En face du bureau, se trouvait un
vieux divan dans lequel nous prîmes place, le restant de la délégation s’accommodant du peu d’espace restant. L’ambiance était
plutôt froide, pour ne pas dire glaciale. Lorsque le commandant nous demanda abruptement ce que nous voulions, la réaction de l’assemblée ne
fut assurément pas à la hauteur. Manifestement, eu égard de notre expérience en la matière, les choses se présentaient très mal!
Mais c’était sans compter avec Gaston Botquin. Ce dernier commença alors à sortir nonchalamment de sa sacoche quelques photocopies
d’articles autrefois publiés dans "Le Fanatique de l’Aviation", ainsi que quelques revues aéronautiques diverses. Les articles en
question avaient bien entendu fait l’objet d’une sélection adaptée à nos interlocuteurs : "Normandie-Niemen", "Yakovlev",
"Grande Guerre patriotique"; à l’évocation de ces noms mythiques, la banquise avait fondu en un clin d’oeuil !
Au détour d’une
photo dans un magazine, nous apprenions que l’avion préféré du commandant est le Phantom… Après s’être attardés quelques minutes
sur ces publications dont certaines furent offertes, nous exprimâmes nos attentes. Aussitôt, une escorte constituée d’un officier
de l’armée ainsi que de l’épouse d’un pilote faisant office d’interprète, nous fut assignée et nous partîmes sans plus
d'atermoiements vers la zone opérationnelle !
La visite commença très calmement par un petit hangar de maintenance isolé où se trouvait un Mi-8 solitaire. Bonne idée, car à
l’extérieur, stationnaient les deux Mi-24R de Sperenberg probablement sur place pour une ultime inspection avant le grand départ. J'en
profitai pour interroger un membre d'équipage présent afin d'essayer de déterminer la dénomination exacte de ce type de machine
de reconnaissance NBC. Ne parlant aucune langue commune, la conclusion fut mise par écrit : RKhR. Mais s'agissait-il là
d'une description des fonctions de la machine ou d'une appellation officielle, voire officieuse, cela restera une énigme. A
l'issue de cet épisode, la journaliste estimant avoir tout vu et tout compris nous quittais. Mais pour nous, la visite ne faisait
que commencer...
En effet, à proximité de ce hangar et sur le chemin menant à la ligne de vol, était parqué en quelque sorte le
symbole de Mahlwinkel, à savoir le très mystérieux Antonov An-12 "électronique" visible depuis les bois bordant la base. Après
avoir photographié ce dernier comme il se doit, nous avons passé en revue quelques Mi-8 positionnés sur le tarmac, dont deux
invités originaires du 113.OSAE. L'approche des "Hip" parqués dans l'herbe semblant poser problème, nous découvrions au
téléobjectif que certains d'entre eux étaient originaire de Stendal, car portant les vestiges du badge ornant auparavant bon
nombre de machines du 440.OVP BU local. Les Mi-24V et P du régiment avaient été sortis de leurs alvéoles et étaient sagement
alignés dans l'herbe, de part et d'autre du taxiway - ce regroupement était le prélude caractéristique à un départ prochain.
Etant tous bâchés, nous nous contentâmes de deux exemplaires
non couverts ainsi que de l'Iliouchine Il-76 de passage venu évacuer quelques tonnes de matériel. Mais nous n'étions pas au bout
de nos surprises...
Après un arrêt devant les monuments locaux tels qu'un lance-roquettes Katioucha et un repas à la stolovaya
(cantine) qui nous permit de déguster d'excellents pelmienis (raviolis russes) nous sommes retournés vers la ligne de vol, d'où nous
avons pu observer le taxiage de quelques Mi-24; il y avait en effet entraînement cet après-midi-là.
Ainsi se termina avec succès ce qui était au départ un voyage dans l'inconnu. Grâce à ce contact privilégié avec l'administration
communale locale, nous pûmes par la suite assister au départ du régiment, alors qu'aucun visiteur étranger ou local, si ce n'est
Herr Richter lui-même, ne se trouvait sur place. Même les spotters anciennement est-allemands y avaient renoncé - pour cause, la mauvaise
réputation de la base et de nombreux contacts hostiles - préférant aller cueillir les appareils de l'unité à Oranienburg où ils
firent escale, tout comme nous d'ailleurs dans la foulée !
(1) LUKO pour Luftraum-Koordinierungsstelle.
Service de sécurité aérienne issu des rangs de la Luftwaffe en charge, comme son nom l’indique, d’une mission de liaison
et de coordination pour l’ensemble des vols effectués par les aéronefs de combat russes - avions comme hélicoptères -
dans les cieux de la “Ehemalige DDR. Ce service exerçait également et de façon floue un contrôle du respect des normes
d’évolution édictées par les autorités de Bonn.