Le Soukhoï tombé du ciel
Près de six ans après la défection de Yepatko à bord de son MiG-17, c'était au tour du camarade Yevgeni Lvoitch (1)
d'aller voir si l'herbe était réellement plus verte chez les impérialistes occidentaux ! Il se trouve que la route la plus simple à suivre pour atteindre la frontière interallemande au départ de Grossenhain consistait à voler en ligne droite après avoir décollé depuis l'extrémité SE de la piste orientée SE-NO au cap 300. Le vol d'une durée d'environ 15 minutes s'est déroulé à basse altitude afin d'éviter une interception éventuelle, plusieurs aérodromes de chasse se trouvant à proximité de son parcours. Pas moins d'une trentaine d'intercepteurs auraient été lancés à ses trousses, vraisemblablement trop tard pour avoir une chance de le trouver. A 11H45, Lvoitch passait la frontière sans être détecté par les radars de l'OTAN et prenait de l'altitude en vue de s'éjecter. Il sautait à 11H47 pour atterrir dans un champ au sud de Klein Schöppenstedt à proximité d'un terrain d'entraînement militaire de la Bundeswehr désigné "Herzogberge" (3), à l'est de Braunschweig. La police et les pompiers sont arrivés rapidement sur les lieux alors que la carcasse du Su-7 finissait de se consumer avec le peu de carburant restant à bord. Les restes de l'avion étaient ensuite évacués pour être mis à l'abri dans la caserne "Hindenburg" à Braunschweig où experts, techniciens et services de renseignement alliés purent les examiner et les décortiquer à loisir. Cependant, la presse remet en question une partie de cette version. Ainsi, selon le New York Times du 28 mai 1973 ou les journaux allemands, un porte parole du Gouvernement fédéral allemand affirmait que le pilote avait mis 88 minutes pour réaliser un trajet qui n'en demande normalement qu'une vingtaine. On notera qu'un Su-7BM équipé de réservoirs externes et armé d'une tonne de bombes pouvait tenir l'air jusqu'à 1H37. Der Spiegel précisait quant à lui qu'après avoir franchi la frontière vers l'ouest, Lvoitch avait d'abord pris un cap NE, laissant à penser qu'il s'était perdu. Aurait-il prolongé son vol pendant une heure (toujours sans être repéré) pour consumer du carburant avant de sauter ? Le temps de vol a-t-il été uniquement estimé en fonction de la capacité des réservoirs ? Quelle que soit la vérité et bien qu'un officier de la Bundeswehr aurait déclaré à son propos qu'il n'était qu'un "pauvre plouc", Y. Lvoitch se révéla être un cadeau du ciel pour les services de renseignement occidentaux comme en atteste un rapport du BND daté du 24 juillet 1973 (> Lien) (4). Outre l'avion lui-même, ce sont surtout les informations concernant l'usage des armes nucléaires tactiques, leur stockage et les procédures associées qui firent, on peut le dire, l'effet d"une bombe... Comme le résuma l'un des interrogateurs du transfuge soviétique : "Ce rapport était la première preuve solide que des armes nucléaires étaient bien stockées par l'Aviation Frontale de l'Union Soviétique !" E. Lvoitch a disparu des écrans radar après avoir obtenu l'asile politique. Quant aux restes de son appareil, alors que les Soviétiques en réclamaient la restitution immédiate, il ne les ont récupérés que le 31 mai 1973, fort logiquement au poste frontière de Helmstedt à l'est de Braunschweig. PS Il faut croire que la région de Braunschweig exercait un certain magnétisme sur les pilotes de Grossenhain. En effet, le 17 septembre 1987, un Su-24 du 497.BAP (l'ancien 497.IBAP/APIB) survola la ville suite à des problèmes de navigation ! Mais ceci est une autre histoire et nous en reparlerons lorsque nous nous attaquerons aux unités de bombardiers. With special thanks to Wolfgang Roehl for his photo collection
notes
(1) Selon les sources, le nom complet serait Yevgeni Vronsky.
|
||||||||