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Lorsque la Seconde Guerre mondiale pris fin en Europe, quatre unités de reconnaissance avaient atteint le territoire du Reich. Il s'agissait des 93. et 98.OKRAP, du 72.ORAP, ainsi que du 16.ODRAP, tous subordonnés à la 16.VA. Les 93. et 98.OKRAP disposaient d'un inventaire d'appareils assez similaires adaptés à leur mission de réglage d'artillerie et de reconnaissance, soit des Il-2KR, des Po-2 dont certainement des Po-2NAK ainsi que des Yak-9R ou D. La présence d'avions de chasse plutôt dédiés à l'attaque au sol était également possible. Ainsi, le 93.OKRAP qui fut formé sur la base du 25.OKRAE en février 1944, alignait deux Yak-9K aux côtés de sept Yak-9R en avril 1945. Le Yak-9K (K pour Kroupnokaliberniy - gros calibre) se distinguait par la présence dans le nez d'un canon NS-45 de 45mm et jouissait d'une capacité en carburant accrue. Dérivé du Yak-9T armé d'un canon NS-37 de 37mm, le Yak-9K ne fut construit qu'à raison de 53 exemplaires fabriqués en 1944 et il participa notamment aux opérations contre Berlin dont le 93.OKRAP portait le nom honorifique. Le Yak-9R (R pour Razvedtchik - reconnaissance) était un chasseur Yak-9 doté d'un appareil photo AFA-IM monté en position ventrale derrière le pilote et protégé par une trappe rétractable. Une autre version du chasseur de Yakovlev basée sur la cellule du Yak-9D (D pour Dal'niy - plus loin) avec un rayon d'action supérieur utilisait un appareil AFA-3s/50. Nous ne nous étendrons par sur les Il-2KR et autres U-2/Po-2(NAK), ni sur le 98.OKRAP, car ces sujets ont été abordés pour les deux premiers et largement étudié pour le troisième dans l'article intitulé "Carnets de vol" > Lien. Le stationnement du 93.OKRAP en Allemagne sera de courte durée. Basé à Topper (Ostbrandenburg) en avril 1945 puis à Oranienburg, l'unité quittait le pays en janvier 1946 pour Insterburg (de nos jours Tcherniakhovsk dans l'oblast de Kaliningrad).

Quant au 98.OKRAP, également présent en Ostbrandenburg sur le terrain de Warnitz (1) en avril 1945, sa présence se poursuivra jusqu'en 1991 lorsque, devenu après diverses péripéties le 931.OGRAP, ses derniers MiG-25 quitteront Werneuchen pour Welzow - les périodes Yak-27, Yak-28 et MiG-25 du 931.OGRAP sont étudiées dans les parties > 5, > 6 et > 7 de ce chapitre. Une troisième unité a occupé un terrain situé dans le Brandebourg oriental : le 72.ORAP "Petrozavodsk" a en effet atteint Wormsfelde (aujourd'hui Wojcieszyce), lui aussi en avril 1945. Ce régiment avait été mis sur pied en février 1939 à Besovets (Petrozavodsk en Carélie) en tant que 72.SAP (sur I-153 et SB). Transformé en 72.SBAP, puis en BAP, il pris en compte des bombardiers Pe-2 au début de 1942. Le 20 novembre, l'unité fut finalement redésignée 72.ORAP. En 1945, le régiment volait sur Petlyakov Pe-2R. Différentes versions de reconnaissance du Pe-2 ont coexisté en fonction des séries de production du bombardier. Certaines machines ont aussi été converties en unité. Cependant, les Pe-2R - simplement désignés Pe-2 dans les rapports d'unités - partageaient quelques caractéristiques entre eux. Afin de faciliter les prises de vue, un conservateur de cap gyroscopique AK-1 agissait sur les gouvernails de direction pour maintenir le cap avec une dérive limitée à 1 ou 2°. Le système permettait également d'exécuter des virages commandés par le pilote ou le navigateur. Les contrôles pour le bombardement en piqué étaient retirés et les aérofreins n'étaient pas montés en usine. Outre l'appareil photo AFA-B situé sous le poste du radio-mitrailleur à l'arrière et qui était par ailleurs monté en série sur les versions de bombardement, une ou deux caméras AFA-1, d'une focale de 30 ou 50cm, étaient installées dans la soute à bombes. Le montage de ces appareils volumineux nécessitait le remplacement des portes de soute par d'autres portes galbées présentant des découpes pour les appareils dont l'objectif dépassait à l'extérieur.

L'appareil AFA-B était parfois remplacé par un NAFA-19 pour la photographie nocturne, ce qui impliquait l'emport de 6 à 8 bombes éclairantes FOTAB-35 ou -50. L'opérateur radio avait aussi à sa disposition un appareil manuel AFA-27T-1 afin de prendre des photos en perspective depuis son poste. Des appareils AFA-3s ainsi que des caméras d'origine américaine reçues dans le cadre du programme prêt-bail ont également été utilisées. Des réservoirs supplémentaires fabriqués à base de papier traité avec du sulfate de cellulose et de la colle caséine étaient souvent montés sous les points d'emport situés entre les moteurs et le fuselage. On notera qu'il existait également une version de reconnaissance du chasseur dérivé du "Pechka", à savoir le Pe-3R. Yak-9R ou D et Pe-2R étaient complémentaires. Si le Pe-2 était plus efficace (meilleure visibilité, équipage à trois), le Yak-9 tirait son épingle du jeu dans les zones où la chasse et les défenses anti-aériennes étaient plus actives. Bien que rattaché à la 16.VA depuis décembre 1944, le 72.ORAP était une unité dépendant de la réserve de la Stavka (le haut commandement suprême). Il a rapidement déménagé pour Werneuchen en mai 1945 et il quittait définitivement le territoire allemand au mois de juillet de la même année. Le 16.ODRAP "Stalingrad" (régiment autonome d'aviation de reconnaissance à long rayon d'action) a suivi la même fin de parcours de guerre que le 72.ORAP en rejoignant lui aussi le terrain de Wormsfelde en avril 1945 pour ensuite se déplacer à Werneuchen en mai. Formé sur la base du 325.ORAE en décembre 1942 avec des Pe-2, le régiment était composé en 1945 du 1.AE volant sur Pe-2R, du 2.AE équipé de Pe-2R et de "Boston" (20 reçus en 1943) et du 3.AE armé de Yak-9D à long rayon d'action. Un rapport de juillet 1944 (> Lien) nous informe que ces chasseurs ont été utilisés pour la "reconnaissance sur le champ de bataille et le contrôle des routes adjacentes." A cette époque, neuf Yak étaient en état de vol, ainsi que huit Pe-2 et trois "Boston". Un C-47 a également fait partie des effectifs, réalisant 71 sorties de combat "loin sur les arrières de l'ennemi." Peut-être s'agissait-il de vols de soutien pour les partisans. Une proposition afin de transformer le régiment en unité de la garde a été soumise en janvier 1945 à l'état-major de la 16.VA, mais est restée sans suite (> Lien). En février 1949, le régiment était redésigné 886.ORAP. Deux ans plus tard, il prenait en compte des Tu-6 en remplacement de ses Pe-2R.

Les expérimentations ayant pour but de modifier des bombardiers Toupolev Tu-2 par ailleurs équipés par défaut d'un appareil AFA-B en avions de reconnaissance ont commencé en 1942 avec six machines. Ces versions devaient initialement emporter un réservoir supplémentaire de 750 litres installé dans la soute à bombes ainsi que deux caméras AFA-3s montées sur des châssis orientables latéralement également logés dans la soute dont les portes disposaient d'une trappe supplémentaire. Trois premiers appareils furent testés opérationnellement au sein du 2.APDR (régiment d'aviation de reconnaissance à long rayon d'action) entre décembre 1942 et janvier 1943. Au cours de l'été, d'autres Tu-2 furent modifiés pour servir toujours avec la même unité, laquelle a rejoint les rangs de la garde le 8 février 1943 pour devenir le 47.GAPDR (47.OGRAP en juillet 44). Une nouvelle configuration pour la reconnaissance nocturne désignée Yavor (Sycomore) fut testée pour la première fois durant l'hiver 1944-45 sur un Tu-2. Plutôt que d'emporter des bombes éclairantes qui ne permettaient que de prendre un nombre limité de photos, un ensemble de flashs aux filaments de tungstène remplaçables en vol était monté en soute, ce qui permettait de prendre davantage de photos. Si le développement du sytème se poursuivit jusqu'au milieu des années cinquante en vue de monter la version "Yavor-3" apparemment satisfaisante à bord des Il-28, aucun développement opérationnel ne connut de suite.

Ce n'est que fin 1945 que l'ensemle des équipements pour une version de série du Tu-2R fut finalement arrêté. Le système de pilotage automatique pour le bombardement en piqué RSI-6 n'était plus monté. On trouvait dans la soute à bombes un réservoir supplémentaire de 700 à 750 litres et deux caméras AFA-3s ou AFA-33 de différentes focales. Lorsque des appareils AFA-33 de grande focale étaient montés à l'arrière de la soute sur un châssis mobile AKAFU-156, un carénage aérodynamique démontable était ajouté autour des objectifs sous le ventre de l'avion. Hors de la soute et sous le poste du radio-mitrailleur à l'arrière, se trouvait l'emplacement d'origine de la caméra AFA-B. Celle-ci pouvait être remplacée par une AFA-IM ou encore une NAFA-3s ou une NAFA-19 pour les missions noctures. Dans ce cas, le réservoir de soute était remplacé par un ratelier PKD-2 sur lequel étaient fixées neuf bombes éclairantes FOTAB-35 ou -50. Il faudra attendre août 1947 pour que la version de reconnaissance du Tu-2 soit acceptée en service et qu'ensuite une véritable production en série débute non pas sous la désignation Tu-2R, mais sous celle de Tu-6, soit le premier appareil de reconnaissance dédié constuit en série en URSS. Faute d'informations précises, les services de renseignement occidentaux identifieront quant à eux ces appareils comme étant des Tu-2. Le 886.ORAP quittait Werneuchen en 1951, pour s'établlir à Schönwalde précisément le 5 juillet 1951 selon le BND. On retrouve ensuite le régiment à Oranienburg le 6 septembre 1951, où le personnel suit sa conversion sur Il-28 auprès du 24.BAP (parti en octobre). Le 886.ORAP sera ensuite basé à Altes Lager avec ses Il-28R entre le 23 janvier 1952 et le 21 février 1953, date à laquelle le régiment quittait l'Allemagne pour Jekabpils en Lettonie. En octobre 1951, c'était au tour du 48.OGRAP "Nijnednestrovsky" (Bas-Dniestr) de venir s'installer à Schönwalde après avoir quitté sa dernière base en URSS située à Voltchansk. Cette unité trouve ses origines dans le 40.BAP transformé en 40.ODRAP en décembre 1941, alors qu'il volait sur Pe-2 et Pe-3. Le 2 août 1943, il devenait le 48.GAPDR et finalement le 48.OGRAP en juillet 1944.

Les rapports de la CIA nous renseignent sur les activités de remorquage de cibles effectuées par les "Tu-2" basés à Schönwalde. Or, nous savons maintenant qu'il s'agissait de Tu-6 ainsi que de UTu-6 et nous en trouvons la preuve noir sur blanc dans l'article "Carnets de vol" déjà évoqué. Il y avait donc une section de remorquage de cibles au sein du 48.OGRAP et c'est là que les équipages de la section de remorquage de cibles du 931.OKRAP sont venus se convertir sur Tu-6 en 1953 afin de remplacer leurs vieux "Boston" datant de la guerre. Le 48.OGRAP s'étant à son tour converti sur Il-28R la même année, il est vraisemblable que tout ou partie des ses Tu-6 aient été transférés au 931.OKRAP (2). Le régiment a quitté Schönwalde à la mi-1953 pour Welzow. Il est possible que la transformation sur Il-28 se soit effectuée à Oranienburg. Mais quelques mois plus tard, toujours en 1953, l'unité partait finalement s'établir à Kolomiya en Ukraine. Une autre unité de reconnaissance autonome de la garde est présente à Oranienburg à partir de fin mars 1955. Le 98.OGRAP "Vistule" a été forme en avril 1942 à Monino en tant que 4.OAPDR. Début 1943, l'unité comprenait des Pe-2, ainsi que des Pe-3 et des P-39. Des A-20 (dénommés "Boston" en URSS) furent également pris en charge plus tard et les P-39 seront remplacés par des Yak-9DD (capacité en carburant accrue de 30% par rapport au Yak-9D). Des appareils légers tel que le Po-2 étaient également utilisés par ce type d'unité pour les liaisons ou la transmission des photos vers les QG. Le 17 juin 1943, le régiment était transformé en unité de la Garde, devenant ainsi le 98.OGRAP. L'unité volait sur Il-28R à Oranienburg, base qu'elle quitta en octobre 1956 pour l'aérodrome de Chatalovo. Selon un rapport du BND, chaque division de bombardement armée d'Il-28 avait un régiment de reconnaissance qui lui était attaché. Si cela est exact, le 98.OGRAP aurait alors été attaché à la BAD non identifiée (221 ou 32 ?) dont le QG et un régiment étaient stationnés à Oranienburg en 1955. Pour quelle raison ? Sans doute simplement afin de faciliter la maintenance de machines du même type.

notes

(1) Le village de Warnitz (Warnice) est situé juste au sud de l'ancien aérodrome de la Luftwaffe autrefois dénommé Fliegerhorst Klützow. C'est donc
     à cet aérodrome, occupé par les Soviétiques en mars 1945 et remis en état, que correspond Warnitz. Resté actif après-guerre, cette plateforme
     s'est agrandie à partir des années cinquante. Connue sous le nom de Kluczewo-Stargard, la base abritait le 159.GvIAP de la 4.VA sur Su-27
     parti le 13 juillet 1992.
(2) Il faut considérer le nombre de machines en service avec réserve et ne pas s'appuyer sur les effectifs théoriques type. Ainsi, selon la CIA, l'unité
     effectuant du remorquage de cibles basée à Schönwalde ne mettait en oeuvre qu'une quinzaine de machines. Il n'est pas fait allusion à
     davantage d'appareils se consacrant par exemple à la reconnaisssance.

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