Quand j'ai été affecté à la garnison d'Allstedt, j'ai entendu parler d'une histoire amusante à propos de la capture
d'un équipage de la Mission Militaire de Liaison britannique près de l'aérodrome. Il s'était avéré que les moyens principaux ayant permis
la capture et la détention de la mission étaient un chêne qui poussait pacifiquement dans la forêt et un camion ZiS obsolète,
descendant direct des fameux Studebaker. J'ai eu personnellement l'occasion de voir le chêne et le véhicule qui, en 1982,
se déplaçait encore par ses propres moyens. En vérité, tout ce qui arrive dans la vie - et ce que nous faisons nous-mêmes
dans la vie - est un conte de fées.
Qu'y a-t-il de véridique dans l'histoire qui suit et quelle est la part du conte de fées, c'est à vous de juger...
Victor Valvic, 294.ORAP.
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рассказа Виктора Валвика
ЗДЕСЬ
Il n'y avait pas de champs de mines, ni de fils barbelés. Autrement dit, c'était interdit sans plus. Les "missionnaires" les plus audacieux bifurquaient vers Allstedt, se
rapprochaient le plus possible, faisaient rapidement leur sale boulot et retournaient rapidement vers la route autorisée. Il faut dire qu'ils étaient très souvent couronnés
de succès. Tandis que le camp soviétique reprenait ses esprits, il fallait trouver un groupe d'intervention, un moyen de transport pour ce groupe et du carburant pour les
véhicules. En résumé, c'est l'arrière du véhicule de la mission quittant la zone interdite que nous avons vu à plusieurs reprises. Mais il était impossible avec nos moyens
de transport de le rattraper. Et ainsi, un beau jour d'été, un MIRACLE s'est produit. Une chose qui ne peut se réaliser que dans les conditions du socialisme en plein développement.
Alors qu'une session de vols battait son plein, une Mission militaire de liaison britannique [BRIXMIS] comprenant trois hommes changea radicalement d'itinéraire et bifurqua vers Allstedt
pour entrer dans les bois près de l'axe d'approche finale à quelques trois kilomètres de la base. Insolence et impudence de premier ordre !
Chaque partie était occupée à sa tâche : nous étions impliqués dans la reconnaissance, de même que les britanniques, mais avec des objectifs opposés.
Les Anglais s'étaient installés impudemment tout en tenant compte de possibles circonstances inattendues. Il avaient parqué leur "Jeep de reconnaissance" dans la direction
d'un chemin de campagne au cas où un départ d'urgence serait nécessaire. Ils avaient cependant oublié un détail : un grand chêne dont le tronc faisait environ un mètre de diamètre
se trouvait deux mètres derrière le véhicule. Or, ce jour-là, Sacha V., l'officier politique adjoint, circulait à bord d'un camion ZiS essayant de rejoindre l'aérodrome avec sa
charge de 10 litres de carburant et de 2 tonnes de charbon. Le camion avançait péniblement malgré de nombreux dysfonctionnements.
Le chauffeur qui maîtrisait le véhicule n'était pas complètement de nationalité slave.
A ZiS-150 truck.
Mais pour qui se prennent-ils, ces Britanniques ? Sachen'ka détailla les évènements de Belfast en Irlande du Nord, soulignant qu'ils étaient les oppresseurs du peuple irlandais avide de
liberté et ainsi de suite. Les Britanniques n'en revenaient pas ! Ils étaient absolument sidérés par l'ardeur du capitaine soviétique. Sachen'ka était littéralement déchaîné.
Mais le jeune capitaine britannique mit un terme à la discussion en un mot. De cette manière claire et sans équivoque pour laquelle les Britanniques sont connus, le capitaine
annonça : "Ecoutez, Monsieur le capitaine ! Je vis en Grande-Bretagne depuis déjà 30 ans et je suis incapable de comprendre ce qui se passe en Ulster. Oublions la politique et parlons
plutôt des femmes !" Eh bien Sachen'ka n'allait pas laisser passer cela ! Il connaissait tellement de blagues sur les femmes que les Britanniques ne pouvaient pas y croire. Comme je le
répète, ces derniers avaient une très bonne connaissance du Russe, ce qui facilitait bien les choses.
En arrivant à la garnison, le chauffeur du ZiS "pas complètement de nationalité slave" qui ne parlait pas trop bien le Russe essaya d'expliquer au poste de commandement la situation et la
détention des intrus. Lorsqu'il arriva au groupement de transport, il essaya encore d'expliquer la situation au commandant du groupement. La combinaison des mots "chêne-espion"
conduisit celui-ci à penser que le chauffeur avait percuté un chêne. Après tout, rien d'étonnant avec ce genre de chauffeur dans ce genre de véhicule.
"Eh bien camarade, nous irons dégager votre véhicule demain," déclara le commandant avant de prendre d'importantes décisions relatives aux opérations aériennes.
La session de vol se terminant, tout le monde était occupé et quelques militaires se rappelèrent que l'atelier spécial de la compagnie d'aérodrome n'avait plus de charbon.
Ils se souvinrent également du chauffeur et de sa cargaison. Mais pour quelque raison, personne ne pensa à l'officier politique en second. Le chauffeur fut interrogé de manière
pertinente à propos de son précieux chargement. De nouveau, ses explications à propos du "chêne-espion" amenèrent à penser qu'il avait embouti un chêne. Une expédition composée
d'un adjudant, de deux soldats et d'un chauffeur se rendirent sur place avec une pelle et trois sacs. Il fallait ramener 100 kgs de charbon au groupement de transport pour assurer la
poursuite des processus en cours.
A proximité de l'aérodrome soviétique d'Allstedt (PB730955), 051430Z JUN 80 : une équipe observant un programme de vols à Allstedt a été chassée de son
point d'observation et détenue après une courte poursuite quand son véhicule déboucha sur une piste tactique. Apparemment, les Soviétiques avaient monté une opération considérable
pour trouver et détenir la mission : en peu de temps, pas moins de 29 soldats soviétiques étaient présents dans la zone. Alors que plusieurs membres du groupe de détention
étaient, comme on pouvait s'y attendre, des membres de la Force Aérienne, l'affiliation d'autres membres du groupe reste incertaine. Huit engagés, tous armés d'un AK-74,
portaient des uniformes de combat bleu foncé et des bérets bleu foncé. Quelque chose qui ressemblait à des ailes était attaché aux bérets; le commandant de l'équipe rapporta que
au moins un de ces soldats portait un T-shirt bleu et blanc sous son uniforme de combat. En réponse à une question directe, un lieutenant portant un uniforme vert
avec des épaulettes brunes, affirma que ces engagés et lui-même étaient de la Marine.
Comme preuve de ses affirmations, il montra son propre T-shirt rayé bleu et blanc (8).
A 1745Z, un représentant de la Kommandatura de Leipzig arriva et il escorta l'équipe jusqu'à la Kommandatura, où elle fut relâchée à 2230Z. L'atmosphère pendant la détention
fut qualifiée d'amicale et polie.
notes
(1) L'origine des missions remonte en fait à l'Article 2 de l'Accord sur le mécanisme de contrôle en Allemagne
("Agreement on Control Machinery in Germany") datant du 14 novembre 1944. Cet article stipulait :
"Chaque commandant-en-chef dans sa zone d'occupation se verra attaché des réprésentants air, terre et mer des deux autres commandants-en-chef pour des tâches de liaison."
Un renvoi bas de page précisait :
"Traités et autres Actes Internationaux Série 3070. Approuvé par les Etats-Unis le 24 janvier 1945; l'Union Soviétique le 6 février 1945; et le Royaume Uni le 5 décembre 1944.
Cet accord fut amendé le 1er mai 1945 pour inclure la participation de la France." (2) Les véhicules des Missions militaires de liaison pouvaient circuler partout en RDA à l'exception des
zones interdites permanentes et temporaires. (3) La déclaration était préparée par le représentant de la Komendatura sur "les lieux du crime" ou dans les
locaux de la Komendatura à la fin de la période de détention - en général quelques heures. Cependant le chef de la mission capturée refusait
systématiquement de signer ce document. Le représentant de la Komendatura ajoutait alors une note à la déclaration précisant cet état de fait. (4)
Les Missions militaires de liaison occidentales essuyèrent plusieurs coups de feu au cours de leur existence.
Le Major Arthur D. Nicholson de la USMLM fut abattu le 24 mars 1985 par une sentinelle soviétique près de Ludwigsluft. (5) Il y eu pourtant parfois des représailles ou des intimidations. L'opération la plus dramatique fut une
embuscade montée par la Stasi très probablement avec l'aval du KGB, contre un véhicule de la MMFL près de Halle-Saale le 22 mars 1984. L'adjudant-chef Philippe Mariotti
y trouva la mort. (6) Seulement dans les véhicules de la Mission militaire de liaison française. Les scanners radio étaient bien utiles
pour déjouer les équipes de surveillance de la Stasi. Cependant, au moins un officier de la USMLM utilisait une radio pour écouter le résultat des vols de reconnaissance météorologiques et
surveiller les communications des tours de contrôle. (7) Les camions ZiS construits après le Seconde Guerre Mondiale étaient à la base des copies de camions Studebaker fournis
par les USA pendant la guerre dans le cadre du programme Prêt-Bail. Une telle machine était toujours plus ou moins active à Allstedt en 1979 et elle fut effectivement
impliquée dans la capture d'une équipe de BRIXMIS. (8) Les paras et les forces spéciales (Spetsialnogo Naznatcheniya qui signifie littéralement "de désignation spéciale",
mieux connu sous l'acronyme Spetsnaz) portaient eux aussi des T-shirts rayés. La présence de marins à
Allstedt aurait été pour le moins anachronique. Il s'agissait par conséquent très vraisemblement d'une erreur de compréhension ou d'interprétation de la part du personnnel de la
USMLM. Il est donc très probable que l'équipe Air de la USMLM capturée à Allstedt en 1980 le fut par des Spetsnaz qui, comme le laisse entendre le rapport, portaient des ailes
relatives à leur brevet de parachutiste.