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Explosion nucléaire simulée au-dessus du polygone de Wittstock en 1967.
La bombe de type IAB-500 fut largée par un Su-7 au cours d'une ressource (LABS). © USMLM.
Simulated nuclear explosion above the Wittstock range in 1967.
The IAB-500 bomb was released from a Su-7 during a LABS manoeuvre. © USMLM.
Les forces aériennes du pacte de Varsovie ont reçu un grand nombre d'armes nucléaires au début des années 60.
Durant cette période, le bombardier tactique Yak-28 "Brewer" et le premier véritable chasseur-bombardier à réaction
soviétique, le Su-7 "Fitter", entrèrent en service augmentant ainsi les capacités offensives. Les armes nucléaires et
les infrastructures adaptées étaient positionnées sur ce qui aurait été la première ligne en cas de confrontation avec
l'Ouest : en RDA, Pologne et Hongrie. Les divisions d'aviation de nature purement offensive mettaient en oeuvre ces
nouveaux armements et leurs structures en République démocratique allemande et en Pologne étaient représentatives.
Le fer de lance était la 132.BAD à l'est de Berlin, supportée par la 125.IBAD (plus tard ADIB) au nord et la 105.IBAD
au sud de la RDA. La 149.IBAD de la 4.VA était basée au sud-ouest de la Pologne. Les capacités offensives des unités
aériennes soviétiques n'étaient pas aussi élevées en Hongrie. La 36.VA n'alignait que deux régiments ayant un potentiel
nucléaire : un basé à Kunmadaras et un second à Debrecen. Au cours des années 50, ces unités étaient essentiellement
équipées de MiG-17 "Fresco" et d'Il-28 "Beagle". Ces appareils furent remplacés par des Su-7 ainsi que des Yak-28
lors de la décennie suivante. La montée en puissance du dispositif donna naissance à une force composée d'environ
un tiers d'appareils ayant pour mission l'attaque conventionnelle et deux tiers pouvant effectuer des frappes nucléaires
tactiques. Le déploiement des Su-17M/M2 "Fitter-C/D" et des MiG-27 "Flogger-D" au cours des années 70, signifia que
toutes les unités aériennes offensives en Europe de l'Est disposaient désormais d'une capacité nucléaire, tandis qu'un
nouveau potentiel offensif voyait le jour dans les années 80 avec la mise en service des Su-24 "Fencer-B/C".
La découverte par les occidentaux
Une batterie de missiles sol-air 5V24 - système S-125 (SA-3 'Goa') - photographiée par une équipe "Air" de la USMLM à Köthen en 1973. © USMLM.
A S-125 SAM system battery photographed by a USMLM air team at Köthen in 1973. © USMLM.
Un incident intéressant démontre la haute priorité accordée aux bases abritant des installations de première génération
pour ces armes "spéciales" comme les appelaient les soviétiques. Au début de l'été 1967, tirant les leçons de la guerre des six jours, deux douzaines de
sites de missiles sol-air furent activés en RDA en seulement quelques mois. Le travail de construction d'un tel site fut découvert
à Brand en août 1967 par les Missions militaires de liaison alliées. Ce site accueillait des systèmes de missiles sol-air d'un type nouveau,
les S-125 Neva (SA-3 "Goa"), premiers du genre à être déployés en RDA. Le 668.BAP équipé de Yak-28 était stationné à Brand et il disposait
d'un site de stockage pour armes nucléaires tout proche, en faisant ainsi le fer de lance des forces aériennes soviétiques en
Europe de l'Est. Mais il fallut quelques évènements hors du commun pour que l'Ouest découvre enfin que des armes
nucléaires avaient bien été déployées en Europe de l'Est.
En fait, l'OTAN était très mal informé sur le potentiel nucléaire de l'aviation ennemie au milieu des années soixante.
La construction de cinq sites en RDA, Pologne et Hongrie fut repérée presque immédiatement et très documentée. Pourtant,
la nature du matériel stocké était inconnue. Des documents secrets de la CIA et de la USMLM (United States Military Liaison
Mission in East Germany - voir > liens) désormais déclassifiés nous éclairent un peu plus.
Un document datant de décembre 1964 intitulé "Les capacités des forces soviétiques à usage général"
("Capabilities of Soviet General Purpose Forces"), contenait un résumé surprenant :
"Nous n'avons jusqu'à présent découvert des armes nucléaires qu'en URSS.
Si les Soviétiques ne stockaient pas de telles armes en Europe de l'Est (dans sa partie occidentale), ces dernières
nécessiteraient un effort logistique important et demanderaient beaucoup de temps [pour les acheminer sur place]."
L'entrée des abris de première génération de Type 641 pour armes nucléaires était surmontée d'un portique équipé
de treuils afin de charger les armes sur des véhicules (Finsterwalde). © S.Meeter.
The entrance of the first generation Type 641 storage shelters for nuclear weapons were dominated by
a gantry equipped with winches to load the weapons on vehicles (Finsterwalde). © S.Meeter.
"Ils auraient besoin d'un grand nombre d'avions de transport An-12 pour une tâche de cette ampleur. C'est pour ces raisons
que nous croyons qu'il stockent déjà ce type d'armes près du "front" [la RDA]. Cependant, cela reste non confirmé pour nous."
La première preuve d'activités d'entraînement avec des armes nucléaires peuvent être trouvées dans le rapport annuel de la
USMLM en 1967. L'unité impliquée était le 20.GvIBAP. "Le 4 août, des "Fitter" basés à Parchim ont éxécuté des manoeuvres
LABS [bombardement en ressource] au-dessus du polygone de bombardement de Gadow-Rossow avec des bombes soufflantes
["bombs with air burst"] qui provoquaient un nuage [de fumée] jusqu'alors jamais observé, ayant l'apparence de celui provoqué par
une explosion nucléaire."
Il est plus que probable que la bombe utilisée était du type IAB-500. Conçue pour l'entraînement à l'usage des bombes
nucléaires tactiques - chargement, transport et garde - la bombe IAB-500 (Imitatsionnaya Aviatsionaya Bomba - bombe d'aviation de simulation)
qui utilisait le même corps aérodynamique que les bombes nucléaires tactiques 8U46/8U47/8U49,
était également une arme conventionnelle en elle-même. Sa composition interne comprenait 150kg de kérosène, 58kg de phosphore blanc
et 34kg d'explosifs (TNT et TGA 11). La détonation des explosifs au-dessus de l'objectif (1) brisait le corps de la bombe et libérait
le phosphore qui, à son tour, enflammait le kérosène. L'explosion provoquée par cette bombe engendrait une boule de feu qui était immédiatement suivie par
un nuage en forme de champigon (le phosphore lui donnait une couleur blanche réaliste) qui se développait rapidement en ondoyant, tel le nuage produit par une
explosion nucléaire. Des témoins affirmaient que ces nuages pouvaient atteindre jusque 200 mètres de hauteur !
Photo d'une revue soviétique montrant des Su-7 du 20.GvIBAP sur la piste de réserve de Gross Dölln, en 1973. C'est à cette
époque que l'aérodrome s'est vu doter d'abris pour armes nucléaires de type Granit-2. © Collection HM.
This picture from a Soviet magazine taken in 1973 shows Su-7s of the 20.GvIBAP on the reserve runway at Gross Dölln.
The Granit-2 nuclear weapons shelters of the base were built during the same period. © HM collection.
A partir des années cinquante au plus tard, la CIA mena régulièrement des études annuelles sur le programme nucléaire
soviétique. En 1961, ce document qui contenait toutes les informations disponibles par la CIA sur les infrastructures
nuléaires de l'Aviation Frontale mentionnait vaguement :
"Nous pensons que les Soviétiques ont des sites de stockage opérationnels sur quelques aérodromes occupés par la Force
Aérienne Tactique [l'Aviation Frontale] en Europe de l'Est. Etant donné qu'aucun site de stockage pour les têtes
nucléaires tactiques n'ont été identifiés en Europe de l'Est, il est possible que les sites situés sur les aérodromes
offrent une capacité de stockage limitée aussi bien pour les unités de missiles tactiques ["Frog" et "Scud"] que pour
la Force Aérienne Tactique soviétque. Nous ne savons pas si les Soviétiques stockent actuellement des armes nucléaires
dans des sites en Europe de l'Est." Le centre d'intérêt des services de renseignement occidentaux portait sur les installations
de stockage possibles et les activités d'entraînement des unités de l'Aviation Frontale. Ces dernières allaient permettre
une appréciation plus juste du potentiel disponible plutôt que les suppositions à propos des infrastructures nucléaires.
Le rapport annuel de la USMLM pour 1969 était très informatif quant aux profils de vol; les activités du 20.GvIBAP basé
à Parchim étaient tout à fait représentatives : "Le 5 février, des "Fitter", "Moujik" [Su-7 biplace] et "Fresco-C" furent
observés lors de multiples décollages et atterrissages. Les "Fitter" furent également vus approchant en altitude et,
alors qu'ils arrivaient au niveau du centre de la piste, ces derniers exécutaient une montée verticale lors d'une
manoeuvre LABS simulée." Les équipes "Air" de la USMLM mentionnaient des explosions nucléaires simulées répétées sur le
polygone de tir de Gadow-Rossow, au sud de Wittstock : "Un "Fitter" vraisemblablement venant de Rechlin-Lärz fut observé
lors de manoeuvres d'entraînement LABS au-dessus du polygone de bombardement et de tir de Gasow-Rossow le 12 juin.
Au cours de l'une de ces manoeuvres, le "Fitter" lâcha une bombe lors d'une montée à environ 90°. Terminant cette
montée par un Immelmann, il quitta le polygone en se dirigeant vers le nord. Une tactique similaire de bombardement fut
observée sur ce même polygone en août 1967."
"Ces deux situations différaient cependant dans le sens où le bombardement observé au mois d'août 1967 résulta en une
explosion qui produisit un grand nuage en forme de champignon gris-noir, tandis que la larguage observé dernièrement
résulta en une explosion au sol normale." Des observations similaires concernaient également les 559 et 497.IBAP,
respectivement baés à Finsterwalde et Grossenhain, au sud de la RDA. Cela prouvait la capacité nucléaire de toutes
les unités volant sur Su-7 "Fitter-A" : "Le 7 octobre, un "Fitter" stationné à Finsterwalde exécuta un minimum de quatre
manoeuvres LABS simulées. L'appareil passa au-dessus de l'aérodrome à environ 600 mètres, exécuta une ressource pour une
montée verticale jusque 1000 mètres, passa sur le dos quelques secondes et exécuta un demi-tonneau pour s'éloigner vers
l'ouest. Un programme très actif de navigations locales, des touch-and-go, des manoeuvres LABS et peut-être des passes sur
les champs de tir, furent exécutées par des "Fitter" et des "Moujik" de Grossenhain le 9 octobre."
Low-Altitude Bombing System - Bombardement en ressource
Afin de larguer une arme avec précision lors d'un bombardement en ressource, le système d'armes original
devait comprendre un équipement supplémentaire de sélection et d'information. Ce dernier était appelé PBK
(Pritsel dliya Bombometaniya s Kabrirovaniya) ou viseur de bombardement en tanguage. Cet équipement prenait la
forme d'un boîtier séparé ajouté au tableau de bord (en haut à gauche) sur les jets anciens comme le Su-7.
La procédure d'approche à basse altitude
nécessitait la connaissance d'un point fixe initial qui pouvait être identifié visuellement ou par radio, comme une
balise radio déposée par un commando ou un hélicoptère. Le boîtier PBK fournissait au pilote les informations nécessaires afin
de mener à bien son attaque finale (voir > L'attaque des batteries Hawk). HM.
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This chapter is an adaptation of the article entitled 'Nuclear Power' by Stefan Büttner, published in the March 2009
issue of Aircraft Illustrated (Ian Allan Publishing).
notes
(1)
A l'instar des bombes nucléaires tactiques, une explosion au-dessus du sol ou au moment de l'impact pouvait être choisie.
Les bombes nucléaires tactiques étaient susceptibles d'être larguées selon une manoeuvre LABS ou de manière conventionnelle, en vol horizontal. Dans ce dernier cas,
un parachute frein était déployé derrière la bombe.

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