"Conservons et faisons grandir les traditions combatives"; tel est le slogan affiché sur la façade de ce bâtiment
à Mahlwinkel. Les lettres "CCCP" avaient été effacées du badge de la garde. © H.Mambour
Ces grands containers verts étaient omniprésents sur les bases en cours d'évacuation. Contenant souvent les effets personnels
des soldats et de leurs familles, ils étaient rapatriés notamment via le port de Rostock. © H.Mambour De gauche à droite, Hugo Mambour, X, Herr Richter, l'interprète, l'étudiant en journalisme, l'officier d'escorte, X. © G.Botquin C'est ainsi que le mardi 22 mars 1994 au matin, nous parquions - comme convenu par téléphone quelques jours plus tôt - notre voiture à proximité immédiate du corps de garde de Mahlwinkel. Au bout de quelques minutes d’attente, deux autres véhicules nous rejoignirent. Se trouvaient à bord le fameux Herr Richter, deux autres membres de l’administration communale, une journaliste et un étudiant en journalisme. Dès les présentations faites, Herr Richter nous permis de rentrer facilement sur la base, direction le bureau du Komandir Chilovsky. Ce dernier étant absent, nous furent alors dirigés vers le bureau du commandant en second. Son local, assez petit, ressemblait plutôt à un couloir aménagé, étroit et tout en longueur. Le bureau lui-même était placé au centre, dans le sens de la longueur. Une carte du monde surplombait ce dernier; celle-ci était organisée de telle manière que l’Union Soviétique soit située en son centre, permettant ainsi d’appréhender l’immensité écrasante de l’ancien Empire soviétique. En face du bureau, se trouvait un vieux divan dans lequel nous prîmes place, le restant de la délégation s’accommodant du peu d’espace restant. L’ambiance était plutôt froide, pour ne pas dire glaciale. Lorsque le commandant nous demanda abruptement ce que nous voulions, la réaction de l’assemblée ne fut assurément pas à la hauteur. Manifestement, eu égard de notre expérience en la matière, les choses se présentaient très mal! Mais c’était sans compter avec Gaston Botquin. Ce dernier commença alors à sortir nonchalamment de sa sacoche quelques photocopies d’articles autrefois publiés dans "Le Fanatique de l’Aviation", ainsi que quelques revues aéronautiques diverses. Les articles en question avaient bien entendu fait l’objet d’une sélection adaptée à nos interlocuteurs : "Normandie-Niemen", "Yakovlev", "Grande Guerre patriotique"; à l’évocation de ces noms mythiques, la banquise avait fondu en un clin d’oeuil ! Au détour d’une photo dans un magazine, nous apprenions que l’avion préféré du commandant est le Phantom… Après s’être attardés quelques minutes sur ces publications dont certaines furent offertes, nous exprimâmes nos attentes. Aussitôt, une escorte constituée d’un officier de l’armée ainsi que de l’épouse d’un pilote faisant office d’interprète, nous fut assignée et nous partîmes sans plus d'atermoiements vers la zone opérationnelle ! La visite commença très calmement par un petit hangar de maintenance isolé où se trouvait un Mi-8 solitaire. Bonne idée, car à l’extérieur, stationnaient les deux Mi-24R de Sperenberg probablement sur place pour une ultime inspection avant le grand départ. J'en profitai pour interroger un membre d'équipage présent afin d'essayer de déterminer la dénomination exacte de ce type de machine de reconnaissance NBC. Ne parlant aucune langue commune, la conclusion fut mise par écrit : RKhR. Mais s'agissait-il là d'une description des fonctions de la machine ou d'une appellation officielle, voire officieuse, cela restera une énigme. A l'issue de cet épisode, la journaliste estimant avoir tout vu et tout compris nous quittais. Mais pour nous, la visite ne faisait que commencer... En effet, à proximité de ce hangar et sur le chemin menant à la ligne de vol, était parqué en quelque sorte le symbole de Mahlwinkel, à savoir le très mystérieux Antonov An-12 "électronique" visible depuis les bois bordant la base. Après avoir photographié ce dernier comme il se doit, nous avons passé en revue quelques Mi-8 positionnés sur le tarmac, dont deux invités originaires du 113.OSAE. L'approche des "Hip" parqués dans l'herbe semblant poser problème, nous découvrions au téléobjectif que certains d'entre eux étaient originaire de Stendal, car portant les vestiges du badge ornant auparavant bon nombre de machines du 440.OVP BU local. Les Mi-24V et P du régiment avaient été sortis de leurs alvéoles et étaient sagement alignés dans l'herbe, de part et d'autre du taxiway - ce regroupement était le prélude caractéristique à un départ prochain. Etant tous bâchés, nous nous contentâmes de deux exemplaires non couverts ainsi que de l'Iliouchine Il-76 de passage venu évacuer quelques tonnes de matériel. Mais nous n'étions pas au bout de nos surprises... Après un arrêt devant les monuments locaux tels qu'un lance-roquettes Katioucha et un repas à la stolovaya (cantine) qui nous permit de déguster d'excellents pelmienis (raviolis russes) nous sommes retournés vers la ligne de vol, d'où nous avons pu observer le taxiage de quelques Mi-24; il y avait en effet entraînement cet après-midi-là. Ainsi se termina avec succès ce qui était au départ un voyage dans l'inconnu. Grâce à ce contact privilégié avec l'administration communale locale, nous pûmes par la suite assister au départ du régiment, alors qu'aucun visiteur étranger ou local, si ce n'est Herr Richter lui-même, ne se trouvait sur place. Même les spotters anciennement est-allemands y avaient renoncé - pour cause, la mauvaise réputation de la base et de nombreux contacts hostiles - préférant aller cueillir les appareils de l'unité à Oranienburg où ils firent escale, tout comme nous d'ailleurs dans la foulée !
notes
(1) LUKO pour Luftraum-Koordinierungsstelle.
Service de sécurité aérienne issu des rangs de la Luftwaffe en charge, comme son nom l’indique, d’une mission de liaison
et de coordination pour l’ensemble des vols effectués par les aéronefs de combat russes - avions comme hélicoptères -
dans les cieux de la “Ehemalige DDR. Ce service exerçait également et de façon floue un contrôle du respect des normes
d’évolution édictées par les autorités de Bonn.
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