La ruptureFace à la longue période de stagnation de la fin de l’ère Brejnev et à la menace de déclassement économique et militaire qui pesait sur leur pays, le nouveau Secrétaire général et l’équipe de quinquagénaires arrivés au pouvoir avec lui préconisaient rapidement une restructuration du système soviétique. Celle-ci devait passer par une politique extérieure moins coûteuse - diminuant d’autant les dépenses militaires - et par l’établissement d’un état de droit véritable (glasnost) associé à une réforme économique limitée (perestroïka); toutes mesures devant permettre, croyaient-ils, de retrouver les voies d’une croissance soutenue et d’assurer la pérennité du communisme soviétique. Dans l’incapacité de suivre Washington dans la course aux armes nouvelles de haute technologie, l'U.R.S.S., par les voix conjuguées de son Secrétaire général et de son nouveau ministre des Affaires étrangères, Edouard Chevernadze, contre-attaquait par une très opportune politique de désarmement assortie de mesures de confiance et de sécurité inimaginables quelques années auparavant. En quelques mois le dialogue s’établissait entre Moscou et Washington pour aboutir, de 1986 à la fin 1991, à une redistribution complète des relations internationales et des données stratégiques.
"Votre ennemi potentiel". Telle est la mention qui figurait en haut de cette carte de la RFA. Les cocardes des
différentes forces d'aviation de l'OTAN stationnées en Allemagne ou susceptibles de transiter par son territoire,
étaient affichées en bas : Angleterre, France,
Belgique, RFA, USA et Hollande. Cette photo a été prise à Jübar (période 1987-89), près de la frontière interallemande, non loin
de Wittenberg (RFA). Une unité de surveillance radar de la défense anti-aérienne,
le 214.RLP (Radiolokatsionnogo Posta), y était stationné. © V.Ivanova. Tombait ainsi sur la place publique (pour ne pas dire la place Rouge!) l’un des plus grands tabous de la société soviétique : la confiscation, au nom d’intérêts étroits et d’une vision paranoïaque du monde, par l’armée et quelques gigantesques conglomérats industriels travaillant pour la défense d’une part exhorbitante des richesses produites par l’Union. Malgré l’absence d’instrument d’évaluation économique fiable, les responsables Soviétiques ont reconnu en 1988 que l’U.R.S.S. consacrait probablement quelque 16% de son produit national brut (PNB) à sa défense! A titre de comparaison et à la même époque les Etats-Unis affectaient un peu moins de 6% de leur PNB à des dépenses militaires soit une somme équivalente à environ 24% du PNB estimé de l’Union soviétique... Contraint de consolider son pouvoir par des transformations politiques de plus en plus profondes, Mikhaïl Gorbatchev suscita alors une série de scrutins et d'élections toujours plus libres, permettant l'émergence d'une classe politique bénéficiant - fait nouveau en U.R.S.S. - d'un inconstestable soutien populaire. Aux rangs de celle-ci, un certain Boris Nikolaïevitch Elstine, écarté de la direction du Parti en 1987 et élu député de Moscou en 1989. Comme l’avait très justement formulé il y a plus d’un siècle le grand historien et homme politique français Charles Alexis Clérel de Tocqueville : "L’expérience apprend que le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement, c’est d’ordinaire celui où il commence à se réformer". Enorme structure rigide à l'utopie éteinte, à la violence usée et à la réforme reconnue dangereuse si véritablement engagée, le socialisme du réel était prêt à se disloquer. Formellement débarassées par Mikhaïl Gorbatchev de la menace d’une répression violente (la doctrine Brejnev) qui aurait pu mettre à mal ses efforts de rénovation intérieure, les populations d’Europe centrale étaient prêtes à secouer le joug d’un communisme qui leur avait été imposé par Staline et l’Armée rouge au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le 9 novembre 1989, soit dix ans - au mois près - après le déploiement des premiers missiles de croisière américains Pershing II en Europe (les fameux euromissiles), le rideau de fer et son excroissance la plus tangible, le mur de Berlin, s’écroulaient avec fracas. Un à un, la plupart de ces régimes qui n’avaient de démocratiques et de populaires que le nom, furent balayés. De cet écroulement général retentissant renaissait en 1990, comme en 1919 et en 1945, la question centrale : quelle place donner à l'Allemagne réunifiée dans le concert des puissances de cette fin du XXe siècle?
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