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Les années 80
La côte de la Mer Baltique vue depuis un Il-28 du 65.OBAE en 1985. © O.Kozlov.
The Baltic Sea shoreline seen from an Il-28 of the 65.OBAE in 1985. © O.Kozlov.
Lors de l'arrivée d'Oleg Kozlov au 65.OBAE en 1983 (1) , les conditions de vie étaient plutôt agréables mais
apparemment pas aussi relâchées qu'à la fin des années 80. Des bains avaient été aménagés dans le sous-sol
du bâtiment d'état-major car le commandant de l'unité, le Lieutenant-Colonel Nosov, étant un grand adepte de la chose. Le chauffage des bains commençait tous les samedi
matin, si bien que la température de la vapeur atteignait au moins 120 degrés en soirée. La discipline n'en était pas moins présente. Tous les matins, le personnel
de l'escadron se retrouvait sur le stade pour une séance d'entraînement physique. Il y avait trois sessions de vols par semaine. Les Il-28 ne disposant pas de l'air
conditionné, il y faisait glacial en hiver et leur cockpit faisait office de sauna en été lorsque la température pouvait atteindre plus de 45° !
Il faut dire que les séances de remorquage au-dessus du champ de tir duraient une heure et demie. Lorsque la cible était lâchée derrière son cable ou récupérée, la
vitesse de vol devait être conservée avec une marge de plus cinq ou moins dix km/h, sous peine de blocage du treuil ou d'extension de la cible derrière l'avion à une
distance ne correspondant pas à celle calculée. De plus, le treuil étant entraîné par le réacteur droit, ce dernier devait tourner à un régime strictement défini. Ainsi, le pilote
devait-il voler pendant 10 à 15 minutes avec le réacteur droit au régime presque nominal (pour le treuil) et le réacteur gauche au ralenti (pour conserver la vitesse adéquate lors
de la phase de déroulement ou d'enroulement du câble). Palonnier et manche restaient braqués à fond à droite pendant toute la durée de la manoeuvre afin de compenser la dissymétrie de poussée...
Un Il-28 du 65.OBAE saisi à l'atterrissage à Damgarten. © O.Kozlov.
An Il-28 of the 65.OBAE landing at Damgarten. © O.Kozlov.
Le compteur mesurant la distance de déroulement du câble - 1.000 à 1.800 mètres - n'étant pas des plus fiables, la longueur déroulée était calculée au chronomètre.
Le mitrailleur-opérateur radio (VSR) situé dans la queue était aux premières loges pour assister aux tirs qui passaient plus ou moins près de la cible... ou de l'avion.
Lorsque la cible était complètement détruite, il était nécessaire de couper le câble pour se débarrasser de ce qui en restait.
Un coupe-câble se trouvait à cet effet dans la soute à bombes avec le treuil.
Oleg Kozlov a eu également l'occasion de larguer des "cibles plongeantes" (sans doute de type PM-6) depuis l'altitude de 12.000 mètres au profit de la chasse, ainsi que
bien entendu des cibles de type M6. Il était impératif pour les pilotes de chasse de toucher ces dernières afin d'obtenir une évaluation positive. Les chasseurs se présentaient
individuellement pour un tir missile selon un intervalle de temps prédéterminé. Le pilote de l'Il-28 larguait une cible M6 et attendait que le chasseur abatte - de préférence -
cette dernière. Il se présentait à nouveau pour larguer une seconde cible et ainsi de suite, jusqu'à la douzième. Il fallait ensuite ravitailler ou envoyer une autre machine
pour l'escadron de chasse suivant. Au cours de l'hiver 1985-86, soit quelques mois avant le retrait des Il-28, les biplaces devinrent indisponibles. Aussi, les pilotes dont le syllabus d'entraînement
était incomplet furent envoyés à Kunmadaras en Hongrie ou était stationnée une autre unité de remorqueurs de cibles disposant d'un Il-28U encore en état. Les 74 et 65.OBAE furent dissous
en novembre 1986, mais ce dernier fut reformé avec une structure différente et rééquipé de MiG-23M.
En 1989
Un Il-28 du 65.OBAE avec le badge "otlitchniy samaliot" sur le nez. © N.Choumilov.
An Il-28 of the 65.OBAE with the "otlichniy samolet" badge on the nose. © N.Shumilov.
La vie au sein du 65.OBAE à la fin des années 80 était, selon le témoignage d'un vétéran en fin de carrière qui y fut affecté en 1989,
plutôt confortable ("comme dans un sanatorium"). Auparavant, seuls des Majors méritants y étaient affectés mais de plus jeunes pilotes arrivèrent à l'unité à
cette époque - faut-il y voir une conséquence du passage programmé sur Su-25 un an plus tard ? Les manoeuvres réalisées avec les MiG-23M n'étaient pas complexes (leurs réservoirs fuyaient
et le radar était bloqué par un câble) et elles étaient calquées sur les procédures utilisées par les pilotes de reconnaissance. Contrairement aux pilotes de chasse
locaux, les remorqueurs - ou faudrait-il dire les "cibleurs" dans la mesure où les MiG-23 ne pratiquaient plus le remorquage -
pouvaient voler au-dessus des eaux internationales de la Mer Baltique, ce qui leur permettait non seulement de rencontrer et de voir parfois
de très près des appareils de l'OTAN, mais également d'apercevoir les plages du sud Danemark pendant la journée ainsi que les panneaux publicitaires lumineux de
Copenhague pendant la nuit ! Le 65.OBAE étant directement subordonné à la 16.VA, il ne dépendait de personne à Damgarten. Aussi, ses équipages ignoraient-ils les
activités de la garnison locale telles que les vacances sportives ou les sessions volontaires hebdomadaires du samedi, auxquelles ils préféraient les parties de
chasse et de pêche. Lorsque les pilotes étaient en service mais qu'ils ne volaient pas, ils préparaient les prochaines activités pendant deux heures avant de s'adonner
ensuite à, par exemple, trois heures de volley-ball, alors que les pilotes du 773.IAP marinaient dans les bâtiments d'état-major toute la journée.
Tandis que toute la garnison devait pratiquer des courses à pied hebdomadaires obligatoires entre le centre de maintenance (TECh) et le corps de
garde (KPP), ceux du 65.OBAE buvaient tranquillement de la bière. Chez eux, le sport comme la course à pied ou la natation dans la baie de Damgargen était plutôt pratiqué sur une base volontaire.
D'un point de vue territorial, ils étaient sous la responsabilité du commandant de Damgarten, mais ce dernier ne pouvait rien faire d'autre que les sermonner.
Un sanglier tombé victime d'un pilote du 65.OBAE ! (région de Stralsund en 1987). © "Dersu".
A wildboar 'shot down' by a 65.OBAE pilot! (Straslsund area in 1987). © 'Dersu'.
Vue partielle d'une formation composée de la totalité des appareils du 65.OBAE et du 125.OBAZ avant le survol de l'aérodrome de Damgarten à l'occasion du retrait des MiG-23M
au profit de Su-25BM. © "Dersu".
Partial view of a formation composed of all the aircraft of the 65.OBAE and the 125.OBAZ on their way to overfly Damgarten airbase befrore the
withdrawal of the MiG-23M. © 'Dersu'.
La structure du 65ème escadron autonome d'aviation de remorquage était à cette époque assez particulière. La première section d'aviation (aviazveno ) était
composée de quatre pilotes, tandis que la seconde ne comprenait que deux pilotes d'expérience chargés des missions spéciales. L'unité disposait de son propre chef des vols,
d'un officier politique, d'un docteur ainsi que d'une compagnie autonome de maintenance d'aviation (ORATO). Il y avait de plus une section autonome (125.OBAZ) subordonnée
au commandant de l'escadron et qui était surnommée par les autres oboz (prononcer "obaz" - wagon). Cette dernière avait son propre chef navigateur,
son officier politique et même son docteur. Le 65.OBAE était placé directement sous les ordres du commandant en chef de la 16.VA, le Général Tarasenko. Contrairement à
ses subordonnés, il était apprécié par les pilotes. Son adjoint Boursakov, responsable de l'entraînement au combat et un inspecteur de Wünsdorf visitaient l'escadron
une fois par mois et profitaient de l'occasion pour faire le plein de brèmes fumées. Le personnel se rendait également une fois par mois à Wünsdorf à la réunion du Conseil de l'Armée.
Il y avait 12 MiG-23M/UB en ligne. Ils portaient des codes de couleur rouge librement attribués par l'unité. Quelques avions furent ornés d'un blason jaune représentant des ailes
et une cible M6 en son centre. Trois sessions de vols (+ deux parties de chasse et de pêche, une beuverie zum Wohl ("A votre santé !") et deux ou trois beuveries mineures
dans la datcha de l'escadron - une remorque) étaient organisés chaque semaine. Sept à huit monoplaces ainsi que un à deux biplaces assuraient les missions.
Une ou deux machines se trouvaient en maintenance.
Fin 1989, les MiG-23 furent retirés du service. Cependant, le personnel entama un programme de conversion sur Su-25 et en mai 1990,
de nouveaux Su-25BM furent livrés directement de Tbilissi.
Une année nonchalante devait encore passer avant que les campagnes de tir ne cessent et que les pilotes soient dispersés dans d'autres unités de combat où ils
allaient de nouveau devoir mitrailler, bombarder, exécuter des manoeuvres complexes et répondre aux alertes. Mais la période passée à Damgarten resta pour beaucoup d'entre eux à jamais gravée
dans leur mémoire comme l'une des meilleures affectations de leur carrière.
Ces récits étant basés sur deux témoignages succincts, ils doivent être pris avec toutes les réserves qui s'imposent.
notes
(1)
Le Capitaine de la garde Oleg Kozlov est sorti breveté de la BVVAUL (Ecole supérieure d'aviation militaire pour pilotes de Barnaul) en 1973, où il vola sur L-29 et Il-28.
Sa première affectation fut pour le 37.OSAE (escadron autonome mixte d'aviation) à Tolmatchevo dans la région de Novossibirsk. Il abandonna les Il-14
de cette unité pour passer sur Il-28 au 22.OBAZ en 1980. Cette section autonome de remorquage était subordonnée au 37.OSAE et se trouvait basée elle aussi à
Tolmatchevo. En mai 1983, il était muté au 65.OBAE à Damgarten. Il fut promu pilote de première classe l'année suivante et reçu ensuite le commandement d'une
escadrille du 65.OBAE. Après le retrait des Il-28 en 1986, une promotion comme inspecteur des vols lui fut offerte, mais il put continuer à voler en unité sur
Yak-28PP au 931.OGRAP à Werneuchen (voir > Les armes spéciales ). En 1989, alors qu'il avait accumulé plus de 3.500 heures
de vol, Oleg Alekseyevitch Kozlov était versé dans la réserve, mobilisable sur tout type de bombardier. La perestroïka (restructuration)
et la fin de l'URSS empêchèrent la poursuite de sa carrière dans la flotte aérienne civile (GVF). Il vit maintenant en Allemagne à Hamburg.