Courageux numéro d'Auto Bild en date du 20 août 1994. On y prétend que le photographe a pris cette photo au risque de sa propre vie...

A 'courageous' Auto Bild issue of 20 August 1994. The photographer took the picture at the risk of his own life, or so they said...
Les forces armées russes en Allemagne ont fait l'objet de diverses accusations de trafic à grande échelle. Loin d’excuser ces activités, il convient toutefois de les mettre en perspective. Si dans un premier temps l’union économique et monétaire des deux Allemagne, avec l’introduction du Deutsche Mark, a fait plonger le pouvoir d’achat des soldats de l’Armée russe, c’est paradoxalement ce même D.M. qui a transformé leur éloignement de la mère patrie en un petit paradis. Ainsi, à partir du 1er juillet 1990, en vertu des accords germano-soviétiques, c’est à l’Allemagne de l’Ouest qu’il incombait le paiement de leur prime d’expatriation. Cette prime, payée en D.M., permettait aux troupes russes stationnées en Allemagne de goûter plus facilement aux biens de consommation occidentaux. Le soldat russe recevait ainsi un traitement en roubles de Moscou (environ 360 roubles par mois pour un lieutenant-colonel) et une prime en D.M. du gouvernement de Bonn allant de 1000 D.M. pour un lieutenant colonel à 25 D.M. pour un simple soldat. Revendue sur le marché noir des devises en Russie cette prime valait une véritable fortune.

Embarquement d'une vieille Skoda dans la soute d'un Mi-6A à Oranienburg, avant le dernier envol d'Allemagne. © L.Freundt.

Loading an old Skoda aboard a Mi-6A at Oraninenburg in 1994 before leaving Germany. © L.Freundt.
En 1991, pour 1000 D.M. ils pouvaient y espérer obtenir environ 12.000 roubles. Lorsque l’on sait qu’à la même époque le salaire russe moyen était de 250 roubles on imagine aisément ce que cela représentait à leurs yeux. Et cette situation malsaine a fait fleurir les trafics. Il n’était ainsi pas rare de voir les permissionnaires russes acheter un maximum de produits de consommation introuvables au pays afin de les revendre, au prix fort, à Saint-Pétersbourg, à Moscou ou ailleurs et, ainsi, faire fructifier leur petit capital. C’est également de cette situation que sont nées d’autres activités relevant, elles, de la délinquance pure et simple. Petite, comme la vente contre devises fortes et pour des prix modiques de pièces d’équipement subtilisées dans les réserves et qui ont fait le bonheur des collectionneurs d’objets militaires “made in U.S.S.R.” - nous connaissons un ami qui s’est ainsi procuré une véritable combinaison stratosphérique de pilote soviétique - voire grande, comme le vol organisé de voitures pour exportation vers la C.E.I. ou, plus grave, la vente à grande échelle des munitions et de l’armement surnuméraire.

Posée au-dessus de la cabine technique du radar visible à l'avant-plan, à côté duquel trône un réfrigérateur, une Wartbürg a trouvé sa place tant bien que mal dans la soute d'un An-22 (Oranienburg 4/7/94). © R.Stöckling.

A Wartbürg car squeezed in an An-22 cargo hold together with a radar and a refrigerator. The car was going back to Russia probably together with its owner (Oranienburg, July 1994). © R.Stöckling.
Toutes activités qui ont très vite fait passer l’ensemble des forces russes d’Allemagne pour une bande de voleurs et de trafiquants, désignant à la vindicte des populations allemandes le ZGV comme la plaque tournante d’une vaste activité mafieuse; une opinion largement relayée par la presse populaire d’outre-Rhin. La part de l’aviation russe dans ces trafics reste à démontrer. La police allemande du Land de Brandebourg, citée par Auto Bild dans son édition du 20 août 1994, estimait qu’environ 11.000 des 20.800 voitures volées dans sa zone de juridiction avaient probablement été “exportées” vers l’Est - ceci sans précision sur l’identité ou la nationalité éventuelle des voleurs... Il paraît toutefois improbable, en raison du niveau d’activité aérienne des avions-cargos russes en Allemagne, que ceux-ci aient été le moyen de transport habituel de ce trafic. Néanmoins, des carcasses dépecées de Mercedes, BMW, Volkswagen mais aussi Trabant et autres Lada ont été découvertes un peu partout sur les bases d’aviation et casernes militaires désertées comme, par exemple, dans certains anciens abris blindés pour avions de la base de Gross Dölln. Selon certaines rumeurs, il semble que la plupart des tentatives faites par la police et les autorités allemandes pour mettre un frein à ces exactions se soient avérées délicates, se heurtant systématiquement à l’inertie et aux difficultés faites par le haut commandement russe en Allemagne.

Le Major-Général Nikolaï Selivorstov, interviewé par la télévision allemande lors des journées portes ouvertes de Damgarten en juillet 92. © G.Botquin.

Major-General Nikolaï Selivorstov, interviewed by the German television during Damgarten open days in July 92. © G.Botquin.
Mais force est de constater que lors de nos visites sur les bases russes, nous n'avons jamais observé que des véhicules de type Lada, Skoda ou encore Wartbürg parfois à proximité de gros porteurs, parfois en soute, et que, comme en attestent les photos illustrant cette page, personne n'a jamais tenté de nous empêcher de les photographier alors qu'un journaliste de presse à sensation aurait, à n'en pas douter, trouvé là de quoi construire une bonne histoire. De nos observations, il ressort que les seuls véhicules embarqués étaient ceux du personnel quand il y avait de la place. Sur un volet plus large, nous laisserons le mot de la fin au major-général Nikolaï Selivorstov de l’état-major de la 16.VA cité par Times Magazine qui, en fin 1994, lors d’auditions devant la Cour suprême du collège militaire affirmait, sans ciller, qu’il reconnaissait plusieurs anomalies dans le fonctionnement des forces d’aviation russes en Allemagne au cours de ses dernières années d’existence mais que celles-ci découlaient de l’ordre formel reçu “d’en haut” de faire des “affaires” pour autofinancer le retrait (ce qui est vrai) - voir > Les journées portes ouvertes. Et d’ajouter qu’il imputait l’essentiel des fautes relevées au manque d’expérience et à la naïveté des militaires russes dans ce type de tâches (sic!).


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