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RAF Gatow BRIXMIS
Faisant suite à l'article "Sécurité des vols non garantie" décrivant par le menu les vols d'observation de BRIXMIS au-dessus de la BCZ, nous continuons l'étude de ce sujet grâce au Squadron Leader Tony Bowen, ancien pilote de Victor, qui fut le dernier pilote à voler sur Chipmunk à Berlin durant l'opération Nylon/Schooner/Oberon. Il nous parle de son service à RAF Gatow et dans la zone de contrôle de Berlin.


RAF Gatow RAF Gatow Le 20 juin 1990, je quittais Thirsk dans le North Yorkshire avec ma femme et ma fille pour un voyage de 1500 km vers l'inconnu. Nous savions en fait où nous allions - Berlin - mais j'ignorais pour quelle raison précise. Je savais que mon travail serait Public Relations Officer/Chipmunk QFI (Officier des relations publiques / Instructeur qualifié sur Chipmunk) et on m'avait laissé entrendre qu'il pourrait y avoir quelque chose de différent en ce qui concerne les vols, mais on m'en dirait plus une fois sur place. Intrigant ! Nous sommes finalement arrivés à la frontière entre l'Allemagne de l'Ouest et de l'Est dans la ville de Helmstedt et nous nous sommes signalés au point de contrôle Alpha (> Lien). Là, j'ai reçu deux choses : une plage horaire et une feuille de papier plastifiée. La vitesse était limitée à 100 km/h en RDA et elle était strictement appliquée. L'horaire indiquait mon heure d'arrivée à la frontière avec Berlin-Ouest au Checkpoint Bravo (> Lien) avec un débattement toléré de plus ou moins dix minutes. Plus tôt, j'aurais roulé trop vite et plus tard, il serait évident que je me serais arrêté pour espionner un peu ! A présent, vous en avez probablement déduit que la frontière entre Berlin-Ouest et Berlin-Est était... le Checkpoint Charlie (> Lien) ! Le papier était destiné à n'importe quel officier de la Volkspolizei qui aurait pu m'arrêter et déclarait en substance : "Je ne suis pas autorisé à vous parler, emmenez-moi auprès de l'officier soviétique le plus proche s'il vous plaît." J'allais revoir ce papier, mais nous en reparlerons plus loin. Finalement, au bout d'un voyage de quelque dix-huit heures, nous sommes arrivés à RAF Gatow.

BRIXMIS

Vehicles RAF Gatow En 1946, une unité destinée à opérer dans la partie est de l'Allemagne occupée fut mise sur pied sous le nom de "British Commanders' in Chiefs Mission to the Soviet Forces in Germany" plus simplement connue sous l'acronyme BRIXMIS. Des missions similaires virent le jour pour les Français (MMFL) et les Américains (USMLM), ainsi que les Soviétiques (SOXMIS). Chaque charte était légèrement différente; la britannique peut être consultée sous ce > Lien. Les accords prévoyaient qu'un certain nombre de membres de chaque mission se verraient délivrer un laissez-passer leur donnant accès à la zone d'occupation de l'adversaire. Selon la chronologie de la création des missions, les Britanniques obtinrent 31 laissez-passer, les Français 18 et les Américains 14. Le premier pied-à-terre de BRIXMIS était composé de quatre maisons groupées dans un réduit situé juste à côté de la Geschwister-Scholl-Srasse à Potsdam. Cependant, suite à d'importants dégâts causés lors d'une manifestation anti-britannique, les Soviétiques acceptèrent de verser une indemnité de 1200 £ et de construire une nouvelle maison pour la mission sur la Seestrasse, à Potsdam. Bien qu'initialement conçu comme un canal de communication, BRIXMIS s'est rapidement avéré être une opportunité d'observer les forces soviétiques dans la zone d'opérations avancée. L'unité comptait donc un grand nombre de soldats et d'aviateurs hautement spécialisés, capables d'évaluer les forces soviétiques et est-allemandes qui, en cas de guerre, seraient à l'avant-garde de tout assaut sur la frontière intérieure allemande. L'unité utilisait plusieurs types de véhicules qui ont évolué au fil des ans. Son dernier engin fut la Mercedes Geländewagen, surnommée affectueusement "G-Wagon". C'était un excellent véhicule tout-terrain offrant un bon confort pour un équipage de trois personnes. Une fois entièrement équipée, la flotte BRIXMIS comprenait une gamme impressionnante de véhicules. Une mission terrestre standard durait entre 3 et 5 jours, durant lesquels l'équipage vivait, mangeait et dormait dans son véhicule. Le conducteur devait également dormir dans le véhicule, tandis que les deux autres dormaient souvent dans des bivouacs à proximité. Les officiers et sous-officiers de la RAF affectés à BRIXMIS se demandaient pourquoi diable on leur avait demandé d'emporter leur équipement de vol. Ils le découvraient au bout de trois mois environ, lorsqu'on leur demandait de se présenter à la base de RAF Gatow (> Histoire) où, pour la première fois, ils apprenaient tout sur l'opération Nylon ou Schooner. Le secret qui entourait cette opération était tel qu'ils se retrouvaient dans une situation similaire à celle à laquelle je fus confronté lorque je suis arrivé en juin 1990.

Chipmunk Chipmunk L'aérodrome abritait deux avions d'entraînement Chipmunk T.10, lesquels faisaient l'objet d'une dérogation en vertu de l'accord aérien quadripartite de 1947, leur permettant d'opérer dans la zone de contrôle de Berlin afin que pilotes et équipages puissent entretenir leurs compétences de vol. Très tôt, on comprit que, bien que la zone ne couvrait qu'un rayon de 32 kilomètres, elle abritait néanmoins de nombreuses unités de l'armée et de l'aviation soviétiques et est-allemandes. Le petit Chipmunk offrait une plateforme incomparable pour observer et photographier de nombreux équipements, dont une grande partie était découverte pour la première fois par les Alliés occidentaux. Mon prédécesseur, le commandant d'escadron Mike Miall, me conduisit donc jusqu'au hangar où étaient entreposés les avions. Nous descendîmes au sous-sol où nous enfilâmes notre équipement de vol et on me remit une feuille de papier plastifiée. C'était la même que j'avais déjà vu au point de contrôle Alpha lors de mon trajet vers Berlin et qui signifiait qu'en cas d'atterrissage forcé en RDA, je serais conduit auprès de l'officier soviétique le plus proche. On s'attendait à ce que ce soit le prélude à ce qui était connu familièrement comme "le long séjour en russie". Une fois installés dans l'avion, casque sur la tête et visière baissée, les portes du hangar furent ouvertes et nous fûmes poussés à l'extérieur pour démarrer le moteur. Puis vint l'appel radio : "Zenith Alpha, roulage", suivi peu après, en bout de piste, de "Zenith Alpha, prêt au départ". Autorisés au décollage, s'ensuivit la plus étrange heure et quarante minutes de ma vie, durant laquelle nous avons parcouru quelque 240 kilomètres autour d'une grande ville, traversant les embouteillages de Tempelhof, l'aéroport civil est-allemand de Schönefeld, la base d'hélicoptères d'Oranienburg et la base de reconnaissance de Werneuchen - le tout sans une seule transmission radio. Finalement, un dernier appel, à environ 5 kilomètres de Gatow : "Zenith Alpha aérodrome en vue". "Zenith Alpha autorisé à atterrir". De retour sains et saufs sur la terre ferme, la procédure précédente fut inversée : le moteur fut coupé, les portes du hangar ouvertes, l'avion poussé à l'intérieur, les portes refermées, et nous pûmes enfin retirer nos casques et sortir. Et la raison de cette apparente pantomime ? Juste à l'extérieur de l'aérodrome se trouvait une tour de guet tenue par des gardes-frontières est-allemands, d'où tous nos mouvements étaient observés et photographiés afin d'identifier l'équipage.

Osa 2S7 En 1966, alors que j'étais copilote sur bombardier Victor B.2 équipé du missile nucléaire Blue Steel, ma seule mission était de préparer une attaque contre l'Union soviétique qui anéantirait une ville d'environ 200.000 habitants, soit à peu près la taille de Plymouth. Mon habilitation de sécurité à l'époque était inférieure à celle requise pour piloter mon humble Chipmunk à Berlin. Tous les vols de la RAF devaient être préalablement autorisés par écrit avec les détails de leur objectif mentionnés. Cependant, à Berlin, seule la mention "vol local" étaient enregistrée (et consignée dans mon carnet de vol personnel). Ce n'est qu'en faisant des recherches pour cet article que j'ai appris que nos vols portaient les noms de code Opération Nylon, Schooner, puis Oberon. L'opération était si sensible qu'elle était soumise à l'approbation du Bureau du Cabinet, à tel point que, pendant les élections générales, les vols étaient suspendus en attendant un éventuel changement de gouvernement. En 1990, si j'avais laissé échapper par inadvertance la moindre allusion à ce que je faisais, j'aurais dû vous abattre ! Il est temps de faire une petite digression. À mon arrivée à Berlin, je n'avais que deux semaines avec Mike Miall pour effectuer une passation de pouvoir avant de devoir me rendre à Rheindahlen pour un cours d'allemand courant. À la fin de ce stage, Mike serait de retour au Royaume-Uni. Aucun problème, puisqu'il m'avait expliqué que nous nous concentrerions exclusivement sur les vols, laissant son adjoint très compétent, Werner Muths, me guider dans une autre facette de mon job, à savoir les relations publiques. À mon retour à Gatow, Werner était en congé, mais devait revenir le lundi suivant. Le premier vendredi, la porte s'est ouverte et le chef d'escadron de la Police de la RAF est entré, accompagné de deux civils. On m'a demandé de confirmer que Herr Muths serait de retour de congé lundi, et lorsque je l'ai fait, on m'a dit : "À 9 heures, votre porte s'ouvrira et ces deux messieurs entreront. On ne vous dira rien, vous vous lèverez, partirez et monterez au bureau de police où vous resterez jusqu'à notre autorisation de retour". Ils ne voulaient rien me dire d'autre, mais le lundi matin, à 9 heures précises, la porte s'ouvrit et les deux mêmes hommes, accompagnés d'une dame, entrèrent. J'obéis scrupuleusement et restai au commissariat pendant environ trois heures. Lorsque je fus autorisé à regagner mon bureau, il était vide. Il s'avéra que Werner Muths, qui avait travaillé à Gatow pendant une quinzaine d'années, d'abord comme directeur adjoint du mess des officiers, puis comme adjoint aux relations publiques, était en réalité un agent de la STASI ! Tous ces subterfuges pour cacher notre identité furent donc une perte de temps totale ! Personnellement, je fus instantanément privé de toutes les expertises en relations publiques sur lesquelles je pouvais compter, me laissant au pied d'une courbe d'apprentissage assez raide.

Krampnitz SA-16 Voyons à quoi ressemblait une sortie typique. Le matin d'un vol BRIXMIS prévu, un officier spécialisé ou un sous-officier se rendait à Gatow et retrouvait le pilote au sous-sol du hangar. Il enfilait sa tenue de vol, briefait sur des objectifs spécifiques et autorisait la sortie. Ils remontaient ensuite pour se rendre à l'avion et effectuaient la procédure décrite précédemment, l'observateur étant assis dans le cockpit avant, muni de ses appareils photo, de plusieurs pellicules, d'un carnet et d'un objectif supplémentaire pouvant atteindre 1000 mm de focale - un équipement conséquent ! Dans le cockpit déjà exigu du Chipmunk, changer de pellicule et d'objectifs était une tâche ardue. Une complication supplémentaire résidait dans le fait que tout cet équipement pouvait être considéré comme suspect en cas d'atterrissage forcé en RDA. La suggestion de sortir, de ranger notre équipement dans un sac vert et de le jeter dans un lac n'ayant pas été prise au sérieux, la solution aurait été d'ouvrir les robinets de vidange de carburant sous les ailes et d'y mettre le feu avec les mini-fusées de survie que nous avions toujours avec nous. Heureusement, la fiabilité intrinsèque du moteur Gipsy Major de 145 cv, alliée au dévouement de notre équipe de mécanos hors pair, a permis d'éviter une telle éventualité. Sachant que les missions opérationnelles totalisaient environ 250 heures de vol par an sur une période de quelque 34 ans, cela représente un total de 8 500 heures, ce qui, à la vitesse de croisière de 166 km/h du Chipmunk, équivaut à plus de 1.000.000 de kilomètres. Retour à notre vol habituel. Une fois en vol, nous suivions un itinéraire plus ou moins circulaire, commençant par la région de Potsdam, incluant une division de chars de la Garde à Krampnitz, une division de fusiliers motorisés à Döberitz et une division d'artillerie où ils avaient la fâcheuse habitude de pointer leurs canons sur nous et de nous utiliser pour des exercices de poursuite et de visée. Nous avons même la photographie d'un soldat pointant sa Kalachnikov sur nous (> Lien). Nous devions ensuite nous rendre sur les voies ferrées desservant ces unités et leurs zones d'entraînement. Cette concentration des efforts nous permettait de signaler toute activité aux officiers qui devaient effectuer une mission terrestre dans la région de Potsdam au cours des prochaines 24 heures, afin de les aider à éviter tout incident potentiel.

Mi-6A MiG-25RB En poursuivant notre vol vers le nord de la BCZ, nous allions observer et photographier la base d'hélicoptères de transport d'Oranienburg, proche du tristement célèbre camp de concentration de Sachsenhausen, préservé par les Soviétiques, à la fois comme un terrible témoignage du régime nazi et pour abriter ceux que les autorités communistes voulaient détenir et punir. Comme les vols étaient rares, nous avons pu nous approcher suffisamment près pour prendre de très belles photos. La base de reconnaissance de Werneuchen, où évoluaient les Yak 28 "Brewer" et les Mig 25 "Foxbat", était une autre cible où l'activité aérienne était également limitée. L'accès à cet aérodrome était quasiment impossible pour une visite terrestre, car il se trouvait à l'intérieur d'une la zone interdite permanente. Le Foxbat était un avion redoutable, capable d'atteindre des vitesses allant jusqu'à Mach 3 et des altitudes allant jusqu'à 70.000 pieds, principalement utilisé pour des missions de reconnaissance, mais doté également d'une capacité nucléaire secondaire qui représenterait une menace encore plus sérieuse en cas de conflit total. À de rares occasions comme celle-ci, nous avons pu apercevoir des avions sur leur ligne de vol, en préparation pour une mission de reconnaissance. À d'autres moments, l'activité était très limitée et les équipes au sol sortaient pour nous saluer. Dans l'ensemble, il n'y avait aucune hostilité, contrairement à ce que leurs homologues de l'armée affichaient parfois. On rapporte même qu'ils auraient assisté à un spectacle de voltige improvisé, réalié par l'un de mes prédécesseurs. Au sud de Werneuchen se trouvaient des installations appartenant à l'armée de terre et aux gardes-frontières est-allemands, dont une caserne à Gossen où ils avaient construit une réplique exacte du mur de Berlin longue de 400 mètres où les nouvelles recrues pouvaient être formées.

2S6 2S6 Plus important encore, un équipage volant près d'Alt Rüdersdorf en périphéire est de la BCZ découvrit non loin à Kagel, hors de la BCZ, une vaste zone d'excavations et prit plusieurs photographies. Ils avaient découvert par hasard ce qui allait devenir une cible prioritaire, car les Soviétiques étaient en train d'installer et d'enfouir une grande antenne destinée à établir une communication directe avec Moscou. Des renseignements avaient été recueillis à ce sujet, mais personne ne savait où chercher jusqu'à ce que le Chipmunk la découvre. Pendant les 18 mois qui suivirent, la zone fut surveillée régulièrement et chaque étape de sa construction fut heureusement enregistrée, car, au bout de deux ans, il ne restait absolument plus aucune trace de l'ouvrage (1). Le principal problème résidait dans le fait que le site de Kagel se trouvant en dehors de la BCZ, de tels survols constituaient une infraction à la réglementation qui aurait pu entraîner de graves répercussions. Tous nos vols faisaient l'objet d'une analyse détaillée après le traitement de nos images. Peu après mon arrivée, j'ai été convoqué au siège de BRIXMIS, qui se trouvait non pas à la Maison de la Mission à Potsdam, mais au Stade olympique de Berlin. Lors de mon arrivée, on m'a fait attendre à la porte pendant que toutes les images affichées au mur étaient masquées. Bien que j'aie piloté l'avion, je n'ai pas été autorisé à voir les résultats ! On m'a déclaré qu'une triangulation de quelques-unes de nos images de la veille avait prouvé que je m'étais aventuré à environ 200 mètres hors de la BCZ et on m'a averti que toute récidive pourrait entraîner mon renvoi immédiat au Royaume-Uni. Le fait que mon observateur plus expérimenté m'ait indiqué cet endroit ne constituait pas une excuse. J'étais le commandant de bord, il m'incombait donc de savoir exactement où je me trouvais à tout moment. De nombreuses images obtenues lors de l'opération étaient d'une netteté incroyable et capturaient souvent des détails de nouveaux équipements jamais vus hors d'Union soviétique. À ce jour, peu d'entre elles sont accessibles au public et, pour être honnête, elles ne présentent de toute façon qu'un intérêt historique. Il convient toutefois de rappeler que toutes ces images ont été prises grâce à un observateur manipulant un appareil photo depuis le siège avant du Chipmunk, piloté depuis le cockpit arrière. Pour obtenir des résultats optimaux, la verrière devait être partiellement ouverte et l'appareil photo maintenu à l'écart des parois du fuselage de l'avion afin d'éviter les vibrations. Au cour de l'hiver berlinois, où les températures pouvaient descendre jusqu'à -20 degrés Celsius, sans compter l'effet éolien dû à un flux d'air de 166 km/h, c'était un défi de taille. J'étais ravi que ma courte participation ait eu lieu exclusivement en plein été !

Conclusion

Berlin Wall Chipmunk Après la réunification allemande, les diverses missions militaires n'étaient évidemment plus nécessaires et BRIXMIS fut officiellement dissoute le 31 décembre 1990. Comme je l'ai mentionné précédemment, 31 membres pouvaient être "on pass" à tout moment, mais l'effectif total de l'unité était bien supérieur, soit un total de 68 personnes, dont 25 membres de la RAF à la fin. Il y avait bien un marin en 1988, mais personne ne savait vraiment pourquoi il était là ! Alors, quel est le bilan et tout ce secret était-il vraiment justifié ? Il ne fait aucun doute que certains des renseignements recueillis et des images obtenues étaient extrêmement précieux et peut-être plus détaillés que ne l'imaginaient les Soviétiques. Mais les vols BRIXMIS, ainsi que les missions parallèles menées par les Américains et les Français, n'étaient guère clandestins. Un petit avion évoluant à moins de 300 mètres d'altitude, avec l'objectif d'un appareil photo dépassant d'un côté, était assez évident. Il y a aussi la fameuse anecdote d'un photographe américain, qui, changeant d'objectif, réussit à en larguer un sur le terrain de parade très fréquenté d'une caserne soviétique (voir "Opération Larkspur" > Lien). À tout moment, l'un de ces appareils aurait pu être abattu ou forcé d'atterrir, mais il subsistait toujours un léger risque que le vol en question soit tout à fait innocent. Le QFI de Gatow survolait la zone presque quotidiennement, souvent sans observateur BRIXMIS à bord, transportant parfois un officier très haut gradé de la RAF ou de l'armée de terre pour une sorte de voyage touristique, et les répercussions politiques si le mauvais appareil était ciblé sont imaginables. Une théorie avançait également que de nombreux membres du haut commandement soviétique étaient ravis de laisser les Alliés appréhender leur capacité comme une sorte de mesure de dissuasion. Après tout, beaucoup d'entre eux avaient des souvenirs poignants de la Grande Guerre patriotique et ne souhaitaient pas que cela se reproduise. Avec le recul, je comprends pourquoi les résultats détaillés de l'opération étaient hautement confidentiels, mais le secret qui l'entourait me paraît aujourd'hui quelque peu ridicule. L'un de mes souvenirs les plus marquants est celui d'un cocktail où un capitaine soviétique m'a abordé et m'a demandé si j'étais bien le pilote du Chipmunk. Lorsque j'ai répondu "Oui", il m'a répondu : "J'ai beaucoup de photos de vous en train de me photographier". Ils avaient vraiment le sens de l'humour !

Chipmunk BTR-60 Voilà pour la base aérienne de Gatow, mais, inévitablement, une bonne part de cela me concernait. J'aimerais donc terminer cet article par quelques souvenirs personnels. Werner Muths m'a notamment rendu service en me présentant un merveilleux groupe d'anciens aviateurs de la Luftwaffe de la Seconde Guerre mondiale, le Jägerkreis. Le 11 octobre 1991, l'organisation nationale a tenu sa réunion annuelle à Berlin, une première. Nous avons organisé une réception en leur honneur à Gatow et, entre autres, j'ai pu rencontrer le célèbre Adolf Galland. J'ai également rencontré Günther Rall, le troisième as de la Luftwaffe avec 275 victoires, toutes sauf trois obtenues sur le front de l'Est. Il a été abattu huit fois et blessé trois fois, et a même été hospitalisé pendant près de douze mois à cause d'une paralysie du côté droit. Contrairement à leurs homologues de la RAF, les pilotes de la Luftwaffe n'avaient pas de périodes de service spécifiques - s'ils étaient en bonne santé, ils volaient. Souvenir de Rall : "À l'époque, j'avais l'impression d'être soit dans un lit d'hôpital, soit dans le cockpit d'un 109". Lors d'un combat, il s'est fait arracher le pouce gauche par une balle et, lorsque je lui ai fait remarquer qu'il était quand même retourné au combat, sa réponse laconique a été : "Ce n'était pas grave, j'avais juste besoin de mon pouce droit pour appuyer sur le bouton de mise à feu". L'un de mes derniers vols a eu lieu le 20 octobre 1993, lorsque le plus vieux Junkers 52 encore en service a fait escale à Berlin. J'ai réussi à convaincre le pilote de survoler Gatow et de me permettre de le rejoindre pour un survol en formation. L'emblématique Ju 52 a effectué son premier vol en 1932 et, par pure coïncidence, celui-ci a pris son envol pour la première fois en 1936, année de l'ouverture de la Luftkriegschule 2 à Gatow. Il appartient désormais à la Deutsche Lufthansa Berlin-Stiftung, basée à Hambourg, qui l'exploita jusqu'en 2019 en réalisant des vols touristiques de 30 minutes proposés pour la modique somme de 240 euros [l'avion est maintenant préservé au sol]. À titre de comparaison, si vous visitez le musée d'East Kirkby, dans le Lincolnshire, vous pouvez profiter d'un court roulage au sol à bord de leur Lancaster pour 325 £ ! Et finalement, où sont les Chipmunks aujourd'hui ? Il y en a eu beaucoup au fil des ans, mais des deux que j'ai pilotés, le WG466 est retourné à Gatow pour être exposé au musée de la Luftwaffe [renommé Militärhistorisches Museum der Bundeswehr], tandis que celui que je considère comme le mien, le WG486, a été repeint d'un noir brillant et est utilisé par le Battle of Britain Memorial Flight pour initier les nouveaux pilotes aux plaisirs, aux mystères et aux défis du noble art du "taildragging".

© Tony Bowen

Notes

(1) Il s'agissait plus vraisemblablement du centre de transmission radio du Ministère de la Défense nationale est-allemand situé à Kagel et qui comprenait une antenne enterrée > Lien. Un émetteur "M" utilisait une antenne circulaire enterrée pour transmettre plusieurs fois par minute un code d'identification dont les variations auraient signalé différents états d'alerte.



RAF Gatow Station Flight Chipmunks
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