Bill Burhans a servi comme officier de renseignement au sein de l'Equipe Air (Air Team) de la USMLM de Juillet 1971 à Juin 1975.
Il y est retourné en 1979 pour commander le Détachement n°16 du 7113ème Escadron d'activités spéciales (soit l'Equipe Air), partant à regret
au début du printemps 1980, après un désagréable incident commandité par les Soviétiques en Décembre 1979.
Il décrit pour nous une facette de la rotation des troupes d'appelés en 1972 qui se déroula (du moins croyais-t-on à l'époque)
à bord d'appareils de l'"Aeroflot".
Nick positionna notre véhicule parfaitement à la clôture, ce qui me permis de photographier une longue lignée de soldats en
uniforme montant les marches pour embarquer à bord d'un Il-18 civil aux couleurs de l'Aeroflot.
C'était la confirmation dont nous avions besoin, à condition que les photos soient utilisables. Les conditions étaient très
médiocres : lumière faible et brouillard au sol. Les techniciens du laboratoire photo avaient du pain sur la planche
pour les développer, car j'avais exposé un film Kodak Tri-X de 400 ASA qu'il fallut pousser à 6400 ASA.
Heureusement, nous avions la bonne personne pour mener à bien cette
tâche. Le Sergent Ken Rocheleau était un membre clé du labo photo de la USMLM. Il avait terminé récemment un tour de service à
l'Ambassade US de Moscou. Ken avait développé des techniques spéciales pour traiter les films critiques et les résultats
obtenus étaient toujours spectaculaires. Dans ce cas-ci, il avait pré-trempé le film avant d'entamer son traitement en respectant
strictement des procédures concernant le temps d'exposition et la température, qu'il avait déterminées et perfectionnées lui-même.
Même si les conditions dans lesquelles j'avais exposé le film de Grossenhain étaient très mauvaises, Ken sortis des photos
qui permirent de vérifier sans ambiguité ce que Nick Netter et moi avions observé visuellement. Nous avions notre confirmation.
Le rapport annuel de la USMLM pour 1972 le précisait d'ailleurs : "Cette observation a permis de lever presque
totalement tout doute à propos de l'implication des appareils de l'Aeroflot dans le programme de rotation des troupes du GFSA."
Bill Burhans
USMLM Unit History, 1972
ROTATION DES TROUPES DU GFSA EN GENERAL :
Les conscrits du GFSA sont relevés sur une base semi-annuelle, au printemps et en automne. Il a été estimé qu'environ 50% des conscrits
sont relevés annuellement. En 1972, le développement le plus significatif associé à la rotation des troupes, fut le pont aérien entre les
aérodromes soviétiques et l'Allemagne de l'Est. Des avions de l'Aeroflot ont transporté approximativement 47000 hommes, soit 20 à 30%
du nombre total estimé de soldats impliqués lors des deux phases de relève en 1972. Il n'y a cependant pas de preuve que le programme
des rotations du GFSA en 1972 ait changé de manière significative l'effectif total en Allemagne de l'Est.
ROTATION DE PRINTEMPS :
Les directives du Ministère de la défense soviétique concernant la conscription ont pris effet le 11 avril.
On estime que la rotation de printemps a impliqué environ 25000 hommes. Le premier train chargé de recrues fut observé le 19
avril et le dernier le 24 mai. Des avions TU-104 CAMEL, TU-114 CLEAT, AN-12 CUB et II-18 COOT de l'Aeroflot qui participèrent probablement
au pont aérien des conscrits du GFSA furent observés à l'atterrissage sur les aérodromes de Gross Doelln les 7, 9 et 30 mai.
Les avions du pont aérien ont aussi été utilisés sur les aérodromes de Grossenhain, Allstedt et Mahlwinkel; cependant,
aucune observation de la USMLM n'a été réalisée sur ces aérodromes lors de la relève de printemps.
ROTATION D'AUTOMNE :
Le support de l'aviation civile soviétique lors de la phase d'automne de la relève des troupes en 1972, a commencé le 6 novembre pour se
terminer le 22 novembre, après environ 200 vols aller-retour entre l'URSS et la ligne de front. Les aérodromes de Grossenhain, Gross Doelln
et Mahlwinkel furent utilisés par des Il-18, AN-12 et TU-114 en support de cette phase de la rotation semi-annuelle des troupes.
L'observation la plus significative fut réalisée le 7 novembre sur l'aérodrome de Grossenhain, quand un groupe de 50 à 60 hommes de troupe
fut observé à proximité immédiate d'un Il-18 de l'Aeroflot qui venait juste d'atterrir. Cette observation a permis de lever presque
totalement tout doute à propos de l'implication des appareils de l'Aeroflot dans le programme de rotation des troupes du GFSA.
Des trains vides furent observés dès le 23 octobre et le premier train chargé de recrues fut observé entrant à Wittenberg le 9
novembre. Le dernier train fut observé le 10 décembre se dirigeant vers le nord sur la ligne Satzkorn-Eiche.
L'une des unités basées sur cette plateforme était la 10ème Brigade d'aviation autonome à destination spéciale décorée de l'Ordre du
Drapeau rouge (10-ya Otdelnaya Krasnoznamennaya Aviatsionnaya Brigada Osobogo Naznatcheniya - 10.OABON) mise sur pied le premier juin 1960. Les avions de ligne
militaires qui assuraient des liaisons avec les "pays frères" étaient attachés à cette unité (2) - en 1978,
la brigade comprenait huit escadrons divers.
Cette dernière fut absorbée par la 8ème Division d'aviation à
destination spéciale décorée de l'Ordre du Drapeau rouge le 31 décembre 1981 (8-ya Aviatsionnaya Krasnoznamennaya Diviziya Osobogo Naznatcheniya -
8.ADON). Le mode de fonctionnement de cette unité a changé après la chute de l'URSS : les avions dont il est question dans cet article, incorporés au Détachement aérien n°223 (223-i Letniy
Otryad), effectuent désormais des vols à la fois de nature militaire et civile, mais nous sortons ici du cadre de ce site.
Lors de la guerre froide, les avions de ligne militaires portaient le schéma standard de l'Aeroflot. Certains avions cargo militaires comme les An-22 arboraient pratiquement
tous les marquages de l'Aeroflot (ce n'était cependant pas le cas au début de leur carrière). De même, vous aurez du mal à trouver un Il-76 de la VTA avec une étoile rouge sur la queue,
bien qu'il en existe quelques-un. D'autres, comme les An-12 (3), pouvaient être camouflés, mais
couverts avec les logos de l'Aeroflot ainsi qu'avec une immatriculation civile.
Revêtir des appareils militaires d'une livrée civile leur permettait de se rendre à l'étranger plus facilement. Lors de la Guerre des Six Jours en 1967,
un pont aérien fut mis en place pour soutenir les Etats arabes. Les avions cargo qui y participèrent le firent ainsi sous livrées civiles avec un drapeau rouge
sur la dérive plutôt qu'une étoile rouge. Cette pratique fut plus tard également adoptée mais à beaucoup plus faible échelle, par les pays communistes.
Aussi, les postes de commandement volants avaient gardé leurs marquages
"Aeroflot" (lire à ce sujet le paragraphe intitulé "PC volants" dans la troisième partie du chapitre "Le Transport & Sperenberg" > Lien).
La décoration ou les marquages civils des appareils militaires étaient à considérer comme une forme de camouflage ou une opération de déception.
Et cela a marché parfaitement à l'ouest ! Bien entendu, il y avait également des avions cargo porteurs d'un schéma de décoration purement militaire.
Toutefois, ces machines avaient souvent été revêtues des marquages "Aeroflot" auparavant. Sans aucun doute, cette opération de maskirovka
(déguisement ou déception) fut un grand succès !
De nos jours, les titres "Aeroflot" ont disparu, mais le schéma de base blanc, gris et bleu est resté. Lors de la traditionnelle Parade de la Victoire
qui s'est tenue le 9 mai 2014 à Moscou, nous avons pu constater que l'An-124 et les trois Il-76MD qui participèrent au défilé aérien au-dessus de la
Place Rouge, avaient hâtivement reçu une étoile rouge
à la place du drapeau russe. Le reste de la flotte de la VTA semble dorénavant suivre lentement cette nouvelle tendance. Hugo Mambour
(1)
Il n'y a pas de règle sans exception. Ainsi, certains appareils en service avec l'Aeroflot ont été transférés aux VVS (lire à ce sujet les légendes
des deux photos de Tu-114 en fin d'article). Ces avions-là ont donc connu une carrière civile, puis militaire.
Celà semble être le cas des appareils plus
anciens et/ou ayant été incorporés en petit nombre comme les Tu-114, tandis que la majorité des avions de ligne ou de
transport militaires l'ont toujours été. (2)
Ce sont ces mêmes appareils qui assuraient les liaisons régulières avec l'ancienne Allemagne de l'Est, notamment à Sperenberg, après la chute du
Mur de Berlin. (3)
"La plupart des An-12 militaires recevaient une décoration presque civile en usine, afin de simuler leur appartenance à l'Aeroflot."
(D'après Aviatsiya i Kosmonavtika, juillet 2010).
L'examen de photos et de videos prises au début des années soixante montre des An-12 couleur alu avec des marquages
militaires. De même, les premiers An-22 étaient peints aux couleurs militaires. Il semble donc que le camouflage de type "Aeroflot" fut introduit après le
milieu des années soixante et plus précisément sans doute après le pont aérien à destination des pays arabes lors de la Guerre des Six Jours, à l'occasion
duquel les appareils impliqués reçurent des marquages civils.