Si l'histoire et le mode opératoire des Missions militaires de liaison occidentales auprès du Haut commandement soviétique en Allemagne sont maintenant relativement bien connus et documentés, il n'en demeure pas moins des zones d'ombres.
Les "espions en uniforme" ne pratiquaient-ils pas également l'espionnage tel qu'on se l'imagine dans les romans ? Un petit peu quand même semble-t-il.
Si les anciens sont muets, autrefois (ou encore ?) par obligation ou à cause de la culture du secret dans laquelle ils ont baigné pendant des années, certaines informations inhabituelles pointent parfois discrètement le bout du nez sans faire de vagues.
Nous ne spéculerons pas vainement, mais nous citerons par exemple le témoignage de ce jeune appelé de la MMFL où il est question - sans la nommer - de ce que l'on appelle dans le milieu de l'espionnage une "boîte aux lettres morte" ("La guerre froide vécue par un jeune appelé" > Lien - en fin d'article). Le roman réaliste "Pendulum" (1) qui met en scène la USMLM n'est pas en reste sur cet aspect des choses.
Le volet aéronautique du renseignement comprend lui aussi ses zones grises. De nouvelles informations sur le rôle joué par les Chipmunk lors des vols d'observation au-dessus de la BCZ ont d'abord été révélées dans l'ouvrage de Kevin Wright (2) et Peter Jefferies intitulé "Looking Down the Corridors" (voir Multimedia > Lien).
Un témoignage nous y apprenait que les Chipmunk réalisaient parfois des missions différentes comme le survol des installations de Werneuchen avec à bord un boîtier scellé et un capteur, donc vraisemblablement une antenne.
Qu'y avait-il de si spécial à Werneuchen ? Peut-être la fôret d'antennes de communication montée au-dessus d'un ancien bunker de la Luftwaffe surnommé semble-t-il par les soviétiques "La tour de Göring" (bachnya Geringa) posait-il question. Ce bâtiment fut érigé durant la guerre par le service du travail du Reich (Reichsarbeitsdienst) et des prisonniers soviétiques pour ensuite être utilisé comme site d'essais par la Luftwaffe (Erprobungsstelle) à partir d'avril 1943. Quelques constructions se rapportant aux essais menés à Werneuchen on été érigées aux alentours comme une tour à Weesow (> Lien) au sommet de laquelle a été testé une version terrestre du radar FuG 200. On notera au passage qu'il est probable que la station de réception des données transmises par télémétrie provenant des MiG-25RBK puis RBF en misson de reconnaissance y était logée.
Des documents déclassifiés par les Archives nationales britanniques nous apportent aujourd'hui d'autres informations quant au rôle des Chipmunk lors de missions peu conventionnelles. Des informations provenant de ces derniers ont été publiées dans le numéro d'août 2024 de la revue "Aeroplane" et ce qui suit en reprend les éléments nouveaux pour ce site. C'est ainsi qu'en 1981 et jusque fin 1982, les Chipmunk participèrent à la collecte d'informations électroniques visant un nouveau radar de terrain soviétique d'un type non révélé. L'apparition du système sol-air à courte portée Strela-10 (SA-13" Gopher") en RDA fit l'objet de nouvelles missions destinées à recueillir des données sur son radar bien entendu afin de pouvoir l'identifier et le contrer.
Les missions ciblant les SA-13 furent approuvées par le Forein Office en octobre 1985. Ces dernières avaient reçu le nom de code "Venton" et se déroulaient dans le cadre des mission régulières approuvées appelées à l'époque "Oberon". L'observateur disposait, en plus de ses appareils photo habituels, d'un récepteur portable et d'un enregistreur magnétique pour enregistrer les signaux reçus. Si ces derniers étaient captés, l'appareil rentrait à Gatow dans la foulée.
Le radar du système SAM en question était le 9S86 "Snap Shot" (du moins sur le système d'origine) qui était uniquement un radar de portée utilisé pour empêcher le lancement des missiles 9M37 à guidage IR avant que la cible ne soit à portée effective. Le viseur optique désigné 9Ch127 monté à droite de la tourelle de tir était utilisé pour l'engagement direct des cibles.
Sous le radar, monté entre les rampes de missiles, et protégé par une vitre, se trouvait un capteur électro-optique fournissant une aide au suivi et à l'engagement semi-automatique. Le système 9K35 comme était désigné le Strela-10 par la Direction principale des fusées et de l'artillerie (GRAU) était monté sur un châssis chenillé MT-LB décliné en deux versions. Le véhicule 9A34 était l'engin tel que décris ci-dessus, appelé SA-13A TELAR 2 (Transporter-Erector-Launcher) à l'ouest. Le modèle 9A35 se distinguait du précédent par la présence d'un système de détection radiogoniométrique passif 9S16 "Flat Box" que l'on reconnaissait à ses antennes rectangulaires montées à l'avant au centre et sur la tourelle et prenait la désignation OTAN de SA-13A TELAR 1 - comparer la photo des deux véhicules côte à côte illustrant cet article. Le complexe 9K35 a été amélioré au gré de différentes versions. Les systèmes ciblés par les équipages de Chipmunk étaient sans doute du modèle 9K35M. Le résultat des missions de reconnaissance électronique des Chipmunk reste inconnu à ce jour.
notes
(1)
"Pendulum" by Randal R. Jones, Dog Ear Publishing, 2008, 2013 update. (2)
Kevin Wright est l'auteur de l'article "Des Pembrokes indiscrets" sur ce site > Lien .