Le 6 juillet 1990, à Londres, la résolution finale du sommet de l'O.T.A.N. proclamait, d'une part, que l'U.R.S.S.
n’était plus l'ennemi et, d'autre part, qu'une refonte de l'organisation de l’Alliance atlantique était nécessaire.
Dix jours plus tard, le 16 juillet, était signé à Jeleznovodsk l'accord germano-soviétique dit "du Caucase" qui enterrait
quarante-cinq ans d'affrontement Est-Ouest. Par ce document l'U.R.S.S. s'engageait à retirer l'ensemble de ses troupes
casernées sur le territoire de l’ex-R.D.A. pour le 31 décembre 1994 au plus tard et acceptait l'unification de l'Allemagne
au sein du bloc occidental. En contrepartie les Allemands fixaient pour la Bundeswehr un seuil d’auto-limitation de 370.000
hommes (à réaliser pour 1998), s’engageaient à défendre l’élimination de toutes les armes nucléaires sol-sol installées sur
leur territoire et, enfin, reconnaissaient l’intangibilité de leur frontière avec la Pologne: la ligne Oder-Neisse - du nom
des deux fleuves qui, de la Baltique à la frontière Tchèque en Lusace, marquent la limite occidentale du territoire polonais
tel que fixé par les accords de Potsdam de 1945. Enfin, les Soviétiques renonçaient au cours des négociations
"2+4" (entre
les deux États allemands et les quatre puissances de tutelle de l’Allemagne - l’U.R.S.S., les États-Unis, la France et la
Grande-Bretagne) à exiger un traité de paix.
Deux mois plus tard, le 2 décembre, les premières élections de l'Allemagne réunifiée consacraient le triomphe politique
du Chancelier Helmut Kohl dans une République fédérale d'Allemagne élargie par l’adhésion de cinq nouveaux Länder
(Mecklembourg-Poméranie occidentale, Brandebourg, Saxe-Anhalt, Saxe et Thuringe) reconstitués peu ou prou dans leurs
limites d’avant-guerre, celles de l’éphémère République fédérale de Weimar (1919-1933). Néanmoins, même unifiée et
souveraine, la nouvelle Allemagne accueillait toujours en temps de paix la plus forte concentration de forces militaires
de tous les temps. Pas moins de sept armées nationales y campaient encore l'arme au pied. Du Rhin à l'Oder, le sol germanique
comptait toujours un demi-siècle après l’écrasement du IIIe Reich des armées américaine, britannique, canadienne, française,
belge, néerlandaise et soviétique.
C'est en 1955, sur base d'un accord bilatéral entre l'Union soviétique et la jeune République démocratique allemande
(R.D.A.) - renforcé par un traité d’amitié, de coopération et d'assistance mutuelle mieux connu sous son appellation de
traité ou pacte de Varsovie - qu’était entérinée la présence militaire soviétique en Allemagne de l'Est. Une présence devenue
en fait inéluctable un certain 22 juin 1941 lorsque l’Allemagne hitlérienne, avait lancé la Wehrmacht à la conquête de
l’U.R.S.S...
Estimée, en 1990, à un peu moins de 600.000 (1) personnes (soit environ 360.000 militaires et 220.000 civils et
spécialistes), les forces soviétiques en Allemagne orientale occupaient plus de 1000 casernes, dépôts, installations de
missiles, bases aériennes et terrains d'exercices, le tout couvrant environ 240.000 hectares (un espace plus grand que
l’ensemble de la région parisienne ou l’équivalent du Land allemand de Sarre). Du point de vue matériel, elles alignaient une
armada sans équivalent nulle part ailleurs : 4000 chars de combat, des dizaines de milliers d'autres véhicules, 1300 avions et
hélicoptères auxquels il faut ajouter quelque 3500 pièces d’artillerie et des stocks d'au moins un million de tonnes de
munitions (2), des centaines de milliers de palettes de matériels divers et vingt mille tonnes de gaz de combat toxiques.
(1) Au 1er janvier 1991, les Russes reconnaissaient officiellement la présence en Allemagne de 546.200 hommes dont 337.800
militaires et 208.400 civils - familles et spécialistes - aux rangs desquels ils recensaient 90.000 enfants. D’après:
Sowjetische Truppen in Deutschland 1945-1994, Junge Garde Verlag, Moskau (Moscou - Russie), 1994, pp.285-286. (2) Les chiffres russes officiels mentionnent un total de 677.000 tonnes de munitions (D’après: Sowjetische Truppen in
Deutschland 1945-1994, op. cit., p.286). Toutefois, à la lumière des découvertes effectuées après la chute du Rideau de fer
et relatives aux stocks de guerre de l’ancienne armée est-allemande, le chiffre d’environ 2,5 millions de tonnes de munitions
avancé par certaines sources occidentales pourrait être plus proche même s’il paraît à première vue exagéré. (3) L’Union soviétique a été officiellement remplacée par la C.E.I. ou Communauté des Etats Indépendants (S.N.G. en russe) le
21 décembre 1991, à Alma-Ata au Kazakhstan (aujourd’hui Almaty), sur décision de dix des quinze républiques de l’ancienne
U.R.S.S. à l’exception des trois Etats baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie) de la Moldavie et de la Géorgie. Cette dernière,
embourbée dans des conflits internes, rejoindra bon gré mal gré la C.E.I. deux ans plus tard, le 22 octobre 1993. (4) Le 1er octobre 1988, Mihaïl Gorbatchev était nommé chef de l’Etat soviétique en remplacement d’Andreï Gromiko. Et, le 1er
décembre 1988, ce qui jusque-là n’avait jamais été qu’un titre plutôt honorifique, devenait un poste clé après approbation par le
Comité central et le Soviet suprême, d’une série d'amendements à la Constitution soviétique instituant une présidence de l’Etat
aux pouvoirs étendus. (5) Le 7 décembre 1988, à New York, devant l’Assemblée générale des Nations Unies réunie en séance plénière, Mihaïl Gorbatchev
annonçait pour 1991 le retrait unilatéral de 10.000 chars et de 10% des troupes soviétiques (soit environ 500.000 hommes)
stationnés en Europe centrale.