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NAMFI : "Vitesse et Précision"

Hawk Hawk Séquence de tir d'un missile "I-Hawk" en Crète. © L.Schmitz.

Firing sequence of a 'I-Hawk' missile in Crete. © L.Schmitz.
En juin 1991 je m'embarque pour une période de tir sur l'ile de Crète en tant qu'officier de sécurité. Après de longues heures à bord d'un avion Hercules C-130, le personnel du peloton de tir débarque à la base de la NAMFI (NATO Missile Firing Installation), un polygone géré par l'OTAN où se déroulent les tirs réels des unités de missiles. Le lendemain, nous réceptionnons le matériel que les techniciens grecs mettent à notre disposition. Il serait en effet trop cher de déménager ses propres missiles. Les radars grecs sont notoirement défectueux et c'est avec surprise que nous procédons à tous les tests d'acceptation sans le moindre souci. Cela permet à la batterie de gagner plusieurs jours, prévus à l'origine pour réparer les pannes. Le second jour est consacré à un "dry run", une sorte de répétition au cours de laquelle les évaluateurs internationaux vérifient sans pitié la qualité de notre travail. Chaque erreur fait perdre des points. Vingt pourcent pour une faute grave ou un "major item" en panne, cinq pourcent pour un accessoire défectueux, un pourcent pour une petite erreur sans gravité et un quart de pourcent pour un "Misuse", comme l'usage d'un tournevis plat sur une vis en croix...

Hawk La chaleur sur le site est insupportable et la seule ombre à des centaines de mètres à la ronde est sous le lanceur de missiles, or nous devons attendre des heures que tous les systèmes soient prêts. Après avoir consulté les documents de sécurité, j'autorise l'équipe à se reposer sous le lanceur et nous disparaissons dans l'obscurité et la relative fraicheur. C'est alors qu'arrive un major américain. L'évaluateur est un géant de près de deux mètres à l'air peu commode. Je m'attends à une sérieuse réprimande et effectivement, il nous ordonne de sortir de là immédiatement. Mes hommes émergent de l'ombre avec un air repenti bien approprié, histoire d'amadouer l'évaluateur. Mais à la surprise générale, celui-ci exhibe un bocal en verre et se glisse à son tour sous le lanceur. Il en ressort un instant plus tard en riant. Dans le bocal, un scorpion énorme nous lance des regards pleins de haine... Le major, qui s'avère être originaire de Louisiane, insiste pour parler français. Mais son accent est tellement atroce que nous ne comprenons rien. Par politesse, je dis "oui" de temps en temps, espérant que ça tombe bien dans la conversation. Après quelques minutes, il sort deux parasols de sa jeep, me tape sur l'épaule et nous quitte en souriant. Nous lui adressons de grands signes d'au-revoir.

Hawk Le soir nous découvrons que l'équipe de tir a reçu une note exceptionnelle : "Excellent - 100%". Tous n'ont pas eu cette chance. Un réparateur radar a perdu des points car il mordait son crayon : "Misuse - lead pencils are not edible" (les crayons ne sont pas comestibles)! Un autre est tellement stressé qu'il tambourine des doigts le bord d'une console : "Misuse - a radar display is not a drum" (l'écran radar n'est pas un tambour)... Le troisième jour, les dieux du Hawk sont avec nous. Après une préparation rapide, le missile s'élance sur sa cible, un appareil sans pilote survolant la Méditerranée. La télémétrie indique un Kill. Le missile, dont l'explosif était désactivé, est passé à six pieds (deux mètres) du drone. C'est un résultat rarement atteint. Le Hawk n'est pas conçu pour impacter sa cible. Sa charge militaire est tellement efficace qu'on considère que l'objectif est détruit si le missile s'en approche à moins de 300 mètres! Le résultat final de l'unité est de 95,25%. Un score permettant à la batterie Alpha de confirmer sa réputation de meilleure batterie Hawk belge. Comme le tir s'est fait dans des délais très courts et que le C-130 ne revient qu'en fin de semaine, il ne reste à l'équipe qu'à fêter ses bons points. La traditionnelle "Missile Away Party" organisée dans un restaurant local est elle aussi une réussite totale : il paraît que les tables étaient jonchées de bouteilles d'Ouzo. Je ne peux pas confirmer, je ne me souviens de rien... Les jours suivants se déroulent la journée sur la plage et la nuit dans les nombreux bars locaux. Nous y découvrons que la ville touristique de Chania est envahie à cette époque d'étudiantes anglaises en quête de soleil et d'aventures...

TacEval OTAN

Hawk Le TacEval (Tactical Evaluation), c'est la guerre! Enfin, presque. Pendant une semaine, le bataillon tout entier accueille un détachement d'évaluateurs étrangers. Ceux-ci provoquent des "incidents" simulés selon un scénario secret. Dans tous les cas, à la fin du premier jour l'ennemi "Red Land" menace de passer à l'attaque et les batteries Hawk doivent quitter leurs sites pour éviter une frappe préemptive. Le déplacement se fait bien sûr de nuit et dans les conditions de temps de guerre. Tout est permis, pourvu que la sécurité des hommes soit préservée. A l'issue des combats (après la fin du monde par frappe nucléaire), le bataillon reçoit une note plus ou moins bonne en fonction de sa capacité à abattre les avions ennemis, quoi qu'il arrive. Le TacEval se prépare pendant de nombreux mois. Le Chef de Corps du bataillon exige la perfection! Comme la batterie Alpha est de toute façon la meilleure, notre commandant adopte une autre philosophie : "L'important n'est pas d'être les meilleurs. L'important est qu'ils croient que nous sommes les meilleurs...". Cela sous-entend une certaine arrogance qui nous convient parfaitement.

BCC La console principale du BCC du 43A à Brakel. © Collection M.Wyffels.

The BCC main console of the 43A at Brakel. © M.Wyffels collection.
Le village d'Essentho où se trouve le bataillon est un trou perdu. La veille du TacEval, les évaluateurs arrivent donc chez nous, à Korbach. Ils sont logés en partie dans les hôtels de notre belle ville (pour les plus gradés) et en partie dans notre confortable mess. Il faut dire que si les BCO belges sont généralement des lieutenants, dans les autres armées ce sont souvent des officiers supérieurs. Le soir même, la caserne connaît une joyeuse animation tandis que nous fraternisons avec nos collègues étrangers. Nous découvrons que les Américains supportent mal la délicieuse bière belge. Ce n'est pas la jolie major(e) qui déambule nue dans le couloir des douches qui va me contredire... Au même moment à Essentho, les bars sont fermés car tout le monde doit se reposer en prévision de cette dure semaine! Au petit matin, notre commandant de batterie propose gentiment de mettre deux minibus avec chauffeur à disposition de ces majors et colonels, pour faciliter leurs déplacements dans cette région inconnue. Du coup, nous saurons exactement quand ils comptent débarquer "à l'improviste" pour nous contrôler... Comme d'habitude, la "guerre" commence par quelques actes terroristes et dégénère très vite en conflit ouvert. La batterie est pour une fois à 110% du personnel et du matériel. Normal : ce qui manquait a été réquisitionné au 43e bataillon, l'autre unité Hawk belge. Les évaluateurs n'y verront que du feu. Vers onze heures, le High-Power Bravo tombe en panne. La pièce de rechange n'arrivera que dans une heure et voilà qu'un colonel allemand fait mine d'entrer dans le BCC. Pendant que je l'accueille poliment, mon adjoint retire discrètement l'ampoule rouge du panneau de situation. "Alles in ordnung?" demande le colonel. "Jawohl!" lui dis-je en désignant le panneau vierge de toute alerte. Après quelques minutes l'évaluateur s'éloigne satisfait.

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