs était destiné aux prises de vues nocturnes. Il était pour cela associé à quatre cassettes KDF-38 contenant des fusées éclairantes FP-100. Ces cassettes n'étaient montées que lorqu'elles étaient nécessaires, leur emplacement restant sinon vide comme cela peut être constaté sur certaines photos illustrant cet article ou dans la galerie photo s'y rapportant. Les photographies panoramiques et nocturnes n'étaient pas prises au-delà de 1200 mètres d'altitude. La partie arrière abritait au début un système SIGINT SRS-9 Viraj, ensuite remplacé par le SRS-13 Tangaj, dont on pouvait distinguer les panneaux diélectriques sur les flancs arrières des nacelles. La suite SRS-13 était destinée à la localisation des radars, leur classification et l'identification de leurs fréquences. Ainsi équipé du SRS-13, le conteneur prenait la désignation de KKR-1T (pour davantage d'informations sur ce conteneur, visiter ce > Lien / vidéo détaillant un KKR-1T des LSK/LV > Lien). - Le modèle KKR-1/2 gardait les mêmes caméras, mais la partie arrière abritait cette fois le module n°2 qui comprenait un complexe d'imagerie thermique 8R Zima (Hiver) et une station de reconnaissance télévisuelle 429T Tchibis-B (Vanneau). Les images TV et IR étaient relayées vers une station au sol grâce à une suite de transmission de type data link Trassa, dont on pouvait distinguer les antennes sous le conteneur. Le module n°3, monté en lieu et place du n°2, comprenait quant à lui une suite SIGINT SRS-13 Tangaj et un bloc de reconnaissance laser Chpil'-2M. Dans ce dernier cas, la désignation du conteneur devenait KKR-1T/2. Il existait également un pod KKR-1M équipé d'un appareil AFA-42/100 (> Lien) ainsi que de systèmes Tchibis-B et Zima. La caméra AFA-42/100 d'une focale de 1000mm, utilisée également par l'Aviation à long rayon d'action à bord de Tu-16R et Tu-22R, visait spécifiquement la photographie oblique à longue distance depuis la haute altitude. Beaucoup des systèmes de reconnaissance embarqués dans les nacelles des Su-17M3R et M4R ont ensuite été intégrés aux Su-24MR. Le complexe infrarouge 8R Zima enregistrait les images thermiques sur film et permettait fort logiquement la reconnaissance nocturne. Un carénage rectandulaire orienté dans le sens du vol situé sous le conteneur trahissait sa présence. Le système de reconnaissance TARK 429T Tchibis-B installé devant lui assurait la transmission des images en direct vers une station au sol installée dans un camion. Le prix à payer était cependant une image de moindre qualité. Le laser Chpil'-2M fonctionnait avec un illuminateur et un photo détecteur. Les images enregistrées sur film étaient de meilleure résolution que les images thermiques, mais proches ce celles télévisées. La fonction illuminateur n'était pas nécessaire de jour.
"Le 15 août [1973], une zone d'exercice temporaire fut déployée et installée près de la ville de
Soellichau. Deux maquettes gonflables de missiles PERSHING, deux maquettes de batteries de missiles HAWK et une
station radio de type R-821 y furent observés. Quatre MANGROVE [Yak-27R] de Werneuchen ainsi que trois
FISHBED H [MiG-21R] d'Allstedt furent observés au-dessus de la zone au cours probablement d'un exercice ou d'une
compétition pour appareils de reconnaissane." © USMLM. Le 294.ORAP ne devait pas survivre très longtemps à la réunification allemande gagnant même à l'occasion de son retrait final, au printemps 1991, le titre de premier régiment de la 16.VA à évacuer le territoire de l'ex-R.D.A. Il faut cependant noter que, contrairement aux autres départs des unités de la 16.VA observés à la même époque, le départ du 294.ORAP ne s'effectuait pas dans le cadre du retrait général négocié des forces soviétiques d'Allemagne, mais en vertu des accords dits CFE (Conventional Forces in Europe), portant sur la réduction des forces conventionnelles en Europe (2). Le 21 mai, le régiment quittait définitivement Allstedt pour se rendre à Jekabpils en Lettonie où le 886.ORAP équipé de Su-17M4R était stationné. Mais, toujours afin de rester en règle avec les accords CFE, un escadron du 294.ORAP fut rapidement transféré à Domna dans le distict de Transbaïkalie, où ses Su-17M3R constituèrent un escadron du 125.ORAP local qui mettait en ligne deux autres escadrons armés de Su-24MR. Ces Su-17M3R furent retirés du service en 1995 et convoyés vers la base de stockage de Step'. Le matériel et le personnel de l'autre escadron du 294.ORAP furent quant à eux ventilés entre la Transcaucasie à Vaziani afin de renforcer le 313.ORAP volant alors sur Su-17M4R et l'Ouzbékistan à Karchi-Khanabad où se trouvait le 87.ORAP avec des Su-17M3R.
notes
(1)
Il existe plusieurs interprétations de la désignation des MiG-15bis de reconnaissance : MiG-15bisR, MiG-15R-bis et MiG-15Rbis.
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