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Tu-16P Les Tu-16P Bouket se reconnaissaient aisément grâce au carénage allongé situé sous la soute à bombes qui contenait l'essentiel de l'électronique embarquée. © Svenska Flygvapnet.

The Tu-16P Buket was betrayed essentially by the canoe fairing under the bomb bay, which contained most of the electronic equipment. © Svenska Flygvapnet.
Le 6 juillet 1972, le 132ème Régiment d'aviation de bombardement lourd (TBAP) décollait de Tartou en Estonie à 02H15 afin d'aller bombarder de nuit le champ de tir de Wittstock avec ses Tu-16, avant de retourner se poser sur un aérodrome de réserve en terre battue situé en Biélorussie. Le trajet suivi pour atteintre la RDA consistait en un survol de la Mer Baltique. Le 3.AE du régiment, chargé de la guerre électronique, devait ouvrir la route devant les bombardiers avec ses neuf appareils de type Tu-16P Bouket "Badger-J" et Tu-16 Yelka (prononcer "Yolka" - Sapin) "Badger-H". De plus, les bombardiers des autres escadrons disposaient du système SPS-5 Fasol (Haricot vert) destiné à perturber les canaux de guidage des chasseurs et certains bombardiers ainsi que les Yelka étaient susceptibles de recevoir le système ECM SPS-100 Rezeda (Mignonette) en lieu et place de la tourelle de queue. Les Tu-16P se chargeaient des contre-mesures actives à l'aide du système Bouket qui était d'une efficacité redoutable. Plusieurs appareils emportaient des versions différentes - quatre disponibles - afin de couvrir toute les bandes radar. Une seule machine volant vers 10 à 11.000 mètres d'altitude suffisait pour protéger tout un groupe de bombardiers dans un rayon de 3 à 5 kilomètres. Ce dispositif visait à brouiller les radars de détection à longue portée, les radars de guidage et les sites de missiles sol-air. Un conteneur occupé par un officier était accroché dans la soute à bombes arrière des Yelka qui se chargeaient des contre-mesures passives. Ces avions participaient à la couverture des bombardiers en lâchant des bandelettes d'aluminium coupées à la bonne longueur. L'opérateur sélectionnait la réserve contenant les bonnes bandelettes en fonction des paramètres d'émission des radars adverses. Un autre système permettait aussi de couper automatiquement les bandelettes à la longueur adéquate, celle-ci pouvant aller jusqu'à un mètre cinquante. Cette technologie des années 40 restait efficace contre les missiles Nike Hercules développés pour contrer les bombardiers. Les bandelettes d’aluminium étaient en effet susceptibles de provoquer le déclenchement prématuré du détonateur commandé par radio de ces missiles anti-aériens. Des pics en fibre de verre étaient également employés contre les radars embarqués des chasseurs qui opéraient à l'époque dans la bande des trois centimètres. Ces derniers n'étaient toutefois utilisés que rarement et la plupart du temps au-dessus de l'eau car des pertes massives de bétail avaient été observées dans les zones où ils avaient été employés. Les bovins les ingurgitaient en effet, avec pour conséquence la perforation de leur estomac, ce qui entraînait leur mort.

Carte Carte simplifiée montrant l'itinéraire suivi par le 132.TBAP lors du raid sur Wittstock le 6 juillet 1972 ainsi que le vol retour via l'aérodrome de réserve à Jeloudok (d'après http://scucin-avia.narod.ru).

Simplified map showing the route followed by the 132.TBAP to reach Wittstock on 6th July 1972 and its return flight via the reserve airfield at Zheludok (from http://scucin-avia.narod.ru).
L'efficacité des brouillages avait rendu les échanges radio entre les contôleurs aériens d'interception et les chasseurs chargés d'attaquer les assaillants chaotiques. A tel point qu'un intercepteur fut perdu : un pilote ne parvenant plus à communiquer avec le sol avait dû s'éjecter faute de carburant. L'ordre de cesser l'emploi de ces contre-mesures électroniques fut donné avant le délai qui était prévu, mais il ne parvint à destination que grâce aux moyens de communications à longue distance et après confirmation par un mot de passe. Le lendemain, un message annonça que le trafic aérien civil en RFA avait été paralysé durant la même période.
Le second escadron mettait en oeuvre neuf Tu-16K-11-16 "Badger-G" un vecteur optimisé pour l'emport de deux missiles air-sol KSR-2 (AS-5 "Kelt") ou de la version anti-radars du même missile, désignée KSR-11 (AS-5 "Kelt" également). Cependant, ces avions transportaient des bombes de 250kg freinées par parachutes lors du raid sur Wittstock. Chaque équipage s'était vu désigner un objectif précis sur l'aérodrome factice du champ de tir (Photo 1 - Photo 2). Les neuf "Badger-G" du premier escadron devaient, quant à eux, larguer des bombes à fragmentation ainsi que des mines afin de gêner la remise en état de l'aérodrome "ennemi". Ces dernières devaient exploser de manière erratique afin de surprendre les démineurs, raison pour laquelle toute cirulation sur la zone fut interdite pendant plusieurs jours. Si le groupe de bombardiers volait initialement à moyenne altitude, les appareils descendirent à 200 mètres aux approches de la RDA alors qu'il faisait nuit. Peu avant d'atteindre l'objectif, trois Tu-16 Yelka prirent soudainement de l'altitude pour larguer des bombes éclairantes, illuminant le sol comme en plein jour. L'équipage du commandant de la division, le Général Kharine, devait lancer 36 bombes anti-revêtement sur la piste. L'explosion retardée de ces dernières ne devait intervenir qu'après le passage des autres avions de la formation. Furent-elles larguées trop tôt ou les appareils suivants étaient-ils en retard, toujours est-il qu'elles commencèrent à exploser lorsque le Tu-16 de Victor Kabanov survolait la piste. Heureusement, son avion s'en tira indemne. Un incident assez similaire s'est reproduit en 1974 à Vozdvijenka. L'un des appareils fut criblé d'éclats mais parvint néanmoins à rentrer sans encombre.

Tu-16K-11-16 Mais le bombardement du champ de tir de Wittstock constitua-t-il le point culminant de cette mission hors norme ? Si les bombardiers ont pris le chemin du retour à nouveau via la Baltique, ils se sont ensuite dirigés vers le sud-est pour atterrir sur le terrain de réserve du 132.TBAP situé à Jeloudok en Biélorussie. Les 27 appareils du regiment se posèrent de nuit sur la piste en terre battue. Les équipages purent ensuite se reposer dans un casernement et le plein des avions fut refait. Le lendemain, un Yak-28R "ennemi" survola le terrain à basse altitude en début de soirée. Une attaque de l'aérodrome étant dès lors prévisible pour le lendemain, les Tu-16 repartirent pendant la nuit - début des décollages précisément à 03H19 - pour leur terrain d'attache à Tartou. Un équipage failli perdre la vie au décollage. Les appareils s'élençaient par paires en soulevant d'énormes nuages de poussière et le leader d'une para commença à dériver vers la droite. Son ailier s'est retrouvé pratiquement hors de la piste alors qu'il s'écartait lui aussi vers la droite sans doute en collant à la trajectoire de son leader. La vitesse diminua alors que son avion rencontrait une surface plus molle - les roues laissèrent de profonds sillons dans le sol - puis augmenta à nouveau. Dans ces conditions, il fallu 3500 mètres pour finalement parvenir à décoller avant les maisons du village voisin situé en bout de piste. Le pilote avait décidé de poursuivre la manoeuvre de décollage malgré tout, de crainte d'être percuté par l'appareil suivant en cas d'abandon. Ce dernier risquait en effet de ne pas voir l'obstacle sur la piste à cause de la poussière. Essayez d'imaginer 27 Tu-16 décollant par paires à court intervalle de nuit sur une piste en terre battue...
Après cette mission sur l'Allemagne, le régiment reçu les félicitations du Ministre de la Défence, le Maréchal A.Gretchko - ancien commandant du GSVG de mai 1953 à novembre 1957 - pour son évalutaion positive. Ce dernier était en effet présent en RDA où il avait pu assister à cette attaque nocturne.

D'après Viktor Kabanov, pilote au 132.TBAP.

Tu-16K-11-16


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