Bill Burhans a servi comme officier de renseignement avec l'Equipe Air (Air Team) de la USMLM de Juillet 1971 à Juin 1975.
Il est revenu en 1979 pour commander le Détachement n°16 du 7113ème Escadron d'activités spéciales (soit l'Equipe Air), partant à regret
au début du printemps 1980, après un désagréable incident commandité par les Soviétiques en Décembre 1979. Il se souvient pour nous d'une sortie réussie au champ
de tir de Retzow et dévoile par la même occasion les coulisses d'une photo de Mi-24A relativement connue.
Le Groupe des Forces Soviétiques en Allemagne (GFSA) constituait le groupe d'armées le plus important des Forces armées soviétiques.
Chaque nouveau système d'arme déployé hors des frontières de l'URSS faisait sa première apparition en RDA. Ainsi en fut-il pour le tout nouvel
hélicoptère de combat Mil Mi-24A "Hind-A" en 1973. Lors de mon séjour en tant qu'officier de reconnaissance sur le terrain, je me sentais à
l'aise lorsque nous étions actifs dans la Zone A. Celle-ci englobait la partie plate et forrestière du nord de la RDA. Il y avait moins de
concentrations urbaines en comparaison des parties industriellement développées situées au sud de Berlin. Par contre, beaucoup d'objectifs
présentant de l'intérêt pour l'US Air Force se trouvaient-là. Si j'avais maintenant sous la main les informations adéquates, je parierais que
la plupart de mes missions avec l'Equipe Air de la Mission militaire de liaison américaine (USMLM) se sont déroulées dans la Zone A.
Quoi qu'il en soit, je connaissais très bien le terrain et les objectifs situés au nord et j'ai eu l'occasion d'y mener à bien des missions de
reconnaissance qui en valaient la peine.
Drawing illustrating the Retzow former grass airfield and the firing range situated SSE of the runway.
Nous avions reçu la tâche de surveiller les activités aériennes à Mirow (Lärz), le terrain du 19ème Régiment d'aviation de chasse-bombardement de la garde situé
à environ trente kilomètres de Retzow. Nous décidâmes de dormir dans les bois de Stuer d'où on pouvait entendre si Mirow ou Retzow étaient actifs.
Notre patience fut récompensée le lendemain, lorsque des Mi-24A "Hind-A" basés à Stendal débutèrent un programme de tirs à Retzow, par une journée claire et
ensoleillée. Bien que ce nouveau modèle d'hélicoptère d'attaque qui constituait un objectif prioritaire avait déjà été vu, personne n'avait encore réussi à
observer ses tactiques de combat ni à réaliser des photographies de qualité technique satisfaisante montrant la cellule et son armement. Konrad et moi allions
changer cette situation. Nous nous déplacions à bord d'un Ford Bronco, notre véhicule préféré pour plusieurs raisons. La principale était le fait que ce
tout-terrain avait une forme et un profil qui se rapprochaient de ceux de la "Jeep" UAZ-469 dont le GFSA se rééquipait à cette époque. Nous avions l'habitude de
barbouiller les plaques d'immatriculation jaunes avec de la boue pour les rendre moins voyantes et, par la même occasion, masquer leur numéro afin de rendre
la tâche plus difficile aux services de renseignement adverses. De plus, chacun d'entre nous portait un couvre-chef en fourrure avec rabats qui ressemblait aux omniprésentes
chapka-ouchanka que portaient les hommes de troupe soviétiques. Autant d'éléments qui étaient susceptibles de nous faire passer pour des Soviétiques.
Le Ford Bronco était un véhicule 4x4 qui nous permettait de nous déplacer partout, mais il présentait un inconvénient : il était en effet nécessaire de
s'arrêter afin de commuter le centre des moyeux de chaque roue pour passer en mode tout-terrain. Ce défaut était de taille, particulièrement quand nous étions
pris en chasse et qu'il fallait s'enfuir en terrain mou pour échapper à la capture...
Lorsque les activités commencèrent à Retzow, nous avons rejoint Warenberg par des chemins détournés. Le temps était parfait. Nous décidâmes de nous positionner
à découvert afin d'obtenir les meilleures photographies possibles. Nous voulions simplement rester sur place jusqu'à ce que nous soyons forcés de partir.
Il y avait suffisamment d'espace pour s'échapper et les champs étaient secs et durs. Dans ces conditions, il aurait fallu tout un bataillon pour nous bloquer.
Non seulement Warenberg était proche du champ de tir, mais en plus, il était dans l'alignement des cibles. Nous nous sommes donc installés sur cette petite
colline pour entamer notre travail. Les hélicoptères nous survolaient à environ 180 mètres. Alors que la journée avançait, les équipages commencèrent même
à utiliser notre véhicule comme point de repère pour s'aligner lors des passes de tir. Le mitrailleur assis en place avant pointait souvent sa mitrailleuse
sur notre véhicule avant de viser les cibles du polygone. C'est ainsi que nous en sommes venu à penser que les équipages devaient s'imaginer que nous étions
une équipe de correspondents soviétiques présente pour immortaliser leurs exploits ! Nous avons exposé 34 rouleaux de films noir et blanc Tri-X (36 vues chacun)
et plus d'une douzaine de films diapositives Ektachrome. Personne n'est venu nous importuner de la journée. Nous avons pourtant dû abandonner la mission à un
moment donné. Non pas que nous avions été repérés et pris en chasse, mais nous étions tout simplement tombés à cours de munitions photographiques !
Est-il nécessaire de préciser à quel point je fus sidéré de découvrir un jour l'une de mes photos classifiées (illustrée ci-dessus à gauche, telle qu'elle apparaissait
dans le rapport d'information 1215-0129-75) quand j'arrivai à la page 267 de l'édition 1987-88 du Jane's All the World's Aircraft... C'était plus d'une décennie
avant que les archives de la Mission militaire de liaison américaine ne soient - partiellement - déclassifiées (1).
(1) Cette photo a été publiée dans différents livres et magazines aéronautiques occidentaux pendant le guerre froide.
D'autres photographies provenant des missions militaires de liaison furent également diffusées dans la presse spécialisée à cette époque. Etant donné qu'il s'agissait-là de documents
classés "secret défense", les circonstances inconnues qui ont permis leur publication restent interpellantes.