T-64 Des véhicules de combat d'infanterie BMP-2 ainsi que des chars T-64 sur un champ de manoeuvre en RDA. © Amicale MMFL .

Infantry fighting vehicles BMP-2 and T-64 tanks on a training ground in the GDR. © MMFL Association.
Dès février 1988, la décision est prise de retirer les troupes d’Afghanistan. Le retrait, effectif en 1989, se fera en bon ordre et le gouvernement pro-soviétique restera en place trois ans jusqu’à l’effondrement de l’Union des républiques socialistes soviétiques. Le 9 novembre 1989, c’est la chute du mur de Berlin. Un an plus tard, la réunification allemande est en marche. Désormais les forces d’occupation soviétiques en RDA et dans les autres pays du pacte de Varsovie sont stationnées au sein d’états ayant retrouvé leur souveraineté. Le 12 septembre 1990, l’accord baptisé 2 + 4 est signé. 2 pour RFA et RDA, 4 pour les trois alliés historiques Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et l'URSS. Il faut imaginer la difficulté d’un tel accord. L’URSS est en phase de désintégration. L’Ukraine et la Biélorussie veulent récupérer une partie des troupes du GFSA. La RFA est prête à payer mais l’URSS demande environ 36 milliards de DM. Le problème du démantèlement nucléaire et de la sécurité des convois est à peine évoqué, et pourtant la plus formidable opération logistique de tous les temps va commencer, sans catastrophes majeures. Si on avait des doutes quant à la capacité soviétique à faire mouvement, ces doutes peuvent désormais être levés. 12 milliards sont accordés par la RFA pour la construction de logements en URSS. La plupart ne seront jamais construits. Des trains de matériaux de construction disparaissent entre la Pologne et l’Ukraine, ou arrivent quasiment vides. De nombreuses casernes sont démantelées. Tout y passe, tuyauterie, sanitaire. En 1991-1992, alors que je suis de retour dans l’ex-RDA, j’irai revoir des installations en cours d’abandon, avant que tous les accès ne fussent interdits. La destruction sur place de 2.500 blindés est effectuée. Il est envisagé la destruction de 75.000 tonnes de munitions. Mais l’essentiel des matériels et des troupes est progressivement rapatrié dans une opération Overlord à l’envers. Les missions de Potsdam parcourent des camps immenses désormais ouverts et survolent des concentrations de matériels inimaginables. Un régiment de "Hind" se pose quelque part en Biélorussie faute de carburant et les pilotes attendront des semaines avant d’être rapatriés, couchant comme des vagabonds dans leurs machines, ne voulant pas les abandonner. Des familles ne trouveront jamais les logements promis; des régiments sont dissous; des matériels sont stockés à l’infini en Ukraine et en Biélorussie (ils le sont encore aujourd’hui) qui récupèrent environ 11 à 12% des forces du GFSA. Il est plus facile de déplacer les forces aériennes mais le démontage de milliers de matériels radars et d’infrastructure prendra du temps. Pourtant, et malgré la déliquescence de l’état central, globalement le retrait s’effectue dans l’ordre et la dignité. Cependant, la Pologne refuse le transit ferroviaire vers l’URSS. En conséquence, le gros des forces transitera par les ports de la Baltique, à bord de ferries et notamment à partir de Rostock (1).

Les autres négociations de retrait

Su-17 Des Su-17M4 du 20.GvAPIB à Gross Dölln fin prêts pour le grand départ en 1994. © Amicale MMFL .

Su-17M4 of the 20.GvAPIB at Gross Dölln ready for departure in 1994. © MMFL Association.
« Le retrait des forces de Tchécoslovaquie et de Hongrie pose moins de problèmes, en raison de leur moindre effectif. Le 26 février 1990, un accord Gorbatchev-Havel confirme les plans établis par les négociateurs. Il est aussitôt mis en œuvre et conduit à bien grâce à l’efficacité des cheminots tchèques. Le transfert de 60.000 tonnes de munitions présente quelques difficultés. Les problèmes de propriété immobilière et de finances seront réglés en août-septembre 1991. Malgré un certain climat antisoviétique, les trains soviétiques portent des pancartes « Good bye Czechoslovakia ». En Hongrie, un retrait partiel a eu lieu en septembre 1989. L’accord définitif est signé le 10 mars 1990. Les négociations achoppent sur les dommages causés à l’environnement et sur le coût des batiments construits sans autorisation. Un comité mixte est créé pour régler ces difficultés. Les Soviets réclament 53 milliards et les Hongrois 80 milliards. Un renoncement mutuel est conclu le 11 novembre 1992 entre les Présidents Eltsine et Antal. Comprise dans le plan de retrait de Gorbatchev, la Pologne commence à négocier en février 1990. Un retrait partiel a lieu en septembre 1990 et les négociations se poursuivent en décembre. Les Polonais font des difficultés pour le transit du GFSA et se plaignent de la dégradation de l’environnement et de la contamination chimique. Il faut redévelopper les propriétés évacuées par les Russes et restaurer l’environnement. De leur côté, les Soviétiques demandent 400 millions de dollars pour avoir libéré la Pologne! La Pologne propose alors l’option zero et un accord est signé le 22 mai 1992. In fine le général Ostrowski note que 50 ans de présence soviétique ont créé une certaine accoutumance. Alliance pour les uns, occupation au nom de l’Alliance pour d’autres, certains y ont vu des avantages sociaux, politiques et économiques. Cependant la dépendance de la Pologne envers l’URSS a été totale et la contribution financière élevée. » Extrait des notes du général Faivre du 1er juin 2006, avec l’autorisation de l’auteur, qu’il a bien voulu me confier, et qui a écrit un article de fond remarquable sur le sujet et notamment sur les négociations pour le retrait des forces en Allemagne.

Peace Pour les militaires et la plupart des civils, qu'ils soient de l'Est ou de l'Ouest, l'ennemi était en face et c'était lui l'agresseur potentiel. Mais le souhait dominant était de vivre en paix... Cette fresque étonnante était située en face de la base aérienne de Parchim, proche de l'entrée d'un terrain de manoeuvre. © H.Mambour.

For the military and most of the civilian, be they from the East or from the West, the potential aggressor was on the other side. The general will was however to leave in peace... This astonishing fresco was situated next to Parchim airbase, near the entrance of a ground training range. © H.Mambour.
Ainsi, l’immense marée des forces soviétiques qui a libéré dans un premier temps l’Europe de l’Est en 1945 pour chasser le nazisme et qui l’aura occupé pendant un demi-siècle a pris fin en septembre 1994. La guerre froide aura duré le temps de la moitié de ce siècle qui connu deux guerres mondiales et des bouleversements dont les répliques sont celles que nous vivons aujourd’hui. Cette présence qu’on le veuille ou non a marqué les peuples de l’Est comme elle aura marqué les officiers et les hommes des différentes armées soviétiques qui se sont succédés, surtout en RDA. Il faut reconnaître un fait majeur, et rendre justice au peuple russe. Ce peuple malgré les discours miltaro-bolcheviques ne s’est jamais engagé au dehors de ce qu’il considérait comme les marches territoriales de sa sécurité. Afghanistan exclue. Leur souci sécuritaire fût bien réel. Le maintien des régimes communistes fût l’une de leurs erreurs qui a entraîné leur propre effondrement. Sans oublier les horreurs staliniennes. Mais les Etat-Unis se sont engagés beaucoup plus avant dans la volonté de diriger le monde. Vietnam, Irak, Afghanistan. C’est un fait. Pour avoir croisé, observé, vécu pendant cette période de nombreuses années, de 1971 à 1992, à Berlin, en RDA et en Pologne, j’ai un regard plus apaisé. Face à une puissance militaire inégalée jusqu’à ce jour et apparemment menaçante, l’Occident a gagné sa bataille mais aurait-elle gagnée l’hégémonie, rien n’est moins sûr. Si c’est son unique objectif alors elle perdra sa guerre, comme l’ont perdu tous les systèmes qui n’ont pas su voir à temps les limites de leur orgueil.

BMP-3 BMP-3 conditionnés pour le départ final en juillet 1993. © Amicale MMFL .

BMP-3 prepared for the final departure in July 1993. © MMFL Association.

Je dédie cet article à l’adjudant-chef Philippe Mariotti de la MMFL, tué par la Stasi, le 22 mars 1984, en recherche de renseignement près de Halle-Saale en RDA.

Roland Pietrini est l'auteur de l'ouvrage "Vostok - Mission de Renseignement au coeur de la guerre froide". Voir > multimedia

> Le blog de Roland Pietrini

notes

(1) Le terminal de Mukran, à l'est de l'île de Rügen près de Sassnitz, fut également utilisé. Inauguré en octobre 1986, cet énorme complexe devait permettre le transfert rapide de troupes et de matériel par voie ferrée et ensuite par bateau essentiellement entre l'URSS (port de Klaipeda - anciennement Memel - en Lituanie) et la RDA. La construction de ce terminal permit de s'affranchir de la traversée du territoire polonais. Outre les pauvres infrastructures du pays qui ralentissaient le transit des trains militaires (quatre jours) et un paiement réclamé en devises de l'Ouest par les autorités polonaises, l'émergence du syndicat Solidarnosc au début des années 80 avait mis en doute la fiabilité de l'allié polonais. Cinq ferries furent construits spécialement pour cette tâche au chantier naval de Wismar. Ils possédaient une double coque afin de mieux résister à un torpillage éventuel et le fond de cale pouvait accueillir 300 soldats (600 en temps de guerre). La traversée durait 18 heures et les opérations de chargement/déchargement prenaient 4 heures.
Mukran de nos jours > ici.

Le retrait des forces soviétiques d'Europe de l'Est  < Part 1 < Part 2

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