Tandis que deux régiments de chasseurs-bombardiers - les 19.Gv et 559.IBAP - remplacèrent leurs Su-7BM par des MiG-27 "Flogger-D" au milieu des années soixane-dix, deux autres unités - les 20.Gv et 497.IBAP - abandonnèrent quant à elles leurs "Fitter-A" au profit respectivement de Su-17M "Fitter-C" et de Su-17M2 "Fitter-D" pendant la même période. Un troisième régiment leur emboîta le pas en 1980, lorsque le 730.APIB lâcha ses MiG-21SM pour des Su-17M. Toutes les versions opérationnelles du "Fitter" se sont succédées au sein des unités de la 16.VA à l'exception, du premier du nom, le Su-17 "sans suffixe" alias "Fitter-C." En 1965, l'OKB Soukhoï modifia un Su-7 (en fait un assemblage hybride de Su-7BM et BKL) pour lui greffer des ailes à géométrie variable. Le but était de réduire les distances de décollage et d'atterrissage afin de pouvoir opérer plus facilement en dehors de la structure d'un aérodrome classique que l'on estimait vulnérable à l'aune des armes nucléaires tactiques. L'avion expérimental portait la désignation S-22I (I pour Izmenyaemaya Geometriya - géométrie variable). La nouvelle aile comportait une importante partie fixe héritée du Su-7 avec le pivot situé après le train d'atterrissage et une partie mobile dont la flèche pouvait varier de 30 à 63° avec volets et becs de bord d'attaque. Forcément plus complexe à fabriquer, elle était plus lourde de 400 kg et contenait moins de carburant qu'une aile de Su-7B. Le premier vol eut lieu le 2 août 1966 et l'appareil fut présenté au grand meeting aérien de Domodedovo donné le 9 juillet 1967 à l'occasion du 50è anniversaire de la révolution d'Octobre, où il démontra ses capacités de décollage court en concurrence avec un Su-7BKL doté de fusées d'appoint. Les essais du S-22I - baptisé "Fitter-B" après son apparition à Domodedovo - ayant été concluants, tant du point de vue du pilotage que de l'autonomie avec l'aile calée à la flèche minimale, un décret gouvernemantal de novembre 1967 autorisa le développement et la production du chasseur-bombardier Su-17 (Article S-32) à géométrie variable. Le premier juillet 1969, le prototype S-32-1 prenait son envol depuis Komsomolsk-sur-l'Amour. Le nouvel appareil plus long de 80 cm n'avait plus le dispositif anti-fod des Su-7BM, BKL et U finalement jugé inutile en opérations. On retrouvait la queue identique à celle du Su-7BKL avec le logement du parachute-frein dépassant à sa base sous le gouvernail de direction. Les carénages dorsaux des Su-7BM/BKL/U restaient présents, mais une arête dorsale courait du cockpit à la dérive comme sur les Su-7U. Sur les appareils des trois premières séries de production (sur cinq), une seule cloison verticale séparait la partie fixe de l'aile de la partie mobile. Ensuite, à partir de l'avion n°9221, une seconde cloison fut ajoutée entre celle-ci et le fuselage afin d'améliorer la stabilité longitudinale aux grands angles d'attaque, de même que sur les versions ultérieures de l'appareil. Un indicateur d'angle d'attaque UUA-2 était fixé sur le collimateur. La roue de nez était plus grande en raison de la masse à vide qui passait de 8450 kg pour un Su-7BM à 9600 kg et par conséquent, la partie avant des trappes présentait un bossage pour son logement. Il était possible le cas échéant de remplacer les roues par des skis tout terrain. La motorisation restait assurée par le réacteur Lyoul'ka du Su-7B dans sa version AL-7F-1-250, mais la vitesse était un peu supérieure au niveau de la mer (1350 km/h contre 1250 km/h) et identique en altitude (Mach 2.1). Le Su-17 armé de deux canons Noudel'man-Rikhter NR-30 de 30mm comme son prédécesseur, pouvait emporter une charge offensive de 2500 kg répartie sous 6 points d'emport (comme les "Fitter-B" modifiés), deux sous le fuselage et quatre sous la partie fixe des ailes. Les points ventraux et alaires externes pouvaient recevoir les réservoirs supplémentaires de 600 litres du Su-7 ou des PTB-950 et 1150. L'arsenal du Su-17 comprenait les roquettes non guidées S-24 de 240mm attachées à des rails PU-12-40U, S-3K de 160mm fixées sur des supports multiples APU-14U et S-5 de 57mm tirées depuis des conteneurs UB-16-57 ou UB-32A. Comme sur les Su-7, le système KS-1 réduisait automatiquement le régime du réacteur lors du tir des roquettes afin d'éviter son extinction suite à l'ingestion de fumée. Le pylône MBD3-U6-68 spécialement développé pour le Su-17 permettait d'y accrocher soit 6 bombes de 50 ou 100kg, soit 4 bombes de 250kg ou encore 2 bombes de 500kg. Outre divers types de bombes pesant jusqu'à 500kg ou des conteneurs à sous-munitons KMGU-1, le Su-17 était capable d'emporter deux conteneurs canon SPPU-22-01 attachés à des pylônes BD3-57M sous le fuselage ou sous les pylônes alaires externes. Conçu initialement pour les Su-17 et suivants et adopté ensuite par les MiG-27 et les Su-25, le SPPU-22 abritait un canon GCh-23 capable de pivoter vers le bas jusqu'à un angle de 30°. Ce conteneur pouvait être orienté de manière à être en mesure de tirer vers l'avant ou vers l'arrière. Le Su-17 héritait bien entendu des capacités nucléaires du Su-7B, la bombe RN-24 étant également fixée sous le point d'emport ventral gauche attachée à un pylone BD3-56FNM. Deux réservoirs PTB-600 étaient attachés aux pylônes alaires externes dans cette configuration. Un viseur PBK-2KL permettait de larguer les bombes spéciales et conventionnelles lors d'une ressource. Un collimateur ASP-PFM-7 et un télémètre de tir SRD-5M Kvant (Quantum) étaient utilisés pour tirer les armements pré-cités. Lorsque les avions furent adaptés à l'emport de missiles air-sol Kh-23 (mis en service à partir de l'automne 1974), le télémètre logé dans le cône nasal fut remplacé par le système de guidage radio des missiles Del'ta-N/NM. La survie du Soukhoï dépendait notamment d'un détecteur d'alerte radar SPO-10 Sirena-3M et son autodéfense était possible avec des missiles à guidage IR R-3S ou R-13M.
D'autre part, de la même manière que sur le Su-7, le point d'emport alaire intérieur gauche (n°5) était câblé pour recevoir un conteneur de contre-mesures électroniques SPS-141V ou SPS-142V Siren'. Le canon gauche était alors désactivé pour ne pas endommager le conteneur ECM. En outre un appareil photo AFA-39 était susceptible d'être monté dans le fuselage derrière le cockpit. Aussi, une vanne DUA-3M relative à l'indicateur d'angle d'attaque fut montée du côté gauche du nez à partir de l'avion n°9126, comme cela était le cas sur les "Fishbed" depuis la version MiG-21R. En attendant l'entrée en service du biplace d'entraînement Su-17UM en 1976, la conversion des pilotes devait se faire essentiellement à bord de Su-7U. 225 Su-17 ont été produit à l'usine n°126 de Komsomolsk-sur-l'Amour de 1969 à 1973. Malgré un poids supérieur de près d'une tonne à celui du Su-7, la panoplie d'armements plus étendue et les capacités à utiliser le cas échéant des pistes moins longues ouvraient la voie vers de nouvelles versions plus performantes. L'accroissement du poids du Su-17 au gré de son évolution conduisit à un changement de réacteur. L'appareil remotorisé désigné S-32M était propulsé par un moteur Lyoul'ka AL-21F-3 d'une poussée de 7800 kg à sec et de 11200 kg avec la PC enclenchée (contre respectivement 6800 et 9200 kgp pour le réacteur AL-7F-1). Conçu à l'origine pour le Su-24, ce moteur empruntait une partie de la technologie du réacteur General Electric J79. Deux prototypes S-32M-1 et S-32M-2 volèrent en 1971. Leur fuselage présentait quelques différences avec celui de leur prédécesseur en raison de la taille inférieure du nouveau réacteur. Le logement des deux parachutes à la base du gouvernail de direction hérité des Su-7 changea de forme pour devenir pointu et n'abriter plus qu'un seul parachute. Le carénage en ogive qui abritait une antenne du système de radio-navigation RSBN-5S, ainsi qu'une antenne du SPO-10 fut déplacé du sommet de la dérive à sa base, au-dessus du logement du parachute. Quant aux carénages courant de chaque côté de l'arête dorsale, ils disparurent. L'espace libéré à l'intérieur du fuselage permis d'augmenter le volume total de carburant emporté qui passait de 3430 à 4770 litres. Deux pylônes supplémentaires étaient montés sous le fuselage au niveau du bord d'attaque de l'aile, portant le total des points d'emport à huit (1). Le S-32M avait un rayon d'action supérieur de 50% à celui su Su-17 et sa course au décollage était réduite de 15%. Comparé au Su-7B, le rayon d'action était 1,7 fois supérieur tandis que la charge de bombe était doublée. Le premier appareil de série désigné Su-17M "Fitter-C" vola en décembre 1971. 251 appareils en seront produits à Komsomolsk-sur-l'Amour entre 1972 et 1975. Le Su-17M conservait le collimateur ASP-PFM-7 du Su-17, ainsi que le système de guidage radio Del'ta-NM (ce dernier fut déplacé dans un conteneur externe Del'ta-NG > G pour Gondola - fixé sous le pylône alaire intérieur droit à partir de la 70è série), le viseur PBK-2KL et le système de navigation à courte distance RSBN-5S Iskra-K (Etincelle). Le Su-17M fut adapté à l'emport du R-60 après la mise en service de ce nouveau missile air-air en 1973. L'armement emporté atteignait dorénavant quatre tonnes entre autres parce que les pylônes internes de voilure étaient désormais capables de supporter une charge de 500kg alors qu'auparavant seules des bombes de 100 ou 250kg ou encore des conteneurs lance-roquettes UB-16-57 pouvaient y être accrochés. Ainsi, il était maintenant possible de transporter huit bombes de 500kg au lieu de quatre (2). En employant des supports MBD3-U6-68 (jusqu'à quatre, deux sous le fuselage et deux sous les points d'emport alaires externes) jusqu'à 20 bombes de 100kg ou encore 10 bombes de 250kg pouvaient être accrochées sous un avion. Le nombre de conteneurs lance-roquettes UB-32A qu'il était possible de transporter simultanément passait quant à lui à six unités. De plus, il était possible de larguer les bombes depuis ces supports multiples de manière séquencée. Cependant, l'usage de tels pylônes associés aux bombes qu'ils transportaient augmentait considérablement la traînée aérodynamique et par conséquent la consommation de carburant. Outre les bombes classiques, l'armement du Su-17M incluait des conteneurs à sous munitions KMGU-1 et -2 et des bombes incendiaires ZB-500. La gamme des roquettes fut étendu aux modèles S-8 de 80mm (jusque quatre conteneurs B-8M1) et S-25 de 340mm (deux projectiles) alors que les roquettes S-3K de 160mm et leurs rails APU-14U finirent par être abandonnés. L'Article S-32MKI redésigné S-32MK ou Su-20 était la version d'exportation du Su-17M. 138 avions furent livrés à l'Egypte, l'Iraq, la Syrie et la Pologne. Les Su-20 polonais qui assuraient aussi bien des missions de reconnaissance à l'aide de nacelles KKR-1 que d'attaque au sol, disposaient également d'une capacité nucléaire. Une documentation technique d'origine polonaise (ci-dessus à droite) nous en apprend davantage sur les armes spéciales que pouvaient emporter Su-17M et Su-20. A l'instar des MiG-27, l'utilisation de deux points d'emport était possible pour des bombes pesant 250 à 300kg (RN-25 retirées du service au milieu des années soixante-dix, RN-28, RN-40 et RN-42). Celles de 500kg (RN-24 / IAB-500) n'étaient emportées qu'individuellement. Contrairement aux bombes conventionnelles, le poids des bombes nucléaires ne reflétait pas nécessairement leur puissance de feu. La transformation d'un "Fitter" en vecteur nucléaire demandait 1H30 en moyenne.
Une autre arme employée par les Su-17M et pas des moindres, était le premier missile antiradar soviétique opérationnel. Le Kh-28, alias KS-9 "Kyle", long de 6 mètres et pesant un peu plus de 700 kg, était attaché à un pylône
PU-28S de 4 mètres accroché sous le fuselage au centre, ce qui impliquait le démontage des pylônes ventraux standards BD3-57M. De plus, une trappe d'accès au réacteur devait être remplacée par une autre présentant un enfoncement afin de pouvoir y caser le sommet de la dérive verticale du missile. Comme pour d'autres armes telles que le Kh-29 ou le Kh-58, ce pylône comprenait un trapèze dépliable à l'aide d'air comprimé dans le but d'écarter le missile du fuselage avant sa mise à feu.
Un conteneur Metel'-A (Blizzard) permettant de détecter et de déterminer les coordonnées du radar ciblé fixé sous le pylône alaire intérieur droit (n°6) devait accompagner le Kh-28. Aussi, le boîtier du PBK-2KL situé en haut à gauche du cockpit devait être enlevé et remplacé par le "Blok n°2" destiné au contrôle du missile. Le Kh-28 était doté d'une charge explosive de 150kg et emportait 235kg de combustible liquide. Il est clair qu'avec un tel type de carburant (ce sera le seul missile d'aviation soviétique à combustible liquide) et les contingences liées à sa taille et à son type de fixation rendaient son utilisation compliquée.
Mais l'association du 730.APIB avec le Su-17M sera de courte durée, car, dès 1982, le régiment passait sur Su-17M4 "Fitter-K." Ses "Fitter-D" allèrent rejoindre
en partie le 976.APIB à Kiourdamir en Azerbaïdjan (au mois de mars) et également une unité de l'Aviation de la marine.
Le Su-17M2 jouissait d'un nouveau collimateur ASP-17 ainsi que d'un viseur de bombardement PBK-3-17S permettant des profils d'attaque plus complexes en lieu et place du PBK-2KL.
Outre le missile à guidage radar Kh-23 associé au pod externe Del'ta-NG et le missile antiradar Kh-28 associé au container Metel'-A, le Su-17M2 était adapté au tir du missile à guidage laser Kh-25.
Il était obligatoire d'emmener un conteneur SP-14S Projektor-1 fixé à droite sous le ventre afin de désigner la cible au Kh-25L. Tout comme les Kh-23, les Kh-25 étaient attachés à des pylônes APU-68UM
sous les points d'emport alaires externes. A partir de 1979, le missile à guidage laser Kh-29L fut ajouté à la panoplie d'armes du Su-17M2. Nécessitant forcément lui aussi l'usage du conteneur de désignation
Projektor-1, un seul missile était emporté, fixé à un pylône AKU-58-1 muni d'un trapèze déployable fixé à gauche sous le fuselage. La capacité d'emport restait la même que pour le Su-17M, à savoir quatre tonnes et la capacité nucléaire était conservée.
La production en série du "Fitter-D" débuta en 1975 pour se terminer en 1979 après que 244 exemplaires en aient été fabriqués. La version d'exportation désignée Su-22 "Fitter-F" (S-32M2K) était motorisée par un réacteur
R29 (précisément R29BS-300) comme les MiG-23BN. Fin 1974, un décret gouvernemental autorisa le développement d'une nouvelle version d'attaque du Su-17 ainsi que de sa version biplace. Cependant, la mise au point du nouveau chasseur-bombardier, le futur Su-17M3 fut moins rapide que celle de la version biplace. Jusque là, la conversion des nouveaux pilotes de "Fitter" devait se faire sur Su-7U aux caractéristiques de vol différentes et dont le second cockpit n'était qu'un pis-aller. C'est pourquoi le biplace désigné Su-17UM "Fitter-E" (Article S-52U) fut développé prioritairement. Ce dernier, comme les versions suivantes du Su-17, offrait un meilleur champ de vision au pilote. Le cockpit surélevé donnait une pente accentuée de 15° au nez devant le cockpit améliorant la vision vers l'avant et la verrière biplace était plus large que celle du Su-17M. Ces modifications altéraient le profil du fuselage qui présentait un nez légèrement incliné vers le bas, caractéristique que l'on retrouvera sur les version ultérieures du Su-17. C'est également à partir de ce modèle que les "Fitter" furent équipés de sièges éjectables Zvezda K-36D permettant l'éjection avec pour seule condition que la vitesse soit d'au moins 75km/h. La présence du second cockpit entraîna une diminution de la quantité de carburant disponible - soit 4020 litres et la charge maximale de bombes fut réduite à trois tonnes. D'autres conséquences étaient le montage d'un unique canon du côté droit, tandis que seulement deux points d'emport étaient installés sous le ventre, soit un total de six comme sur le Su-17. Cependant, le Su-17UM conservait le système d'armes du Su-17M2 (3) mais le câblage pour les armes guidées se limitait à l'usage de missiles Kh-25L et R-60. Ces derniers étaient attachés à des rails APU-60-1 sous les pylones alaires internes. Le premier vol du Su-17UM dont 81 exemplaires furent construits à partir de 1976, remonte à septembre 1975. On notera la similitude du Su-17UM avec le Su-17UM3 étudié dans la page suivante. Il était néanmoins facile de distinguer l'un de l'autre : afin d'améliorer la stabilité latérale, le Su-17UM3 (tout comme les Su-17M3 et M4) avait une dérive plus haute dont on pouvait observer le prolongement plus important au-dessus du gouvernail de direction. Aussi, une petite quille était désormais montée sous la queue. Le modèle d'exportation portait la désignation Su-22U (S-52UK). notes
(1)
Si il y avait bien huit points d'emport numérotés de 1 à 8 (1 à 6 sur le Su-17), le Su-17M, de même que le Su-17M2, disposait en réalité de 11
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