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Analyser les données

XF799 De retour à RAF Wildenrath, le Pembroke retrouvait sa place de parking ou était rentré dans le hangar. Les films étaient rapidement enlevés et emmenés par l'équipage jusqu'au QG de la RAFG pour être traités prioritairement, souvent dans les deux heures. Pendant ce temps, l'équipage et les navigateurs en particulier, étaient débriefés. Une fois les photos imprimées, les interprètes photo les examinaient afin d'en extraire toute information utile. Cela se déroulait dans les locaux adjacents du Département de renseignement et d'interprétation photographique de la RAF (RAF Photographic Interpretation / Intelligence Department - PID) et de la 6ème Compagnie de renseignement (6th Intelligence Company) - qui reçu d'autres désignations au cours des années - de l'Armée britannique du Rhin (1), deux unités qui rapportaient les résultats auprès de leurs QG respectifs. Les objectifs des Pembrokes consistaient en un ensemble de sites fixes permanents, d'emplacements temporaires et d'équipements mobiles. Certains, comme les sites de missiles sol-air ou les aérodromes, étaient couverts de manière routinière afin d'y rechercher du nouveau matériel ou tout changement au sol. Les zones d'entraînement étaient aussi populaires, surtout lors des périodes d'exercice. Comme Andy Scott, commandant de l'Escadrille d'interprétation photo et ensuite Officier des opérations au PID de la mi-1977 à 1980 nous a déclaré, « BRIXMIS et les Pembrokes s'associaient parfois car ils pouvaient nous guider [nous indiquer un objectif à couvrir] comme nous pouvions les guider. » Le PID et la 6ème Compagnie de renseignement utilisaient des informations provenant de nombreuses sources britanniques et alliées, dont BRIXMIS et les activités clandestines du Squadron 60 . « Nous établissions des dossiers pour chaque objectif et nous dressions un résumé mensuel des activités [adverses] ainsi que des ordres de bataille. Nous nous concentrions sur les aspects "aériens" (électronique, aérodromes, sites SAM). La 6th Intelligence Company se concentrait sur les installations de l'armée et les formations - principalement les casernes en cherchant des changements. »

XL953 « Nous travaillions grâce à une série de sources donnant des indices - BRIXMIS était l'une d'entre elles ainsi que toute autre source provenant du monde du renseignement qui pouvait nous aider à identifier des opportunités. Les objectifs étaient sélectionnés par l'Officier des opérations de la RAF et son pendant de l'Armée chacun décidant de ce qu'il voulait voir, combinant leur sélection avec les demandes d'autres organisations et coordonnant l'ensemble avec les autres agences de renseignement afin d'éviter les doublons. Nous avions de longues cartes représentant chaque couloir aérien ainsi que la Zone de Contrôle de Berlin. Dans le cadre des vols, des objectifs avaient été sélectionnés parce que nous pensions que quelque chose d'intéressant s'y déroulait tandis que d'autres étaient photographiés de manière routinière. Les vols permettaient aussi de surveiller les exercices soviétiques dans les zones d'entraînement comme celle de Letzlinger Heide dans le couloir central. » Le plan devait être autorisé par des officiers supérieurs au QG de la RAF Germany. Une fois approuvée, la mission faisait l'objet d'un briefing pour l'équipage concerné devant voler dans les couloirs. Quand des objectifs de très haute priorité étaient identifiés, ils étaient souvent visités à la fois par BRIXMIS et le Squadron 60. Ainsi, l'arrivée au cours de 1958 de missiles SA-2 "Guideline" à Glau en Allemagne de l'Est, fut détectée en premier lieu par le Squadron 60 alors que des travaux d'aménagement étaient en cours sur le site. Par conséquent, BRIXMIS reçu pour mission d'aller explorer la zone, ce qui permit de confirmer que le site était destiné à recevoir des missiles plutôt que les canons anti-aériennes habituels pour l'époque. Si jamais un Pembroke avait été obligé de se poser en RDA, un scénario de couverture était prévu. Toutefois, il est fort probable que ce dernier n'aurait tenu guère plus de temps que celui nécessaire pour l'exposer... Une annexe aux instuctions de l'opération datant de 1962 détaille cette couverture. Pourvu que l'avion ait pu se poser intact, celle-ci annoncait que "l'avion est utilisé pour la photographie aérienne dans des cas légitimes." Le but du vol était de "mettre à jour le relevé de l'aérodrome de Gatow." Il était précisé que l'équipage devait voiler tout magasin de film "opérationnel" exposé (il suffisait des les rembobiner pour les exposer ensuite à la lumière) pour ensuite les échanger avec ceux de couverture. Ces derniers contenaient soit des films non exposés ou des photos de RAF Gatow. Les équipages avaient également pour instruction de mettre le feu à l'avion, mais la méthode à utiliser n'était pas claire. Les échanges ministériels et officiels présents aux archives nationales considéraient souvent que la possibilité de perdre un Pembroke à cause de problèmes moteur était insignifiante, car il s'agissait d'une machine bimoteur. Néanmoins, les équipages eux-mêmes mentionnaient souvent les piètres performances du Pembroke sur un moteur, particulièrement lorsque l'avion volait presque au poids maximal admissible au décollage, comme c'était le cas pour les avion équipés pour l'opération. Dave Clark ajoute quelle alternative aurait également été utilisée pour rendre l'opération niable en cas d'atterrissage forcé : « Une histoire de couverture prétendait que nous transportions une pièce de rechange urgente à Berlin et que nous avions emprunté le seul appareil disponible, qui était justement celui équipé avec des caméras. » Peter Jefferies explique le travail de fond destiné à garder la tromperie plausible : « La paperasse appropriée de la RAF devait accompagner la pièce de rechange, mais cela aurait impliqué le Movements Squadron de Wildenrath. Pour éviter cela, une compétition se développa au cours des années parmi le personnel autorisé de l'Opération "Hallmark"; c'était à qui pourrait le mieux imiter les différentes signatures des officiers du Movements Squadron. »

Et les Soviétiques ?

Pembroke Les deux trappes ventrales faisant saillie sous le ventre d'un Pembroke du Squadron 60 peuvent être clairement observée sur cette vue. Le carénage rectangulaire situé entre elles et commun à tous les Pembrokes photo de l'unité, demeure non identifié. © DR.

The two camera hatches protruding under the belly of a Pembroke from No 60 Squadron can be clearly observed on this underside view. The rectangular fairing between them, common to all photo Pembrokes of the unit, remains unidentified. © DR.
Corridors Est-ce que les Soviétiques avaient conscience de ce qui se passait ? Certainement. Il existe une anécdote qui indique que les Russes avaient une idée très claire des vols de reconnaissance des C-130 américains le long des couloirs. Tous les signes étaient là et les Soviétiques n'auraient probablement pas pu manquer de les remarquer, comme nous a déclaré le pilote Brian King :
« J'étais en congé avec ma famille à Berlin-Ouest. J'ai entendu le son familier de moteurs et j'ai levé la tête pour apercevoir un Pembroke exécutant un circuit de reconnaissance photographique au-dessus de la ville. » Andy Scott précise également qu'une fois,
« un Permbroke survola Rheindhalen pour prendre quelques photos des bâtiments du QG. Alors qu'il passait au-dessus, on pouvait voir les trappes ventrales ouvertes ainsi que le mouvement de l'obturateur d'une caméra en action, aussi je ne pense pas que nous ayons jamais trompé les Russes ! » Phil Chaney se souvient d'une autre occasion : « Une semaine avant la Noël, nous avons vu devant la tour de contrôle d'un aérodrome situé dans le couloir central (2) les mots "Happy Christmas" tracés dans la neige épaisse en temps voulu pour le survol de routine d'un Pembroke. » Phil Chaney évoque aussi un contact avec les Soviétiques vers 1980 : « Je me souviens d'un concours de fléchettes au mess des officiers de Gatow un soir, contre des membres du BASC (Américains, Britanniques, Français et Soviétiques). Alors que je jouais contre le colonel russe, il se tourna vers moi et me demanda très lentement si j'étais en visite sur "le Pembroke" et puis fit un clein d'oeuil ! » Il y a eu des "quasi-accidents" (near-misses), mais ceux-ci résultèrent généralement d'accidents plutôt que d'actions délibérées. Cependant, lors de périodes de tension accrue, soit à Berlin même ou sur le plan international, il y eut des "interceptions" de Pembrokes qui auraient pu avoir des conséquences catastrophiques : « Je me souviens d'avoir parlé une fois à un équipage de Pembroke très choqué. Ils avaient volé tout près de l'aérodrome de Werneuchen (sur le bord est de la Berlin Control Zone) où étaient basés des "Foxbats" soviétiques. Alors qu'ils prenaient des photographies, un "Foxbat" a surgi juste devant leur nez lors d'une montée rapide initiée sous leur appareil. Ils eurent de la chance de ne pas entrer dans son sillage car cela aurait pu les faire crasher. Je pense que cet incident était intentionnel. »

Interception

XF799 XF799 Un des plus sérieux cas de harcèlement rencontré par un Pembroke fut en fait un accident. Le 17 janvier 1972, le XL954 fut intercepté par trois MiG-17. Rob Fallon, l'un des navigateurs impliqués a décris à quel point le Pembroke volait près du bord du couloir sud quand soudainement il a commencé à être secoué alors que des MiG faisaient des passages très proches en succession rapide. « La trafic radio est immédiatement devenu frénétique et nous furent redirigés sur notre fréquence discrète. Le pilote abaissa le train d'atterrissage ainsi que les volets tout en ralentissant le XL954 près de sa vitesse de décrochage, tandis qu'il nous ramenait vers le centre du couloir. Entretemps, le second navigateur s'activait à l'arrière, rebobinant les films en vue de les voiler, s'attendant à ce que nous soyons obligés d'effectuer un atterrissage forcé. Notre couverture semblait tout à coup bien mince. J'avais lu divers ouvrages d'Alexandre Soljenitsyne à l'époque et je m'imaginais que, même en ayant beaucoup de chance, nous pourrions bien nous retrouver en Sibérie pour très longtemps ! Les MiG-17 ne pouvaient pas rivaliser avec notre vitesse si lente, aussi ils se mirent à tourner en rond afin de rester avec nous. Peu après, un autre appareil, en l'occurence un MiG-21 nous a rejoint. Il volait suivant un cap opposé plus bas et nous étions suffisamment proches pour voir le pilote qui nous regardait en faisant des signes. Nous pouvions facilement voir ses missiles attachés sous les ailes et il était vraisemblablement à 600 mètres. Le contrôleur radar nous parlait constamment et surveillait l'approche des MiG. De plus, nous captions les conversations des équipages des deux types d'appareils qui parlaient en Russe. Tout cela était une première pour les gens du renseignement car ils pensaient alors que tous les avions en couverture aérienne (CAP) au-dessus de la RDA étaient de nationalité est-allemande. Suite à cet affaire, nous avons reçu des excuses via le Centre de sécurité aérienne de Berlin (BASC). L'excuse des Soviétiques pour cet incident précisait qu'un opérateur radar en formation qui surveillait les couloirs avait mal identifié un avion en estimant qu'il avait une vitesse sol apparente de 1100 km/h. En vérifiant les plans de vol vers Berlin, le seul avion dans les parages était un bimoteur de la RAF et le stagiaire a supposé qu'il s'agissait d'un des nouveaux Phantom de la RAF qui entamait une attaque sur Berlin pour commencer la troisième guerre mondiale ! On nous a informé que nous n'avions pas été abattus ou forcés d'atterrir parce que le premier MiG-17 en CAP qui nous avait "buzzé" avait averti son contrôle que nous n'étions pas un Phantom et que peut-être ils devraient revérifier. » Le rapport de l'incident figurant dans le Livre des opérations de RAF Gatow mentionne : « Cet incident a été rapporté au BASC et plus tard, le Chef contrôleur américan qui surveillait le couloir sud a obtenu de la part du Chef contrôleur soviétique un aveu d'erreur et des excuses. Cette réaction fut unique car c'est la première fois dont on se souvienne avoir obtenu des excuses de la part des soviétiques au BASC. »

L'Andover entre en scène

Andover On parlait d'un remplaçant pour le Pembroke depuis le début des années 70 mais ce n'est pas avant les années quatre-vingts que l'Andover fut finalement sélectionné. Deux avions furent choisis pour la conversion, cependant, seul le XS596 fut modifié (ce dernier est par la suite devenu l'appareil "Open Skies"). Le programme pris quelques années de plus que prévu pour aboutir à cause de difficultés rencontrées lors de l'intégration de l'ensemble des nouveaux capteurs sur l'Andover. L'avion fut livré à l'escadron durant l'été 1989 mais il nécessita d'autres modifications à Wildenrath. Ces dernières comprenaient l'installation d'une fausse cloison et de sièges dans le compartiment arrière. Ainsi, lorsque les portes de soute de l'Andover étaient ouvertes, ce dernier semblait être configuré pour le transport de passagers. Les vols opérationnels débutèrent au début de 1990, après la chute du mur. Les missions de Pembrokes et d'Andover se chevauchèrent en support de l'Opération "Hallmark", les derniers vols de Pembroke étant enregistrés en mars 1990. Le 7 décembre 1989, l'ancien Chancelier Willy Brandt fut transporté jusque Berlin par le Squadron 60. Lorsque le mur fut érigé en 1961, Brandt était le maire de Berlin-Ouest et il avait promis de revenir pour le voir démantelé. Le Squadron 60 a pu l'aider à garder cette promesse. Paul Hickley a décris les derniers mois d'activité : « Nous avions virtuellement cessé les opérations en août 1990. Pour autant que je m'en souvienne, ce n'est pas que l'opération fut officiellement annulée, mais plutôt que les ordres de mission se tarissaient car l'opération était devenue sans objet avec la réunification allemande imminente. » L'Opération "Hallmark" fut officiellement terminée le 30 septembre 1990. Cependant, le dernier vol complet pris une tournure inattendue. Phil Chaney, le commandant du Squadron 60 explique : « Notre dernier vol "Hallmark" eut lieu le 6 septembre 1990. Le décollage avait été retardé parce que l'armurerie de RAF Wildenrath était en feu. Nous sommes finalement partis à Berlin le long du couloir (qui était alors devenu une voie aérienne civile). Nous avons suvolé à notre retour le site de l'armurerie qui était désormais une ruine fumante sans toit, en exposant ainsi nos derniers mètres de film. Ces derniers bouts de film de l'ultime "Hallmark" furent déclassifiés et mis à disposition du président de la commission d'enquête sur l'incendie. Il fut étonné de constater que des images d'une si bonne qualité soient disponibles pour aider son enquête. » Il semble que l'Opération "Hallmark" a gardé quelques-un de ses secrets - si ce n'est pour les Soviétiques - jusqu'à la fin.

© Dr. Kevin Wright

Merci à Brian King, Dave Clark, Dallas Payne, Phil Chaney, Paul Hickley, Andy Scott, Rob Fallon, Peter Jefferies, the Medmenham Collection, RAF Air Historical Branch, MAcr Rick Cooke et la 60 Squadron Association pour leur temps et leur grande patience.

Cet article a été publié initialement dans le numéro de mars 2011 du magazine "Aircraft" chez Ian Allan Publishing. Avec tous mes remerciements à Kevin Wright, auteur et Ben Dunnell, éditeur. De plus, il a été mis à jour avec des extraits de l'ouvrage de Kevin Wright et Peter Jefferies intitulé "Looking Down the Corridors" publié en 2015 (voir > Multimedia).

Paul Hickley, ancien navigateur avec le 60 Squadron, a écris un livre intitulé "Holding to the Heavens" à l'occasion du centième anniversaire de l'escadron en 2016. Il nous a aimablement permis de télécharger les chapitres concernant l'Opération Hallmark. Vous pouvez les consulter > ICI.
Vous trouverez tous les détails relatifs à cet ouvrage dans la section Multimedia.

> Visualisez la BCZ et les couloirs aériens de Berlin sur Google Earth en téléchargeant le fichier "Luftraum Berlin und DDR 198x".
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notes

(1) BAOR : British Army Of the Rhine
(2) Mahlwinkel


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